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1942 – L’EXÉCUTION D’OTAGES ALRÉENS

 

 

Gilbert BAUDRY

Ancien FFI. – Membre de l’ANACR.

 

 

 

1. Guerre 1939-1945 : Henri CONAN – Notice Biographique

 

Armand CONAN, cheminot mécanicien, notamment à Saint-Nazaire, a épousé la fille d’émigrés italiens : Maggiorina Masotti. Ils ont eu deux enfants, Henri et Armand ; leur mère a été buraliste au 29 rue de l’Hôpital (l’actuelle rue Jules Legrand) à Lorient de 1930 à 1942.

Henri Conan né le 1er Janvier 1912 à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a été élève d’une Ecole professionnelle des Chemins de fer d’Auray (Morbihan) et comme son père est devenu cheminot. Époux de Anna Morlaix, leur fille Jacqueline est maintenant Mme Le Roy.

Au retour du service militaire, Henri qui n’avait pas été repris probablement en raison de ses opinions communistes, travailla aux chantiers de La Seyne (Var). À l’époque du Front Populaire, il fut repris à Auray aux Chemins de fer comme aide-ouvrier. Militant syndicaliste de la CGTU dès 1930, puis de la CGT, le Dictionnaire du Mouvement ouvrier seynois mentionne qu’il "aurait participé à des réunions du Comité régional communiste Finistère - Morbihan".

Une dénonciation provoqua l’intervention de la Police à la gare d’Auray ; des tracts de la CGT furent trouvés dans son casier et dans celui de Jean Marca.

Le 24 Janvier 1942, son arrestation succéda à celle de Jean Marca. Livré aux Allemands, incarcéré à Vannes et condamné à 4 ans ½ de prison par leur tribunal militaire, il ne put jamais recevoir devisite de sa famille, même après une intervention du Maire de Vannes en faveur d’Anna son épouse. Le 30 Avril 1942, à Vannes-Saint-Avé, les deux condamnés étaient fusillés.

 

Henri Conan a été inhumé au cimetière d’Auray en présence d’une assistance estimée entre 1000 et 2000 personnes. Son acte de décès porte la mention "Mort pour la France". La rue où se tient sa maison porte son nom et une plaque de marbre dans le hall de la gare d’Auray rappelle le sacrifice des fusillés. Une décision du Ministère des Anciens combattants du 3 Juin 1947 l’assimilait "Soldat des Forces françaises de l’Intérieur. (FFI). Aux élections municipales d’Auray, en Mai 1945, Mme Anna Conan "veuve de fusillé" fut candidate sur la liste d’Union républicaine résistante et antifasciste.

Cette notice biographique a été établie d’après les renseignements fournis par Mr Armand Conan, ancien Maire de Carqueiranne (Var) et frère de Henri Conan.

Commentaire : Au cimetière ; émue et indignée, la foule qui accompagnait Henri se posait la question que les journaux contrôlés, Ouest-Eclair et Nouvelliste du Morbihan, n’abordaient pas : «Comment les Allemands ont-ils pu fusiller des travailleurs estimés qui avaient encouru une peine de prison» ? Si l’opinion publique, tenue volontairement sous-informée, manquait de repères son émotion et l’esprit critique y suppléaient. Il apparaissait que l’Armée appelée d’Occupation formait avec la Police, un systême implacable de censure, de surveillance, de répression et d'oppression.

Le commentaire ci-dessous s’efforce d’éclairer les circonstances du tragique événement en utilisant les travaux des chercheurs, les "Mémoires" écrits par les Chefs civils ou militaires, et les décrets des dirigeants, responsables politiques de l’époque, Allemands ou autres.

 

2. La situation militaire et politique en 1941-1942

Dans une dictature tout part du sommet mais quand les évènements ne répondent pas à ce que le dictateur attend, c’est par la faute des autres qu’on remplace. Attitude si flagrante chez Hitler que les psychiatres modernes y voient l’incapacité d’abandonner une idée, de s’adapter à l’imprévu.

Alors qu’en Février 1941 commence la construction des blocs-abris pour sous-marins à Lorient-Keroman et que Darlan nomme des amiraux anglophobes aux postes de l’adminis-tration, Hitler fait connaître en Mars à ses généraux son intention de diriger lui-même les opérations à l’Est.

