Conférence S.A.H.P.L. du 5 décembre 1992

Dans le cadre de cette étude du patrimoine archéologique insulaire, la première tâche, avant d'entreprendre toute opération de terrain, était une évaluation des connaissances à partir des données déjà acquises et disponibles. Cette évaluation a consisté en un dépouillement systématique des fichiers archéologiques mis à notre disposition par divers services et institutions (Service Régional de l'Archéologie, Laboratoire d'Anthropologie et d'Archéométrie de l'Université de Rennes I, etc..., mais aussi par les chercheurs et par des bénévoles), ainsi qu'en des dépouillements bibliographiques. Cette première phase avait donné lieu à la création d'un fichier-inventaire des sites archéologiques insulaires, fichier réalisé avec l'aide de l'Institut Culturel de Bretagne. A la fin de l'année 1988, ce fichier comportait 440 sites archéologiques insulaires, toutes périodes confondues (de la Préhistoire à la fin du Moyen-Age), pour les départements des Côtes d'Armor, d'Ille et Vilaine, du Finistère et du Morbihan.

La réalisation de ce fichier fut l'occasion de faire le bilan sur la qualité des renseignements disponibles concernant ces sites ; il apparut alors que seuls 10 à 20 % d'entre eux (selon les départements) figuraient à la Carte Archéologique de la France (fichier central informatisé) ; pour tous les autres sites, les informations étaient trop lacunaires (localisation absente ou imprécise, manque d'éléments de datation, etc...). La réalisation de ce fichier a donc constitué une base de travail et un point de départ pour orienter les recherches de terrain. Ce fichier continue à être systématiquement actualisé.

A partir de 1989, le nouvel aspect qui a été développé dans cette recherche est la mise en place d'un programme pluriannuel de prospection-inventaire archéologique des îles de Bretagne, programme financé pour partie par le Ministère de la Culture, par les Conseils Généraux des départements concernés et par certaines communes. Le travail de terrain est réalisé par des équipes de chercheurs et de bénévoles et met en oeuvre différentes techniques : prospection aérienne, prospections au sol, analyses des mobiliers collectés, etc...

Au bout de quelques années, le bilan de ces prospections est le suivant : 100 sites archéologiques insulaires ont été traités en 1989, 115 en 1990 et 130 entre 1991 et 1992 (par sites "traités", nous entendons à la fois les sites inédits et ceux qui ont fait l'objet d'une re-localisation ou de prospections complémentaires).

Au sein de ce programme global, des opérations de prospection-inventaire systématiques ont été réalisées sur les plus grandes îles et des archipels : île de Groix (Morbihan), en 1989 et 1990, île d'Ouessant (Finistère) en 1990 et 1991 (Robic, 1992), îles du Golfe du Morbihan depuis 1991 et archipel de Bréhat (Côtes d'Armor) en 1992. Ces opérations systématiques permettent de mobiliser des équipes sur un territoire insulaire pendant une période limitée, alors que, parallèlement, des prospections et surveillances ponctuelles sont effectuées sur les petites îles et îlots de Bretagne.

La détection par voie aérienne en milieu littoral alimente, en parallèle, un thème de recherche original concernant des structures aujourd'hui immergées et pouvant appartenir à d'anciennes pêcheries, à des digues, etc..., dont le recensement systématique est en cours, avant qu'une étude plus approfondie ne nous permette d'en rechercher la fonction précise et la datation.

Durant ces dernières années nous avons pu, à travers les moyens évoqués, faire progresser les inventaires des sites de productions de sel (sites de briquetages ou ateliers de bouilleurs de sel) datant de la Protohistoire, le plus souvent de l'Age du Fer ; nombre de ces sites ont été découverts à la suite de tempêtes et de l'érosion de portions de côtes.

La menace qui pesait sur ces installations relativement fragiles fut à l'origine de fouilles de sauvetages pratiquées sur certains de ces établissements.

Parmi les activités littorales et insulaires liées à la ressource naturelle que constitue la mer, la production de sel (par la technique du briquetage) est sans doute une activité qui laisse davantage de traces archéologiques tangibles que d'autres, telle que la pêche par exemple.

L'atelier de bouilleur de sel retrouvé sur l'île d'Yoc'h en Landunvez (Finistère) - (Fig. 1) - (Daire, 1989) n'est pas sans évoquer, par la structure même des installations et du bâtiment, celui des Ebihens en Saint-Jacut-de-la-Mer (Langouët, 1989). L'île d'Yoc'h a livré, au sein d'un hameau, un bâtiment artisanal aux murs de pierres épais et relativement bien conservés, comprenant divers aménagements de foyers et de cuves de stockage étanches, l'ensemble étant datable de la fin du second Age du Fer. Le bon état de conservation des vestiges de l'île d'Yoc'h est largement dû à la très faible fréquentation de l'île depuis cette période, celle-ci paraissant liée actuellement aux difficultés d'accès sur l'île.

Sur la presqu'île de Landrellec en Pleumeur-Bodou (Côtes d'Armor) - (Fig. 2), un nouvel atelier de bouilleur de sel d'un type comparable a été récemment mis au jour à la suite de violentes tempêtes, puis fouillé en urgence (Daire et Le Brozec - 1990 et 1991). Ce grand bâtiment rectangulaire, de 9 mètres sur 6 au minimum, entouré de murs dont l'un est conservé sur 1,60 mètre de haut, présentait des aménagements intérieurs liés à la production du sel : foyer, grand four rectangulaire excavé de 2 mètres de long et cuves ou fosses de stockage au nombre de huit. Tout comme sur le site des Ebihens en Saint-Jacut-de-la-Mer (Côtes d'Armor), l'excellent état de conservation des structures est ici lié à l'important dépôt de sable éolien (pouvant atteindre plusieurs mètres) qui a scellé les vestiges archéologiques après leur abandon.

De nouvelles recherches amorcées sur l'île Ilur (Golfe du Morbihan) durant l'été 1992, montrent là encore l'existence d'un atelier de bouilleur de sel de la fin de l'Age du Fer, bien structuré et comportant notamment un grand four rectangulaire, les structures se trouvant là encore en falaise et attaquées par les érosions naturelles (Daire, 1992) - (Fig. 3).

A l'avenir, il faut souhaiter que d'autres recherches puissent être menées sur des établissements de ce type, offrant de nouvelles possibilités de synthèse sur cette industrie littorale spécifique sur les côtes armoricaines et importante à l'Age du Fer.

Conférence S.A.H.P.L. du 5 décembre 1992