LES ARDOISIERES DE GOURIN

 

NOTE GEOLOGIQUE

 

J. Le Guernic

Ingénieur ENSPM

2, rue du Four – Gourin

 

 En quittant Gourin plein Nord, nous avons pris la route de Saint-Hernin qui monte de 132 NGF à 245 au niveau de Minez Cluon avant de redescendre à Malachap puis vers 215 au carrefour de Penquerhoët dans une combe E-W où nous avons pris à pied le chemin des Ardoisières (voir carte de l'itinéraire ). Vers le Nord, la topographie remonte à 290/300 pour former une crête reliant Roc'h Toullaëron à Minez Guernazo et limitant la dépression de Guernanic. Comme toujours en géologie, cette disposition des lieux - qui va bien au-delà d'une simple géographie - pose clairement le problème de la nature et de la structure du sous-sol, éléments nécessaires pour comprendre la raison de cette double crête à l'origine de l'appellation plurielle " les Montagnes Noires "

 1 - Contexte géologique des Ardoisières

 Entre Le Faouët et Gourin, les terrains sont constitués par un ensemble schisteux complexe attribué au Briovérien, âge géologique précédant l'Ere Primaire dont la base a été placée vers 540 MA (millions d'années). Cette série sédimentaire a plus tard été traversée par des granites comme Kerguz et Rostrenen (voir rappel stratigraphique à la page 10).

Sur le versant Sud de la première crête, il existe de nombreuses lentilles à galets centimétriques siliceux dit " poudingue de Gourin "   correspondant à des dépôts morainiques de la fin du Briovérien (Eocambrien), période durant laquelle la Terre entière était recouverte de glace. Il n'y a pas de coupure stratigraphique et l'on passe régulièrement (accordance) au Cambrien caractérisé par des Séries rouges peu épaisses bien qu'elles représentent environ 60 MA soit toute la durée du Tertiaire ! Brusquement, des grès quartziques gris clair à pendage vertical apparaissent. Cette couche très dure, en bancs épais, correspond dans la topographie des Montagnes Noires à une première barre rocheuse et donc à la crête Sud traversée par la route de Malachap. C'est un niveau géologique majeur dans la structure de la Bretagne. Il se retrouve jusqu'au Normandie (Mortain, Falaise...).

Après cette période sableuse (détritique) datée de l'Ordovicien (Arénigien), la sédimentation change complètement devient calme avec dépôt d'argile et de sable très fin (limon, silt). Pendant 12MA (1a genèse de l'homme depuis Tollmaï n'est que de 7MA), les conditions du milieu (paléogéographie) ne vont pas varier. Ce sera le domaine des sédiments planctoniques, des bivalves et surtout un milieu très favorable au développement et à l'évolution des trilobites, sortes de cloportes marins de 1 à 10 cm de long. Ce sont les Schistes de Postolonnec (voir page 10) ou " à calymènes " contemporains des schistes ardoisiers d'Angers. Nous sommes ici dans les séries les plus anciennes du synclinal de Châteaulin.

   

Itinéraire suivi lors de la sortie

 

Au Silurien et au Dévonien, la sédimentation sera argileuse avec des épisodes grossiers donnant des schistes ou des grès quartzite. Leur présence explique la 2ème crête des Montagnes Noires, celle que nous n'avons pas franchie. Le couple "schiste / grès " se retrouve régulièrement jusqu'au Carbonifère alors que les premiers mouvements tectoniques sont déjà apparus précédés par des phases volcaniques.

 

2 - L'origine des ardoises

 L'appellation commune de " schiste " est ambiguë car très générale. C'est pourquoi les géologues l'emploient le plus souvent accompagnée d'un terme explicatif : calcschiste, schiste pélitique, micaschiste, schiste bitumineux, schiste ardoisier… En effet, la schistosité est la particularité d'une roche à présenter un clivage qui peut avoir 2 origines :

+ sédimentaire dans un dépôt contenant des argiles, des limons (sable très fin), des micas ou ayant subi un métamorphisme léger (argile schisteuse),

+ tectonique dans une roche ayant été soumise à des contraintes très élevées sous des températures faibles (épimétamorphisme) à fortes.