Premier contre-temps, l’attaque de la Grèce par l’Italie tournant au désastre, l’aide d’Hitler à Mussolini en Mai se manifeste par l’intervention de ses armées en Yougoslavie et Grèce, mais un retard d’un mois et demi est pris dans l’exécution du plan "Barberousse", l’invasion de l’URSS. Le 13 Mai, le maréchal Keitel transmet aux généraux l’ordre d’exécuter les Commissaires politiques au cours des opérations futures ; il en heurte plus d’un qui n’obéiront pas.

L’invasion commence le 22 Juin ainsi que l’avait averti sans succès l’espion soviéti-que Sorge ; cependant la résistance des Slaves, considérés commme des "sous-hommes" ralentit l’avance. «Dès les premiers combats, je me suis aperçu que tout ce qu’on nous avait raconté sur la Russie n’était que bourrage de crâne» déclarera le Maréchal von Rundstedt, cité comme témoin au tribunal de Nuremberg.

Le 4 Juillet, Staline prescrit aux communistes des pays occupés de commencer la guérilla. «La guerre des partisans se développait dans les Balkans et réclamait l’intervention de forces de plus en plus puissantes» (Général de corps blindé Heinz Gudérian, un des vainqueurs de 1940 en France). Staline fait partir les ministres et les administrations dans l’Est mais reste à Moscou pour organiser la défense ; le 7 Août, il se nomme Commandant en chef après avoir reconnu des erreurs ; il préserve ainsi son prestige mais laisse à ses généraux la direction des opérations.

Les troupes allemandes subissent à Rostov une contre-attaque et évacuent le 27 Novembre. «C’était la première alarme ! mais elle ne constitua un avertissement ni pour Hitler ni pour l’O.K.W., l’O.K.H. (les organismes militaires supérieurs). Depuis le 22 Juin, l’ensemble des pertes du front de l’Est se montait déjà à 743 000 hommes, soit 23% de notre force totale de 3 millions et demi d’hommes.» (Général Gudérian "Souvenir d’un soldat"). Hitler enlève son commandement à von Rundstedt et le remplace. Les armées ralenties par la boue et le harcèlement des partisans, sous-équipées face au froid, s’arrêtent devant Moscou.

Du Japon, Richard Sorge avait lancé son dernier message le 15 Octobre : «Pas d’offensive japonaise à craindre contre l’Urss». Aussitôt, 7 armées, principalement sibériennes, entraînées à combattre dans le froid quittent l’Extrême-Orient pour le front de l’Est ; le 6 Décembre, elles refoulent les troupes allemandes de Moscou : «Le mythe de l’invincibilité germanique était renversé» (Général Halder). Les généraux allemands, face aux difficultés accrues de leurs armées et persuadés de la sous-estimation de l’adversaire par le Haut-Etat-major, demandent un repli sur des lignes fortifiées. Hitler prend le commandement de l’armée et refuse tout recul ; de ces erreurs, de son incompétence entêtée, naît la défiance à son égard ; elle évoluera en hostilité allant jusqu’au complot.

 

1941

Les armées allemandes remportent des succès momentanés en Afrique avec Rommel. En mer, les "meutes" de sous-marins commandées par Dönitz depuis son P.C. radio de Kernevel près de Lorient menacent l’approvisionnement de l’Angleterre en vivres et en armes ; uni, galvanisé par Churchill, le pays lutte seul, soutenu par de Gaulle et ceux qui le rejoignent, pendant que les gouvernements réfugiés , polonais et tchèque, dénoncent leurs suc-cesseurs acquis aux Nazis.

En France, après avoir révoqué des Maires dès 1940 à Vannes, Arzon, Auray ou Keryado…, le gouvernement, engagé dans la Collaboration depuis l’entrevue Pétain-Hitler à Montoire en 1940, continue sa réforme de l’État, en remplaçant préfets et maires "démission-nés d’office" (tel Svob à Lorient) par des plus favorables pense-t-il à sa politique. À Vannes, Gemain qui a succédé à Maurice Marchais maire révoqué, remplit ses difficiles

fonctions honorablement, jusqu’au bout ; l’un des deux a pu intervenir en faveur d’Anna Conan car Me Marchais prend la défense des accusés ; puis il organisera le réseau de résis-tance "Libération-Nord" créé par Christian Pineau en Zone occupée.

Dans les deux zones, les réseaux s’organisent parfois sous l’impulsion d’Universi-taires, par la volonté d’officiers de l’armée d’armistice ou celle de fortes personnalités : Malraux, Cavaillès … La CGT a établi un système de recrutement par corporations qui permet à Léon Jouhaux d’adresser à tous, manuels comme intellectuels, un "Appel aux Travailleurs" à résister, relayé partout. Le Parti communiste, dissous en 1940, se redresse peu à peu et adopte la même politique unitaire en fondant un large Front National dont le comité directeur comporte des scientifiques tels que Joliot-Curie, Langevin, Henri Wallon … Ce Front National engendre la branche armée, indépendante, des Francs tireurs et Partisans français (FTPF) dont Charles Tillon devient le chef.

