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PROSPECTIONS AERIENNES

EN

MORBIHAN ET FINISTERE

 

 

Roger BERTRAND et Bernard GINET

 

C’est en 1988 que notre Société a pris l'initiative de mettre en œuvre un programme de prospection-inventaire archéologique. Ce programme de recherche, d'abord limité à la commune de PRIZIAC, s'étendit ensuite aux communes avoisinantes, puis à toute la partie Ouest du Morbihan, enfin au Finistère-sud pour couvrir aujourd'hui un territoire de 2.500 km2 environ, limité par l'Odet à l'ouest, la rivière d'Etel à l'est et la limite départementale Morbiban / Côtes d'Armor au nord, incluant au total 86 communes (Fig.1).

 

 

Fig 1 - Zone d'étude

Cette initiative reçut rapidement l'aval du Service Régional de l'Archéologie, autorité de tutelle, car elle rentrait dans le cadre du programme "Carte archéologique de la France" du Ministère de la Culture et répondait à des besoins pressants dans notre région. Après les découvertes réalisées en prospection aérienne en Ille et Vilaine et Côtes d'Armor, en particulier par Loïc LANGOUET, on pressentait que notre région devait être riche en sites archéologiques, et en particulier en sites d’habitats protohistoriques, encore très rarement détectés faute de moyens adéquats.

Nos prospections aériennes ont débuté en 1989 dans la région du Haut-Ellé, avec Roger BERTRAND photographe et Georges PIN pilote. En 1991, une seconde équipe formée de Bernard GINET photographe et Loïc LE BAIL pilote s'impliquait dans ce programme, lui donnant une nouvelle ampleur.

La zone à prospecter était alors étendue et partagée entre les deux équipes, l'une travaillant sur la partie morbihannaise (Bernard GINET et Loïc LE BAIL), l'autre sur la partie finistérienne (Roger BERTRAND et Georges PIN). Cet accroissement des moyens et une année 1991 favorable sur le plan météorologique amenèrent, cette année là, la reconnaissance d'un nombre record de sites inédits. Depuis, les prospections aériennes ont été poursuivies chaque année, permettant des découvertes régulières de sites inédits: près de 600 à ce jour.

Cette prospection est co-financée par les Conseils Généraux du Morbihan et du Finistère et par notre Societé avec, cette année, une participation du Ministère de la Culture. Son but est de reconnaître et inventorier les sites connus et inconnus afin de les protéger et éventuellement les fouiller, en particulier à l'occasion des grands chantiers d'aménagement du territoire comme les travaux routiers ou urbains.

Les avions utilisés sont loués à l’aéro-club de Lorient. Ce sont des avions légers de tourisme, très maniables dans les survols à basse altitude et permettant une bonne visibilité pour la détection des sites. Pour limiter les manœuvres des avions, les appareils photographiques sont équipés de zooms.

Pour chaque site reconnu, une fiche de découverte archéologique est réalisée, mentionnant ses caractéristiques: année, positionnement précis du site: département, commune, coordonnées Lambert, nom du lieu-dit sur la carte IGN au 1/25.000eme et sur le plan cadastral, dimensions du site, croquis de ses contours sur le plan cadastral.

Une description sommaire du site, un cliché papier couleur, une diapositive complètent cette fiche qui constitue, en fait, un mini dossier.

En fin de campagne, deux exemplaires de ces fiches sont adressés, l'un au Service Régional de l'Archéologie, à Rennes, l'autre au Ministère de la Culture à Paris.

La découverte des sites archéologiques par observation aérienne présente cette particularité que l'observateur aérien ne voit pas le site qu'il découvre mais qu'il le détecte par les anomalies créées par sa présence, dans les cultures qui le recouvrent. La reconnaissance de sites en archéologie aérienne ne peut donc se passer de la réflexion inductive de l'observateur qui doit bien connaître le processus de formation des traces qu'il veut décrypter.

Fig 2: Coupe d'un fossé protohistorique

Lorsque le sol naturel a été creusé assez profondément, son homogénéité naturelle a été perturbée: en effet le sol naturel est formé de strates superposées, par exemple pour notre région: terre arable en surface, arène granitique, enfin socle granitique (Fig.2). Un fossé creusé dans les deux couches superficielles de terre arable et d'arène granitique retiendra davantage l'humidité lorsqu'il aura été comblé de terre arable plus perméable que l'arène granitique, et les végétaux pousseront mieux là où se trouvait autrefois le fossé.

Ce phénomène de fossé comblé et d'humidité résiduelle provoque deux sortes d'anomalies dans la pousse des végétaux:

    • des différences de teinte au moment du mûrissement des céréales: ainsi le maïs qui jaunit à la fin de l’été montrera des zones encore vertes à l'emplacement des anciens fossés (crop-marks) (Fig.3)

Fig 3: Enclos fossoyé à La Russie en Riantec (Morbihan)

Photo Bernard Ginet

-des micro-reliefs repérables en éclairage rasant en début de matinée et au soleil couchant: la végétation pousse plus haut là où était le fossé (shadow-marks) (Fig.4)

Fig 4: Structure quadrangulaire en Taulo en Silfiac (Morbihan)

Photo Bernard Ginet

Dans notre région, beaucoup de découvertes se font dans le maïs, mais aussi le blé, l'orge, et même les prairies. Les pois fourragers, qui donnent de très bons contrastes sont malheureusement rarissimes dans notre région. Mais la terre bretonne porte aussi les cicatrices des travaux humains et de 1'Histoire: anciens parcellaires détruits lors du remembrement, drainages agricoles, trous de bombes, etc... et le prospecteur aérien doit être prudent dans ses affirmations.

