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STAGE DE TERRAIN DE KERNEVEL DU 10 AU 12 NOVEMBRE 2006

 

L’occupation néolithique de la Cornouaille orientale

 Yann Bougio

Cartographe S.I.G. – Organisateur du stage

 Un inventaire archéologique diachronique

(Synthèse des résultats sur les 8 ans de Prospection)

Région de l’Aven – Zone Odet / Laïta

 

 

 

   

 

 

 

Présentation

Depuis huit ans, je suis chargé de l’inventaire archéologique de la région bordant la rivière Aven. Dans ce cadre, j'ai organisé un cinquième séminaire de prospections thématiques sur ce territoire. Ce travail s’inscrit dans un contexte particulier et concerne divers organismes de recherche. La Société d’Archéologique et d’Histoire du Pays de Lorient est à l’origine du projet à la fin de l’année 1999. En effet, suite à mon arrivée dans le sud Finistère (29), pour un métier de Cartographe dans un bureau d’étude en environnement marin (In Vivo Environnement), j’ai intégré la société archéologique, sous l’impulsion de Jean Marc Lacot et M. Roger Bertrand, dans le but de poursuivre des recherches archéologiques dans le secteur au sud des Montagnes Noires entre l’Odet et la Laïta.

Mon expérience acquise auprès de M. Pierre Gouletquer et de l’association Tumulus (UBO) me permet d’avoir une bonne vision de ce travail d’inventaire (Prospections et inventaire sur le Bas Léon et la commune de Dirinon (29)). La première étape de l’étude consiste à contrôler les sites repérés par photographies aériennes. Dans ce cadre, la prospection au sol, dont je suis chargé, analyse et échantillonne des objets récoltés sur des parcelles où l’on a vu des enclos ou des villas (observation de fossés ou de murs), pour les dater. L’objectif est de transmettre des fiches archéologiques complètes pour le Service Régional d’Archéologie de Rennes qui coordonne la fabrication de la carte archéologique de la région Bretagne. Celle-ci est l’outil premier de l’archéologie préventive qui précède tout aménagement. Les fouilles éventuelles sont alors confiées à l’INRAP ou au service départemental d’archéologie.

Au cours de ces premières prospections, nous avons mis vite en évidence autre chose que de simples tessons de la protohistoire, de l’époque romaine ou du haut moyen Age. Nous avons commencé à relever une quantité importante de pierres taillées ou polies. Cela, m’a permis d’ouvrir cette recherche d’abord centrée sur Trégunc sur l’ensemble du territoire de l’Aven. Pour mettre en valeur ces découvertes, je me suis rapproché du PCR (Programme collectif de recherche sur mésolithique). De là, est née une collaboration entre différents chercheurs et prospecteurs de la région Bretagne. L’objectif étant une analyse fine du territoire et son étude dans un contexte plus large sur les périodes du mésolithique et du néolithique. A partir de là, j’ai intégré mes recherches avec les études précédentes effectuées par Grégor Marchand (Chercheur au CNRS – UMR 6566)  dans la partie Est du territoire et les recherches de prospecteurs locaux comme M. Raymond Le Floch, M. Le Roux, M. Perry, M. Gueguen, M. Scoazec (sur la commune de Névez) et Mme Delaloy.

Après les diverses prospections engagées depuis 8 ans et le complément fait avec les anciennes études, l’analyse du territoire devient plus fine et nous pouvons commencer à avoir une bonne vision de l’occupation humaine aux différentes périodes. De la même façon, nous avons aujourd’hui une idée précise des roches employées par les hommes de la préhistoire pour fabriquer leurs outils (avec l’aide de Rodrigue Tsogou – Doctorant à Rennes 1) et les échanges pouvant exister dans ces périodes anciennes. Nous appliquons ici les méthodes utilisées sur d’autres territoires comme on le fait en région Centre (voir l’ouvrage récent : «  La Prospection  » ; Alain Ferdière et Co ; édition Errance ; 2006) et dans le reste de la Bretagne.

L’analyse des résultats nous a permis de mettre sur pied sous la direction de Grégor Marchand une première synthèse avec le mémoire de Master de Claire Le Bloa soutenu en 2006. Mon travail de cartographe m’a permis en outre de constituer et compléter une base de données précises sur cette zone d’étude. Il en ressort un certain nombre de résultats que j’exposerai dans une deuxième partie. Dans un premier temps je vais vous présenter le travail du dernier séminaire de novembre dernier.