Les Services de renseignements allemands, depuis longtemps entraînés à combattre les opposants, édifient le camp qui leur est destiné au Struthof en Alsace. L’historien américain Paxton révèlera, après la guerre, les complicités du régime de Vichy et l’étendue des dénonciations. Ainsi, le réseau des Ethnologues du Musée de l’Homme est-il démantelé à Paris. Le Commandant d’Estienne d’Orves, dénoncé par un agent de l’Allemagne, est arrêté à Nantes en Janvier et fusillé au Mont Valérien le 29 Août 1941, 7 membres du réseau "Nemrod" sont déportés. La Confrérie Notre Dame de Gilbert Renault "Rémy" est plus heureuse ; par l’ingénieur A. Tanguy qui travaille à la Kriegsmarine, elle fournit à Londres les plans de toutes les bases de sous-marins.

Après l’exécution de Holtz, Feldkommandant de Nantes, 50 otages sont désignés par les autorités soumises à Pétain-Laval, 27 sont fusillés à Châteaubriant. La prise d’otage, utilisée jadis dans les guerres comme garantie d’une rançon, devient chez les Nazis instrument de vengeance et de terreur qui frappe d’abord les communistes, puis n’importe quel citoyen, même si les faits ne leur sont pas imputables. Le 21 Août 1941, Möser du service de l’habillement de la Marine est abattu dans le Métro, les auteurs ne sont pas retrouvés ; les Allemands exigent que 6 communistes leur soient livrés ; 3 hommes condamnés pour de petits délits le sont, tous trois guillotinés le 28.

Le 7 Septembre, le député communiste Jean Catelas est condamné par le Tribunal d’État, juridiction de Pétain, et guillotiné le 20. Le philosophe Politzer, Jacques Solomon, … sont arrêtés.

En Octobre 1941, Roosevelt et Churchill dénonçaient les assassinats d’otages.

Le décret "NACHT und NEBEL" du 7 Décembre 1941 règle le sort des personnes arrêtées dans les pays occupés ; il oblige les autorités militaires allemandes à les livrer à la Gestapo ; alors des tribunaux, sans témoins ni avocats, les font disparaître dans la NUIT et le BROUILLARD.

 

1942

Année terrible au cours de laquelle l’affrontement militaire se généralise, la guerre est mondiale depuis l’entrée en guerre des Etats-Unis en Décembre 1941, gage de succès mais long à se réaliser.

En Lybie, Koenig encerclé à Bir-Hakeim, soutient le siège et se dégage en détruisant 40 blindés de Rommel ; il permet aux Anglais de s’opposer à l’avancée allemande sur Le Caire, l’Egypte avec son canal ayant une importance stratégique primordiale. Leclerc à Koufra s’illustre de la même façon. De Hautecloque ("Leclerc"), de Larminat, de Boislambert, René Pléven ont rallié à de Gaulle toute l’Afrique Equatoriale Française, et donc de valeureux soldats.

Les convois alliés sont attaqués par une flotte qui atteindra 400 U-boote, la base de Lorient devient la plus importante d’Europe. «La guerre sous-marine fut notre plus grand fléau. Il eut été sage de la part des Allemands, de jouer leur va-tout sur cette carte» (Churchill - "Triumph and tragedy". Mais Hitler n’avait d’expérience que celle des armées de terre. Jean Cavaillès, aidé par l’Econome du Collège de Quimperlé (Marie Queffurus) et la famille Burel, s’introduit dans la base des sous-marins, passe une nuit à vérifier les informations apportées par Pierre Ferrand d’Hennebont qui lui a donné ses laissez-passer et "marron" et sort avec la conviction que des sabotages seraient plus efficaces que les bombardements tardifs qui ratent la base mais finiront par détruire la ville. Ses projets mis à exécution provoqueront de grosses perturbations dans la réparation des navires.

Le raid anglais sur la porte-écluse de la grande forme de St Nazaire, dans la nuit du 27-28 Mars 1942, aura de graves conséquences ; présenté par la propagande nazie comme l’échec d’une tentative de débarquement, le Haut Etat-Major ne s’y trompe pas. Dans l’impossibilité de se faire réparer, les cuirassés doivent quitter l’Atlantique pour la Mer du Nord, puis la Baltique ; soumis alors aux attaques de l’aviation alliée, ils se réfugient dans les fjords étroits scandinaves.

