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.LA MATRICE-SCEAU DE PONT-SCORFF, enquête

 

Gilbert BAUDRY

Membre de la S.A.H.P.L.

2ème partie

 

Généalogie et Héraldique - Tolède
L'enquête parisienne: La BNF - Tolbiac
L'enquête parisienne: Institut Cervantes
Ecussons d'Espagne et d'ailleurs

Photos de la matrice-sceau: avers revers

La grenade
Portugal

1ère partie

Tyrol et Flandres- Autriche - Les Habsbourg

3ème partie

 

 

Généalogie « Héraldique - TOLÈDE

L’enquête reprend dans plusieurs directions à la fois, d’abord par l’examen des documents de Mr Robino et des pièces de J.C. Sonnic ; ce sont des monnaies et non des sceaux, les pièces de Saint-Goustan sont identiques sur le revers mais la légende est différente à l’avers, le petit écu manque en haut ; les pièces de Riantec seraient plus proches … si la matrice était plus lisible.

Nos amis port-louisiens ont vu au Musée de Tolède un sceau de Philippe II de 75mm de diamètre et s’offrent à reprendre contact avec son Directeur. Ce dernier s’appuie sur des arguments techniques pour estimer, d’après les reproductions du sceau qu’il a reçues, qu’"il ne correspond à aucun de ceux utilisés par Felipe II ni à des rois espagnols antérieurs ou postérieurs …", "du moins pour les connaissances qu’il a de la Sigillographie". Il suggère de s’adresser à mieux informé que lui, la "Seccion de Sigilografia – Archivo Historico Nacional" à Madrid.

La fiche technique jointe à sa réponse contredit quelque peu sa modestie ; la description du sceau (au musée de Tolède) donne la légende abrégée en lettres capitales qui entoure le roi Felipe II assis sur un trône :

Sur l’avers ® PHILIPPUS . D.G. REG-CAST . LEG . ARAG . NAVAR . UTRQ . SICIL . …

Au revers ® un grand écu partagé en 8 quartiers dans lesquels sont les blasons représentatifs de

Castille – Léon – Aragon – Sicile – Austria – Bourgogne – Brabant – Flandres – Tyrol.

INDIARUM . INSULARUM . ET . TERRÆ . FIRMÆ . MARIS . OCEANIS . ET&C

Suit une remarque, inexplicable pour le moment : "le revers du sceau est identique à celui utilisé par Juana I (Jeanne la Folle) mère de Charles Quint, décrit au n°113 de la collection".

Ce qui paraît clair c’est que le sceau de Philippe II comporte la représentation des provinces et pays que lui a laissés son père ; la fiche de Tolède ne situe pas leurs emplace-ments sur les quartiers, il reste donc à les préciser pour parvenir à l’identification des figures de l’avers de la matrice.

 

L’enquête parisienne (Bibliothèque Nationale de France -Tolbiac)

Les inventaires sont consultables sur écran d’ordinateur dans la grande mais silencieu-se salle censée détenir un ouvrage traduit de l’espagnol qui réponde à l’exigence thématique du consultant : la Généalogie des souverains conjuguée à leurs armoiries.

Après deux commandes et des lectures rapides qui sont des insuccès, le visiteur examine les livres en "usuels" dans les rayonnages en se demandant s’il a bien posé la question. Un titre le frappe,"Les dynasties d’Europe – Histoire et Généalogie des familles impériales et royales" (12).

C’est un ouvrage récent, traduit du hongrois, superbement illustré. Emprunté sur le champ, il révèle une unité des alliances, des successions avec transmission des terres, étudiées par pays. (L’empereur romain d’Orient, Justinien Ier, 545-595, et ses jurisconsultes sont à l’origine de Code précurseur du Droit civil occidental ; l’occupation romaine générale explique l’unité des règles).

Toutes les familles régnantes ont cherché et réalisé en Europe des alliances matrimoniales de préférence aux traités souvent dénoncés ; ainsi le descendant, héritier principal, transmet des territoires venus de chacun de ses parents, inclus légalement dans le patrimoine du royaume. En fait, les guerres, les luttes fratricides , la maladie, bouleversent ce qui semblait bien établi.

Au niveau des rois, empereurs, princes, archiducs … les époux conservent leurs armoiries, elles figurent dans des emblèmes monarchiques variables. Toute l’histoire des dynasties d’Europe peut se lire dans les blasons complexes des monarques. Les patronymes sont souvent des noms de lieu, dans ce cas qui est celui de l’Espagne, chaque élément est représentatif d’une région. Les mêmes blasons peuvent être ceux de souverains distincts ayant eu des ancêtres communs.

Ainsi se dévoile la gravure effacée de la matrice de Pont-Scorff, les planches de l’héraldiste hongrois ouvrent le passage de la reconnaissance des motifs à l’identification du blason. L’utilisation des symboles d’Autriche, du Tyrol, Brabant, Flandres devient compréhensible par le mariage de Jeanne la Folle avec l’archiduc d’Autriche, prince des Pays Bas, qui fera de leur fils Charles dit Quint ou Vème, l’empereur germanique le plus puissant d’Europe. (voir Annexe II).