I / Séminaire de terrain du 10 au 12 Novembre 2006 – Kernevel (29)

 A / Remerciements et contexte :

 Pour débuter cette présentation du dernier séminaire de terrain, je tiens à remercier vivement Anne Sylvie Pécot pour son accueil une nouvelle fois dans son gîte au cœur de notre zone d’étude (à Kerfloc’h en Kernevel), l’association Tumulus pour sa participation financière et son soutien depuis le début pour ce projet d’inventaire en Basse Cornouaille, Grégor Marchand pour son appui de tout instant et enfin, la Société d’Archéologie et d’Histoire du Pays de Lorient pour son aide.

Je tiens aussi à remercier l’ensemble des prospecteurs qui depuis des années m’accompagnent et m’aident dans cette entreprise. (Jean Claude Sonic en particulier pour le reportage photographique lors de ce dernier séminaire)

 Cette nouvelle campagne de prospection au sol (5ème depuis 2000) s’est orientée comme pour les années précédentes sur divers axes de recherches. Une équipe sous la direction de Roger Bertrand a poursuivi la datation des sites vus par photos aériennes. Quatre autres groupes de cinq personnes ont travaillé sur la poursuite des inventaires sur la préhistoire. Après observations de la carte de synthèse établie par Claire Le Bloa et moi, il ressortait une absence d’informations et des zones vides sur les communes de Saint-Yvi, Fouesnant, Bénodet, Riec-sur-Belon et le nord de Bannalec. Comme nous l’expliquions avec Yvan Pailler (Docteur en Préhistoire) dans un précédent article (Bulletin 2005 de la SAHPL ), la synthèse des premières données fait apparaître une faible occupation mésolithique et une forte influence de l’occupation néolithique. Nous n’avons que quatre sites majeurs sur le littoral avec Raguenes en Nevez (29) et Pors-Mali à Moëlan-sur-Mer sur la période mésolithique et une trentaine de sites le long de la faille sud armoricaine entre Melgven et le canton de Quimperlé. Certains ont été fouillés par Grégor Marchand, ces dernières années. Concernant l’occupation paléolithique, des informations sporadiques existent avec la découverte de bifaces, en particulier sur la commune de Trégunc (29) en Kerdalé (Collection Le Roux) et chez Mme Scaer en Kernalec. Concernant le Néolithique, nous avons une large palette de données, à la fois sur les matériaux récoltés en prospections et l’inventaire des monuments mégalithiques (114 sites observés).

Nous pouvons avoir ainsi, une vision intéressante sur les hommes vivant entre –  4500 et – 1500 avant JC sur ce territoire. Grâce à des découvertes récentes comme celle d’une flèche datant du Néolithique ancien par M. Scoazec de Nevez (29) nous savons aujourd’hui que la sédentarisation s’est faite assez tôt dans cette partie du territoire breton. A partir de toutes ces découvertes il était important d’observer l’ensemble du territoire, d’où la nécessité d’un nouveau séminaire de terrain pour compléter les espaces vides.

 B/ Déroulement du séminaire :

(Voir tableau des résultats du séminaire)

 Durant ces trois jours de travail, nous nous sommes fixé des objectifs. Le premier était de prospecter dans les zones vides pour savoir si effectivement elles l’étaient au Néolithique. Le deuxième cherchait à poursuivre un inventaire des carrières de roches susceptibles d’être utilisées par les hommes pour leurs outils (fibrolite et grès lustré en particulier). Le troisième et dernier portait sur la datation des sites vus par photographies aériennes.

Dans le premier cas nous avons constitué des équipes de prospecteurs qui ont étudié les parcelles libres d’accès, c’est à dire non semées. Le problème de ces zones vides, réside dans la difficulté d’accéder à des terrains « lisibles ». En effet, la zone est caractérisée par la prédominance de prairies du fait de l’élevage et la présence de grandes zones boisées. Nous avons sur ce territoire beaucoup plus de problèmes pour la prospection archéologique au sol, au contraire du pays Léon par exemple. Il m’est arrivé durant ce séminaire de parcourir, au Nord de Bannalec, des kilomètres sans voir un seul champ cultivé. Cette situation explique ainsi la pauvreté des résultats dans ces espaces. Nous avons pu cependant compléter notre base de données à travers certaines parcelles disponibles.