Le maréchal von Rundstedt en mission d’enquête doit arbitrer un conflit Armée-Marine. Le Q.G. de Dönitz n’apparaît plus sûr, il le quitte pour Paris ; les antennes de Kernevel deviennent relais de celles de Ste Assise encore plus puissantes … leurs pylônes seront dynamités par les F.T.P..

En URSS, le repli se confirme et aboutira en fin d’année à l’encerclement de Stalingrad.

De ce tableau se dégage l’évidence que les armées d’Hitler ont à faire face sur 2 fronts, à l’Est et à l’Ouest, ce que redoutaient les généraux hostiles à la déclaration de guerre et plus encore à l’invasion de l’URSS ; un troisième n’était pas prévu : celui des Partisans dans toute l’Europe. Revers, sabotages et attentats conduisent les responsables du régime à accentuer les mesures prises contre tout ce qui peut s’opposer à leurs plans, leurs rêves, leur idéologie. Mais leur puissance militaire est grande, le fanatisme vivace, il faudra du temps pour les vaincre.

 

3. Criminels de Guerre

Le Tribunal international, siègeant en Octobre 1945, a défini 4 chefs d’accusation adopté depuis dans la juridiction internationale : plan concerté en vue de déclencher une guerre d’agression, crimes contre la Paix, crimes de Guerre, crimes contre l’Humanité. Le Tribunal apportait une condamnation essentielle pour les temps présents et futurs : «La guerre est un mal dont les conséquences ne se limitent pas aux seuls Etats belligérants, mais affecte le monde tout entier. Déclencher une guerre d’agression … est un crime international suprême ne différant des autres crimes de guerre que du fait qu’il les contient tous».

Parmi les criminels de guerre Hitler, Himmler, Gœring, Heydrich, complices depuis la première heure, échappent à la Justice par le suicide ou la mort par attentat, mais pas à l’Histoire ; les décrets qu’ils ont décidés ou inspirés, antérieurs à 1939, prouvent la préméditation. Dès 1929, Hitler avait nommé Himmler Reichführer de l’Ordre noir des SS. En 1931, Himmler avait confié à Heydrich l’organisation du SD, service de renseignement, dont le rôle était de rechercher et neutraliser les opposants au nazisme ; Dachau, camp de concentration date de 1934 et ses premiers détenus furent des Allemands.

En Janvier 1933, désormais au pouvoir, Hitler nomme Himmler Préfet de Police à Munich puis en Novembre dans tout le Reich, sauf en Prusse où Gœring avait créé la Gestapo.

Hitler qui envisage de faire de Heydrich son successeur lui donne, par décret du 30/09/ 1939 la direction d’un organisme très général de renseignement et de police (RSHA). Ce dernier impose son autorité sur les Services secrets et de Police et s’oppose à l’amiral Canaris. Il achève son emprise générale quand Gœring lui cède la Gestapo. Heydrich est l’instigateur d’un Conseil des Ministres qui met au point la "Solution finale", l’extermination des Juifs (30 Janvier 1942). En France, Pétain chef de l’État français, sous la pression des Allemands, rappelle Laval plus conforme à leur brutale politique. Le Garde des Sceaux Joseph Barthélemy, par sa circulaire du 25 Mars sur les otages, enjoint les magistrats à laisser à la seule responsabilité des Allemands le fonctionnement des tribunaux. Professeur de Droit constitutionnel, il fournit des arguments contre la demande allemande de déclarer la guerre aux Etats-Unis ; il est remplacé.

Heydrich accentue son influence et obtient le transfert d’Oberg qui succède à von Neurah jugé peu "efficace". A Rennes, le 15 Avril, le lieutenant Ollert délégué par le chef de la Police de sûreté, réunit les Cours spéciales, autre juridiction de Pétain, pour qu’elles se montrent sans indulgence pour les otages.(comme le rappelle Roger Leroux dans "Le Morbihan en guerre, p.168" : «il demande : 1- que les communistes arrêtés par la Justice française soient dirigés sur les prisons allemandes ; 2- que soit dressée une liste des membres adhérant au Parti communiste quand il avait une existence légale».

