LE MENHIR, VALEUR SURE Lucien Gourong On dit qu’en période d’incertitude économique, rien ne vaut la pierre comme valeur refuge. L’affaire de la vente des terrains de Plouhinec (Morbihan) en vue de la construction, a suscité l’émoi des défenseurs du patrimoine lorsqu’ils ont appris que sur les parcelles proposées se trouvaient de nombreux menhirs. Des menhirs appelés donc à devenir privatifs. Le menhir public est quand même une valeur sûre quand on sait que l’un des sites les plus visités de Bretagne demeure les alignements de Carnac. Tous les menhirs sont normalement classés monuments historiques. Ceux de Plouhinec depuis 1963, soit trois ans après que la construction d’un chemin d’exploitation rurale a couché, voire détruit plus de 50 d’entre eux. Depuis qu’ils ont été érigés pour des raisons qui demeurent encore obscures, nos menhirs ont connu les pires vicissitudes, certains débités pour construire les jardins, d’autres purement et simplement déplacés, brisés, enterrés pour faire place nette à la charrue. Autant de pertes dont on ne saurait se consoler avec ces néo-menhirs dressés à l’entrée de bourgs et destinés à donner une plus grande touche d’authenticité. On n’a pas a toujours porté aux menhirs une attention digne de l’intérêt historique qu’ils méritent. Lors de son voyage en Bretagne (1847) Flaubert ne les trouve pas beaux « Nous comprîmes, écrit-il, l’ironie de ces granits qui depuis les druides rient, dans leurs barbes de lichens verts à voir tous les imbéciles qui viennent les visiter.» A quelques temps de cette visite de l’auteur de Madame Bovary, Emile Souvestre recueillait auprès d’un boucher du bourg de Plouhinec le très beau conte de ces menhirs qui vont boire à la mer une fois par siècle à Noël. Durant leurs libations nocturnes, ceux qui ont sur eux une herbe à la croix peuvent s’emparer de trésors incroyables enfouis à leur pied. Mais ceux qui n’en sont pas munis sont écrasés par les grandes pierres, lorsque désaltérées, elles reviennent reprendre leur place. C‘est quoi, l’herbe de la croix ? Je le sais mais ne vous le dirai pas. Au prochain Noël, il y a juste un siècle qu’ils ne sont pas allés boire à la Ria d’Etel et je ne voudrais pas me retrouver cette nuit là au milieu d’une armée de chasseurs de trésors dans les menhirs du Gueldro-Hillio. |
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Extrait de "En fin de conte" Par autorisation de l’auteur Texte publié dans le journal Ouest-France du 20/11/07
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