Dans le tableau et la carte en pièce jointe vous pourrez constater que nos équipes ont pu mettre en évidence 37 nouveaux sites (un site correspond à environ 30 pièces de la même période) ou indice de site. Nous avons été ici à nouveau dans la moyenne des séminaires précédents (environ 40 nouveaux sites par séminaire, soit environ 250 en 5 occasions). La prospection s’est passée selon la méthode traditionnelle : observation et prélèvements dans les sillons des vestiges (pierres taillées ou aménagées, tessons, tegulae et scories). Nous ramassons tout ce qui peut nous donner un indice du passage de l’Homme dans le passé et pour une datation précise. Nous observons ensuite les concentrations pour déterminer l’implantation exacte de l’habitat. Pour la première fois une équipe a pu utiliser un GPS pour situer cet aspect (grâce à Annette Flageul, archéologue amateur aguerrie qui a rejoint notre équipe cette année, pour la zone de Fouesnant). Sur la totalité du week-end nous avons prospecté 62 champs pour un résultat positif à 59 % pour les champs prospectables.

A signaler dans les découvertes faites cette année par nos équipes 2 sites d’importance : Loj-Nahennou en Bannalec avec 54 pièces et Kerandreo Loyan en Riec-sur-Belon. Dans le premier cas, on a retrouvé 4 éclats retouchés caractéristiques du Mésolithique final. Dans le deuxième, on est face à un habitat du Néolithique final avec un grattoir et une pointe de flèche (ci-contre). A noter aussi la présence le long de l’estuaire de l’Odet d’une concentration importante de sites inédits, avec la découverte une nouvelle fois cette année, de deux sites néolithiques sur la commune de Combrit : Kerlec Penker et Kerlosquet, mis à jour par notre équipe de prospection géologique, avec sur le premier site un outillage et un éclat de dolérite de type A retouché, de Plussulien (22).

Concernant cette même équipe, pas de nouvelle carrière découverte (en particulier de fibrolite ou de grès lustré). Un aspect qui fera l’objet dans les mois à venir d’un travail spécifique par Yvan Pailler. Par contre, nous avons pu compléter notre carte des faciès de cette zone géographique marquée par la faille sud armoricaine avec l’aide de Rodrigues Tsogou. Rappelons que cet espace est caractérisé par la présence de roches compressées comme l’ultramylonite de Tremeven qui possède les mêmes propriétés de taille que le silex.

La dernière équipe dirigée par Roger Bertrand a permis de dater et confirmer les sites gallo-romains de Kerjamet Stang Quinquis et Scalennou en Bannalec, observés par photographie aérienne.

Pour conclure cette partie sur le séminaire 2006, je tenais à remercier Loïc Langoët (Président de la section archéologie de l’Institut Culturel de Bretagne) qui est venu le samedi après midi. Il nous a fait un exposé sur le mégalithisme dans les Côtes d’Armor. La séance a été suivie par une visite de quelques sites  sur la commune de Pont-Aven avec l’étude de deux allées couvertes et d’un menhir. Cette partie nous a permis de confronter les méthodes de relevés des monuments mégalithiques. Un nouvel inventaire sera mis en place dans les années à venir pour ce territoire. Il n’existe pas actuellement d’état des lieux ou de publications récentes comme sur les Côtes d’Armor ou dans le Pays de Lorient.

 

II / Synthèse du séminaire et intégration dans le travail d’étude

 A / Analyse des dernières découvertes :

 ( carte 1 et carte 2  )

 Après ce dernier séminaire de novembre 2006, je suis resté en partie sur ma faim. En effet, de larges étendues restent inexploitées dans la partie nord du territoire à cause des prairies et des bois prédominant dans la zone. C’est pourquoi, il sera important de poursuivre le travail de prospection en faisant une veille collective entre les différents prospecteurs. La basse Cornouaille fait apparaître une occupation intensive à partir du Néolithique moyen comme le montre une nouvelle fois les résultats de cette dernière campagne. En prospection au sol, nous devons être attentifs au changement de l’environnement et les aménagements qui pourraient être engagés dans les années à venir. Pour la prospection aérienne, la concentration d’enclos (protohistorique ou médiéval) et de villas gallo-romaines ne fait pas de doute et ne manque pas d’enrichir la base de données. Pour chaque période il pourrait y avoir sur ce territoire une étude. L’inventaire s’enrichit de manière exponentielle.