Général SS, Oberg est intronisé à Paris le 5 Mai par Heydrich, il s’y rend le 12. Au total 254 otages seront fusillés entre sa prise de fonction et Août 1944, parmi eux : Politzer et Solomon. Heydrich "Protecteur du Reich en Bohême et Moravie" est abattu par un commando le 27 Mai ; en représaille le village de Lidice est détruit, les hommes fusillés, femmes et enfants sont déportés. Des faits aussi barbares se reproduiront à Oradour-sur-Glane en France, ainsi qu’en Italie.

 

 

4. La lettre d’adieu d’Henri Conan.(1)

 

Les lettres de fusillés sont empreintes de courage et de dignité. Henri Conan ne s’apitoie pas sur son sort, il pense à ceux qu’il aime et ne veut oublier personne. Lui qui n’a plus d’avenir, imagine "…ceux qui restent qui sont malheureux" et déplore de ne plus pouvoir donner à celles qui en auront besoin ses témoignages "… de douceurs, de joie, d’amour". Il exprime ses derniers souhaits, prolongements d’une vie honnête et altruiste, qu’il voudrait faire entrer dans l’éducation de sa fille, sans oublier son instruction ; rôle qu’il délègue à son épouse et à son jeune frère. Son écriture est ferme, à l’image de ses convictions : "Je meurs pour une cause qui m’est chère entre toutes".

Toujours déterminé, responsable et lucide, il sait que sa lutte s’inscrit dans un gigantesque combat dont il ne doute pas de l’issue et qui, de victime, fera de lui un "héros". Peut-être a-t-il à l’esprit la définition donnée par Péguy du fond de sa tranchée pendant la première guerre mondiale : «Un héros, c’est celui qui fait ce qu’il peut … les autres ne font rien». Plus sûrement , il doit considérer que sa mort éclairera ceux qui n’ont pas conscience de l’ampleur et de la noblesse des luttes engagées, et entrevoit-il qu’elle entraînera de nouveaux engage-ments : «La mort des fusillés a été plus efficace que des triomphes plus éclatants» (A. Maydieu – Monument de la déportation – Paris.

La stèle élevée près de leur restaurant, à la mémoire des Cheminots d’Auray, comporte 12 noms de tués par faits de guerre, et en plus de Conan et de Marca, ceux de 3 fusillés ou déportés qui avaient repris le flambeau. Mais d’autres avaient participé à la libération du pays avec tous ceux qui firent quelque chose, tels Guillaume Péron très engagé dans la Cellule d’Auray cachant les pourchassés, ou Ange Bourget "Bourdier" Contrôleur de la SNCF qui recueillait, à la conciergerie de l’EPS de Quimperlé ou dans d’autres "boîtes à lettres" du réseau Cohors-Asturies, les renseignements sur l’ennemi. Ils eurent la chance de connaître la Libération, la Victoire.

En 1944, dans Paris libéré, Paul Langevin fit savoir qu’il rejoignait le Parti communiste pour remplacer Jacques Solomon, son gendre. En 1945, Mme Anna Conan "veuve de fusillé" fut candidate sur la liste d’Union républicaine et anti-fasciste aux élections minicipales d’Auray. En 1947, l’attribution du titre de FFI à H. Conan reconnaissait officiel-lement son combat clandestin pour la Nation.

Dönitz, condamné à 10 ans de prison avait renié avant le verdict, le "Principe du Chef" en politique. Sa réflexion se poursuivant, en conclusion de l’ouvrage publié en 1959 "Dix ans et vingt jours" (la durée de son commandement des flotilles de sous-marins), il confirmera le caractère "funeste" de ce principe en ce qui concernait Hitler et écrivit : «… une seule leçon est à tirer. La Constitution doit exclure la possibilité d’un abus de pouvoir et poser la Liberté et le Droit comme bases de la vie collective. Aussi est-il certain que la forme démocratique, garantissant l’inviolabilité et la sécurité juridique des personnes, est celle qui convient à un peuple de haute civilisation».

Ce qui se rapproche fort de "la cause chère entre toutes" qu’avait défendue Henri Conan.

1- Le texte de la lettre est consultable uniquement dans le Bulletin annuel de la SAHPL  n°34 (format papier)

Nota : Monsieur Armand Conan, frère d’Henri Conan et ancien maire de Carqueiranne (Var)

et Madame Jacqueline Conan, épouse Le Roy, fille du fusillé, ont autorisé

Monsieur Gilbert Baudry à remettre aux Services d’Archives et Sociétés d’Histoire de Vannes, Auray et Lorient,

la lettre écrite par Henri Conan le 30 Avril 1942 en prison à Vannes et fusillé ce même jour.