Rechercher

Page précédente Accueil  Plan du site

 

LES ATELIERS DE HACHES EN PIERRE POLIE

DE SELEDIN-PUSSULIEN (22)

 

Gaby Le Cam

S.A.H.P.L.

 

C’est dans les Côtes d’Armor, à Roc’h Pol en Sélédin-Plussulien, au sud de Corlay, que se trouve un site remarquable où, pendant 2000 ans les hommes du néolithique ont exploité une carrière de dolérite (métadolérite), roche dure et dense pour la fabrication de haches. La zone rocheuse s’étend sur 1 km2, et comprend les ateliers de taille situés dans la partie boisée attenante. Ce vaste ensemble archéologique est devenu propriété du Conseil Général.

L’exploitation de cet affleurement aurait débuté vers 4200 avant J.C. pour se terminer avec la fin du néolithique et un abandon définitif, après plusieurs phases d’occupation, aux environs de 2000 avant J.C.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le site de Sélédin-Plussulien tel qu’il est possible le voir de nos jours. (Photo Gaby Le Cam)

Il s’agissait d’un des plus grands sites européens de production de haches taillées et polies. On peut chiffrer à quelque 6 millions le nombre de pièces sorties des ateliers de Sélédin en Plussulien sur une période de 2000 ans. Ces outils se retrouvent ensuite dans tout le nord-ouest de la France, mais aussi en Alsace, la vallée du Rhône, l’Angleterre.

 

C’était une monnaie d’échange très prisée qui permettait, en autre, par le système du troc de se fournir en roches et minéraux inexistants dans nos régions comme par exemple les pierres des régions alpines pour la confection des objets de prestiges tels ceux trouvés dans certaines tombes dites « princières », qui accompagnaient le défunt. Rappelons-nous ces magnifiques haches en jadéitite (matière qui se confond avec la jadéite mais qui est plus dense et plus translucide), venant de Kerham en Ploemeur, objets qui sont de véritables œuvres d’art.

 

 

 

 

Des traces de débitage dans les blocs rocheux. (Photos Gaby Le Cam)

 

 

 

 

Le site de Sélédin-Plussulien fut découvert en 1964 par l’archéologue Charles-Tanguy Le Roux qui mena pendant cinq années, de 1969 à 1976, une importante campagne de fouilles lui permettant de reconstituer le fonctionnement de ces ateliers lithiques : l’extraction et le débitage de la roche, le façonnage des haches qui se faisait sur place comme l’attestent les milliers de débris, les chutes de taille, les ébauches ratées jonchant le sol sur plusieurs couches. Il y avait énormément de déchets, pour une pièce de quelques centaines de grammes il fallait partir d’un bloc d’une dizaine de kilos, il en reste encore de nos jours ! .

 

 

 

Sur le site de nombreux éclats jonchent le sol. (Photos Gaby Le Cam)

 

 

D’après Charles-Tanguy Le Roux la confection d’une hache pouvait se faire dans un délai très court :

« Taille de l’ébauche à l’aide d’un percuteur, une heure environ.

Retouches, une heure également.

Bouchardage, c’est à dire martèlement à la massette sur toute la surface de la pièce pour amener la future hache vers sa forme définitive, deux à quatre heures selon les dimensions et la qualité de la pièce.

Polissage, de quelques heures à un ou deux jours selon la qualité de la finition et l’importance de l’objet. » 

Une cuvette de polissage est encore visible sur le site.

 

Une cuvette de polissage qui a traversé les millénaires. (Photo Gaby Le Cam)

 

Une hache ordinaire pouvait donc être fabriquée en moins d’une journée, une belle pièce demandait deux à trois jours pour le tailleur, l’outil était solide et pouvait être réaffûté par l’utilisateur. Son usage allait du débitage du bois une fois emmanché, au travail de la terre pour les lames longues et même comme arme pour le combat.

 

Un produit terminé (Photo Gaby Le Cam)

 

De très nombreuses haches sont parvenues jusqu’à nous, les musées en possèdent énormément (voir les magnifiques collections de Carnac) et combien de particuliers en exposent chez eux, dans des vitrines, découvertes fortuitement lors de promenades ou issues de fouilles clandestines. Dans les campagnes elles étaient presque courantes, remontées à la surface des sols lors des labours, elles servaient à aiguiser les faux et les faucilles.

Elles faisaient aussi l’objet de nombreuses superstitions, très souvent appelées « pierres de foudre » ou « pierres de tonnerre », les croyances voulaient qu’elles tombent du ciel lors des orages. Placées dans la cheminée elles étaient censées éloigner la foudre et protéger la ferme et donc portaient bonheur. Les marins également, quand ils partaient en mer, embarquaient une hache à bord. Elle devait éloigner le mauvais temps, les tempêtes, protéger le navire, et surtout, ramener l’équipage à bon port. Ces haches pouvaient d’ailleurs côtoyer des images pieuses, deux précautions valant mieux qu’une.

 

Pour en revenir aux peuples du néolithique, la hache était un objet, un outil tellement important, qu’elle était représentée dans de nombreux monuments funéraires, Gavrinis, la Table des Marchands.

 

Dessins de haches emmanchées