 

De retour à Lorient, l’enquêteur voit aux Actualités télévisées le Señor Aznar qui explique à ses concitoyens qu’il a pris la meilleur mesure en éloignant de l’Espagne un pétrolier éventré ; derrière lui flotte le drapeau de la monarchie parlementaire avec Château, Lion et fleurs de Lys des Bourbons, ce qui apparaît aussi sur les enveloppes et lettres officielles des correspondants.

Entre temps, le président de la S.A.H.P.L. a obtenu de nombreux renseignements sur les monnaies frappées sous Philippe II, à partir de sites Internet, malheureusement aucune ne présente les deux petits écus de la matrice, et même s’il n’y en a qu’un il reste illisible ou change d’aspect ; enfin sur les pièces reproduites, le petit triangle central est remplacé par un écu ou est encore illisible.

C’est par un Catalogue des sceaux qu’on peut espérer combler ces lacunes mais où trouver en France un tel ouvrage ? Le Conseiller culturel de l’Ambassade d’Espagne à Paris, interrogé par téléphone, pense que l’Institut Cervantes peut répondre favorablement. Contact pris, la réponse est positive :«L’Institut est tout près de l’Ambassade, métro Alma-Marceau … On vous attend Señor !» … Comment résister ?

 

L’enquête parisienne (suite) Instituto CERVANTES – Avenue Marceau – Paris

Une correspondance avec photos et explications relatives à Blavet et Juan del Aguila a précédé le déplacement. Pendant que la bibliothécaire va quérir les ouvrages désirés, installé au pied du rayonnage réservé à "l’Enciclopedia heraldica y genealogica", le visiteur consulte ce fonds considérable consacré aux Grands d’Espagne et à ceux, nobles ou non, qui ont aidé les souverains à réaliser l’unité du Royaume ou ont contribué à son renom.

Les biographies de Cristobal de Rojas (Roxas) architecte et mathématicien, de Brochero Ministre de la Marine et des Armées à qui Juan del Aguila rendait compte des opérations menées en Bretagne, se trouvent avec leurs armoiries, mais l’existence de 4 familles distinctes d’Aguila, sans liens, rend incertaine la propriété du blason du Capitan general de Bretagne, dit aussi "Maître de Camp".

L’ouvrage de A.G. Navaro "Catalogo de sellos", signalé dans la fiche de Tolède décrit 17 sceaux durant les 42 années de règne de Philippe II ; un "sello de placa" de cire rouge, du diamètre de 38mm (n°647) destiné à être apposé sur papier vers 1560 semble correspondre à ce qu’on obtiendrait avec la matrice. Sa description éclaire 3 écussons, en haut Portugal, en bas Tyrol – Flandres et au centre Grenade. Figure aussi la légende :

PHILIPPUS II D(eo) G(racias) HISPANIARUM REX.

Il reste à effectuer le recoupement par lequel des figures remplaceraient les mots, offrant une comparaison visuelle décisive. Ce qui est fourni par l’ouvrage apporté sans l’avoir demandé "Simbolos de España", composé par le Centre d’études politiques et constitution-nelles, publié en 1999 en commémoration du XXe anniversaire de la Constitution espagnole. Officiel et superbe !

Les informations recueillies soulignent la pérennité de l’Héraldique constamment associée à l’Histoire de la péninsule ibérique, depuis l’occupation romaine jusqu’à nos jours.

 

Sous l’empereur ADRIEN, au IIe siècle, un écu couronné représente 3 lapins schématisés qui correspondent à "cuniculosa Celtiberi", du latin cuniculus = lapin, en breton vannetais kounifl(ed), à rapprocher du toponyme Couinifec, village de Moustoir-Remungol (Morbihan) (A. Deshayes).

L’armoirie du Castel, château à 3 tours, remonte à Alphons VIII, roi de Castille de 1158 à 1214, vainqueur des Maures à Las Navas de Tolosa, armoirie qui a préséance jusqu’à nos jours.

Pendant l’époque médiévale, les alliances créent des fusions momentanées entre Castille, Leon, Aragon, Navarre, puis les provinces se désunissent. Alphonse V, roi d’Aragon, conquiert le royaume péninsulaire de Sicile ; c’est l’origine des éléments héraldiques du 2ème quartier senestre.

Les rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon unissent durablement leurs royaumes. En 1492, le dernier sultanat de Grenade tombe marquant la fin de la Reconquête et la poursuite de l’unité de l’Espagne, évènements perpétués par une "pomme de grenade" sur 1 et 2 ; son emplacement central et triangulaire permet de la repérer sur l’avers de la matrice. Par contre, la complexité des armoiries de Charles Quint et de Philippe II, lequel ajouta le Portugal, n’a pas permis d’en restituer les détails ; le modèle inspiré du tombeau de Philippe II à l’Escorial figure en annexe. Les fleurs de lys reviennent avec Philippe V, petit-fils de Louis XIV, de la dynastie des Bourbon.

En 1981, les armoiries d’Espagne ont été officiellement simplifiées par souci d’unifor-misation (cf Annexe).