Depuis le Paléolithique jusqu'à nos jours, le territoire de la Bretagne a été fréquenté sans discontinuer par des groupes humains. Si les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique et du Mésolithique n'ont pas laissé de traces repérables d'avion, il n'en est pas de même au Néolithique où de vastes enclos de défense avec plusieurs fossés paracurvilignes et entrées multiples surplombant les rivières peuvent se rencontrer. Plus tard, à l'époque du Bronze, les sépultures des personnages importants sont enfouies sous des tumulus que l'on découvre à la lumière rasante des fins d'après-midi.

C'est l'époque protohistorique, c'est à dire, au sens large, la période s'étalant depuis l'époque gauloise jusqu'au Moyen-Age qui se prête le mieux à l'observation aérienne. Le territoire que nous survolons se couvre alors d'un habitat dispersé présentant des structures construites en matériaux végétaux et entourées de palissades et de fossés. Après la disparition des poteaux en bois, des palissades et des toitures en chaume, il ne subsiste plus aujourd'hui, dans les cultures, que la trace des fossés qui ceinturaient ces habitats, comme à La Russie en RIANTEC(Morbihan) (Fig.3). Mais les sites complexes comportant plusieurs enclos ne sont pas exceptionnels; ainsi l'ensemble gallo-romain de Kerbris en MOELAN-SUR-MER (Finistère) (Fig.5) où se reconnaît un enclos principal entouré d'un ensemble d'enclos secondaires, avec la présence de fosses.

 

Fig 5: Site gallo-romain de Kerbris en  Moëlan-sur-Mer (Finistère)

Photo Roger Bertrand

Les enclos détectés sont le plus souvent paracurvilignes mais les structures se rencontrent également, mais rarement, comme au Taulo en SILFIAC (Fig.4) qui pourrait être une villa gallo-romaine.

En l'absence de mobilier que l'on peut retrouver à l'époque des labours, il est difficile de dater ces structures fossoyées: la fouille du site à fossés et enclos de Kerléan en CONCARNEAU a montré une occupation très large, allant du Néolithique au Moyen-Age.

Pour l'époque médiévale, l'observation aérienne peut découvrir certaines structures au sol, comme le champ à billons identifié en 1970 près du village de Pen-Er-Malo en GUIDEL, alors en cours de fouilles(Biblio 1), ou bien donner une vision originale de certaines structures, ainsi la motte féodale de Kerguillerm en BANNALEC (Fig.6) que l’on voit entourée de sa basse-cour et judicieusement située dans la boucle d'un ruisseau qui la protège sur trois cotés.

 

Fig 6: Motte féodale à Kerguillerm en Bannalec (Finistère)

Photo Roger Bertrand

Toutes ces prospections aériennes se font après une préparation de chaque vol sur les cartes IGN au 1/25.000eme, et le décollage ne peut se faire qu'en fonction de la météorologie, de l'autorisation de l'autorité militaire, de la disponibilité d'un avion et d'un pilote. Et bien sûr d'un photographe armé de son appareil photographique, bardé de pellicules de diapositives, d'un GPS pour localiser les sites, d'un dictaphone pour enregistrer les moindres détails de situation, et surtout animé par la passion de la découverte archéologique!

 

B I B L I O G R A P H I E

1. R.BERTRAND et M.LUCAS, "Un village côtier du 12eme siècle en Bretagne, Pen Er Malo en Guidel (Morbiban)" Archéologie Médiévale,V,1975,p.73-101.

2. R.BERTRAND, "Prospection-Inventaire du Haut-Ellé. Campagne 1989-1990", Bull. de la SAHPL 1989-l990,p. 11-16.

3. R.BERTRAND, "Prospection-Inventaire en Basse-Bretagne, Campagne 1990", Bull. de la SAHPL 1990-1991, p.37-49.

4. R.BERTRAND, "Deux années de Prospection-Inventaire dans l'Ouest du Morbihan et le Finistère-sud, 1991 et 1992`", Bull. de la SAHPL 1993, p.20-54.

5. R.BERTRAND, "Prospection-Inventaire dans l'Ouest du Morbihan et le Finistère-sud en 1993". Bull. de la SAHPL, 1994, pp 65-81.

6. R.BERTRAND, "Prospection-Inventaire dans l'Ouest du Morbihan et le Finistère-sud en 1994". Bull. de la SAHPL, 1995, n° 26, pp.44-50.

7. B.GINET, "Prospection aérienne et prospection de surface. Complémentarité des techniques de repérage". Bull. de la SAHPL, 1996, n° 27, pp.64-65.

8. R.BERTRAND et B.GINET, "Campements et habitats dans la vallée du Scorff. Découvertes récentes". Bull. de la Soc. d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, 2001, pp.401-411.

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