Concernant le Mésolithique et le Néolithique nous avançons de manière très positive, malgré les trous sur la carte archéologique.

Les dernières découvertes permettent de mettre en place des modèles d’occupation sur cet espace.

      B / Synthèse générale sur les découvertes :

 (Carte 3 et carte 4)

L’observation des cartes de synthèses, fait ressortir un certain nombre de phénomènes que Claire Le Bloa a mis en évidence dans son mémoire de Master. Les dernières découvertes le confirment. La prédominance des habitats néolithiques permet d’affiner les résultats. De là, on observe des critères d’installation topographiques, hydrographiques et géologiques.

Comme l’avait observé déjà Pierre Gouletquer, les habitats néolithiques sont situés à une certaine à distance du littoral de l’époque (fin de la transgression flandrienne) à la différence du Mésolithique. Ensuite, les plaines ou plateaux sont privilégiés pour avoir un regard général des terres environnantes (voir les sites Maner Bot Bodern en Elliant et Loj-Nahennou en Bannalec).

La dernière observation est tout particulièrement intéressante et concerne l’étude du mobilier lithique en fonction de la géologie. En effet, les populations néolithiques comme mésolithiques possédaient une véritable capacité d’adaptation au milieu dans lequel elles se trouvaient. Comme, le montrent les cartes, on n’utilisait pas les mêmes matériaux pour l’outillage selon le lieu où l’on se trouvait. La cartographie montre une concentration des outils en silex sur le littoral où les galets sont présents en grande quantité. A l’intérieur des terres le long de la faille sud armoricaine c’est l’ultramylonite qui prédomine, tandis qu’à l’ouest  c’est le grès lustré avec la présence des gisements du Moulin du Pont et du Porzay. Le territoire se découpe ainsi en trois zones d’habitat importantes. A signaler la présence de silex et de grès lustré un peu partout. On peut imaginer un échange commercial entre ces différents groupes humains. Plus largement, à petite échelle, on retrouve des phénomènes similaires autour des haches polies (dolérite de Plussulien (22)) et du silex d’import comme celui venant du Grand Pressigny (37) (en Touraine).

Les prospections au sol entreprises depuis plusieurs années ont ainsi permis d’avoir une vision assez précise de l’occupation humaine sur un territoire à une période donnée. Au-delà, du travail fait en Aven le complément effectué sur les autres territoires permettra d’avoir une vision d’ensemble des phénomènes. La comparaison avec les travaux de Pierre Gouletquer (Pays Bigouden et Finistère), Yvan Pailler (Bas Léon), Estelle Yven (Vallée de L’Hyère et Trégord), Gérard Tournay (Pays de Pontivy) ou Bernard Ginet (Pays au nord de Lorient) sont des indices importants pour comprendre les relations entre ces hommes du passé.

 

Au-delà de ce travail sur le Néolithique qui devient aujourd’hui payant au vu des informations que nous obtenons, il reste à effectuer sur ce territoire, comme pour ceux qui l’entourent, des inventaires sur l’ensemble des périodes. Ces études ne pourront se faire sans l’implication active des professionnels de l’archéologie et un appel aux étudiants des universités bretonnes. Au cours des prospections aériennes et au sol nous avons recensé de nombreux sites de l’époque romaine, de la protohistoire et de l’époque médiévale qui restent en suspens dans l’étude. Les collections de céramiques commencent à être étudiées par des chercheurs comme Gwenaëlle Hamon qui fouille sur des sites aux Glénan. (découverte par exemple d’une céramique décorée de la Tène à Savarléry en Ergué Gabéric). Les îles sont aussi une source importante du travail d’inventaire.

Enfin, des communes comme Ergué Gabéric (29), suite à nos prospections, ont un inventaire archéologique complet qui mériterait d’être publié. Ce travail en vue de compléter la carte archéologique de la Bretagne , ouvre une multitude d’études qu’il sera important de favoriser pour comprendre ce territoire dans les années à venir.

 

   

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Carte 1 Carte1.JPG (235288 octets)     Carte2.JPG (209951 octets) Carte 2

Carte 3 Carte3.JPG (202471 octets)    Carte4.JPG (196584 octets) Carte 4

Le Groupe PlanchephotoRéduite.JPG (103677 octets)        TableauTrèsréduitBougio.JPG (155231 octets) Les Résultats