 La schistosité - ou clivage - permet un débit de la roche en feuillets qui vont du centimètre (calcaires à lauzes des Alpes) à l mm (ardoises de Gourin). Dans ce dernier cas, il faut évidemment que le grain élémentaire de la roche s'y prête. Pour être qualifiée de " schiste ardoisier " ou ardoise au sens géologique et/ou industriel du terme, les conditions sont les suivantes :

+le dépôt doit être homogène (milieu de sédimentation calme) formé d'apports très fins et la roche dans son ensemble peu fissurée,

+ le clivage tectonique doit être produit par une contrainte perpendiculaire à la sédimentation (image du pressoir et des lits de pommes).

 Ces conditions sont réunies dans l'exploitation que nous avons vue à l'extrémité Ouest des   ardoisières de Guernanic. Le pendage de la roche est quasi-vertical comme celui des quartzites situés plus au Sud et donc - stratigraphiquement - plus anciens. De plus, les efforts tectoniques depuis le Dévonien ont refermé le Bassin de Châteaulin (orogénèse hercynienne) par des mouvements horizontaux conformément à la Théorie des plaques.

Par ailleurs, la qualité de l'ardoise peut être affectée par deux anomalies qui la rendent impropre à son emploi dans le bâtiment :

+ la présence de pyrite qui est un sulfure de fer (S2Fe) cristallisant très facilement (système cubique). En présence d'eau, il disparaît en laissant des traces de rouille et donc un trou. . . ce qui est mal vu pour l'étanchéité d'un toit,

+ des dépôts sableux bien individualisés liés à un apport saisonnier (crues de printemps) ou exceptionnel (légère modification du niveau de la mer avec réajustement des paramètres d'érosion).

A noter que la couleur gris/noir bleuté est due à la présence de matière organique (cf. le Callovo-Oxfordien du Briançonnais à Gap et Barcelonnette). Elle est essentiellement liée à des microorganismes (plancton). Or, la matière organique est un élément fixateur du sulfure de fer qui peut localement constituer des amas de pyrite (1'or du pauvre en raison de sa couleur). Certains membres du groupe en ont trouvé.

   

Echelle des temps géologiques

   

3 - Questions posées lors de la journée

 Des questions très diverses ont été posées lors de l'excursion. Certaines sont liées au site, d'autres plus générales. Sans vouloir renter trop dans les détails, nous pouvons préciser les éléments suivants :

 + Quartzite. La " pierre blanche " de Gourin est caractéristique du Grès armoricain. Elle est constituée par des grains siliceux cimentés par de la silice ce qui lui donne une très bonne résistance mécanique mais aussi une fragilité aux chocs. Elle contient quelques feldspaths, très peu de mica et a subi un métamorphisme léger.

 C'est donc à l’origine un grès siliceux ou grès quartzite roche que l’on retrouve dans le Trias des Alpes (quartzite du Briançonnais, Haute vallée de 1'Ubaye...). Nous l'avons également rencontré en Inde, sur le versant Sud de l'Himalaya. Bien que d'origine différente, les grès de Fontainebleau du Tertiaire parisien sont aussi des quartzites (99% de silice).

 + Trilobites. Avec la fin des conditions glaciaires du Briovérien, le Cambrien a vu une expansion extraordinaire de la faune marine (sur le continent il faut attendre le Dévonien inférieur pour identifier les premiers végétaux vascularisés). En particulier des arthropodes qui vivaient sur le fond de l'eau (benthiques). Plusieurs espèces ont été identifiées à Gourin dans les schistes ardoisiers

 +Exploitation des ardoises. Le gisement de Guernanic est géologiquement le plus ancien. Il comprend un niveau de 32 m de puissance avec une veine Sud de 8m et une veine Nord de 10m. Les conditions favorables à leur présence se trouvent ailleurs dans les horizons plus récents du Carbonifère schisteux du Bassin de Châteaulin (St Hernin, St Goazec…)

 

 Les couches superficielles sont toujours altérées (15 à 20m) en raison de leur clivage vertical facilitant la pénétration de l'eau ce qui a nécessité la réalisation de puits d'accès aux filons pour atteindre la roche saine exploitable (1e plus profond fermé en 1961 avait 208m). Ce phénomène d'altération est dû à l'action de l'eau sur les constituants minéraux qui, par hydrolyse, se transforment et deviennent très sensibles à l'érosion. Ce n'est pas le cas du quartz, expliquant de ce fait la présence du vallon schisteux de Guernanic entre les reliefs formés par les bancs de grès  quartzite de la double crête des Montagnes noires.

 

   

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Compte rendu de la sortie par Jeanne Macé