 

Écussons d’Espagne et d’ailleurs

Les trois petits écus intriguent l’enquêteur, d’abord parce qu’ils restent illisibles étant trop petits pour être gravés, aussi car l’un d’eux s’est maintenu de Philippe II à Juan Carlos (pourquoi ?), enfin en raison des imprécisions ou erreurs de certains sites d’Internet ; il se renseigne.

La grenade ® Sources en consultation à l’Institut de monde arabe – Paris VIe :

"L’Islam – Arts et civilisations", ouvrage collectif , traduit de l’allemand, Dir. de M. Hattstein et P. Delius,

"Les drapeaux de l’Islam de Mahomet à nos jours", de P. Lux-Wurm et M. Zaragoza-Meta, Ed. Paris 2001.

P. Lux-Wurm et M. Zaragoza partent de la fuite du Prophète à Médine, protégé par l’un de ses amis dont le descendant réussit en 1232 à se tailler un royaume avec Garnata (Grenade) pour capitale. La Reconquista chrétienne s’achève à la fin du XVe siècle. Le dernier Sultan dit Boabdil a dû faire des concessions après une défaite ; en 1490, Isabelle la Catholique fait édifier "Santa Fé" une cité qui assiège la capitale, la famine sévit. Le Sultan traite secrètement puis capitule en décembre 1491 ; retiré dans son palais de Comares à l’Alhambra, la nuit venue il suit les soldats espagnols. Ferdinand et Isabelle lui ont accordé un fief qu’il ne rejoint pas, il partira au Maroc avec sa famille.

Les auteurs poursuivent leur récit : «Hors de la ville, Boabdil pleura». Sa mère, convertie, lui dit alors : «Pleure comme une femme, ce que tu n’as pas su défendre comme un homme». Peut-être cela se passa-t-il au lieu toujours connu "El Suspiro del Moro" ?

Le 6 janvier 1492, les Rois Catholiques entrèrent dans Grenade et les auteurs concluent ce chapitre en citant les chroniqueurs orientaux de l’époque, ils déclarèrent que la prise de Grenade était «une des catastrophes les plus terribles qui ait frappé l’Islam».

Le maintien de l’emblème de Grenade en bas des armoiries modernes d’Espagne, les deux autres écussons n’y étant plus, souligne la volonté de la Monarchie constitutionnelle de consacrer le caractère capital de l’événement, étape décisive dans l’unification politique du pays. L’UNESCO a inscrit l’ensemble Alhambra – Albacin au Patrimoine culturel mondial.

Portugal ® Sources : Centre culturel Calouste GULBENKIAN - 51 Av. d’Iena – Paris XVIe.

"Histoire du Portugal", J.F. Labourdette, Généalogie p. 198,

"Dicionario de Historia de Portugal", Joel Gerrad, Porto.

Des formulations imprécises sur Internet, des contradictions entre historiens, rendent utile la consultation de ce Centre. Il apparaît que le Portugal n’a pas été conquis par Philippe II, mais qu’à la suite d’une sévère défaite des Portugais à Alcaçar Quivir au Maroc, les Conseillers royaux aient jugé nécessaire de s’appuyer sur la puissance militaire espagnole. Le décès sans héritier direct du roi Sebastiao en 1578 ouvre une crise de succession, or les mariages ont été nombreux entre les princesse de ce royaume et les souverains voisins ; Philippe II a épousé sa cousine Maria et sa mère Isabelle était sœur de Joao III, aïeul de dom Sebastiao. Philippe semble être la bonne solution pour les Cortès qui l’élisent, le statut de Tomar reconnait la pleine souveraineté du Portugal. Ce système qui unit deux royaumes sous une même tête fonctionne sans accroc jusqu’en 1598, Philippe II s’est jugé en droit de faire figurer les armes du Portugal sur son tombeau.

Les armoiries du Portugal ont subi des fluctuations mais très tôt apparaissent avec Dom Sancho au XIIIe siècle les "Quinas" ou Quinois. Il s’agit de 5 petits écus "azur" disposés en croix sur écu "argent" contenant des "Besants", lesquels à l’origine indiquaient qu’un Chevalier était allé en Palestine ; ce mot vient du latin bysantium, monnaie de Byzance.

Aux besants ont succédé de minuscules châteaux avec Dom Joao II en 1451. Malgré leur habileté, les graveurs n’ont pu que les évoquer. Le tout est entouré d’une bordure de "gueules" avec 7 autres châteaux. À l’époque orné de 5 besants, le tombeau de Philippe II les restitue au mieux.

"Quinas" est un terme rare, sans doute en relation avec un jeu des soldats romains ; celui qui n’obtenait que des 5 sur les faces apparentes des dés à jouer, empochait toute la mise. L’étymologie est latine : «quinarius, adjectif relatif au nombre 5» [H. Gœlzer (13)].

Les descendants de Philippe II, son fils Philippe III puis Philippe IV n’ont pas respecté le statut de Tomar et sont vite apparus comme des dominateurs exigeants. Entraînés dans la révolte par les Anglais et les Hollandais, les Portugais choisissent pour Roi le duc de Bragance qui va règner de 1640 à 1656 sous le nom de Joao IV. La nouvelle dynastie est issue d’un lointain ancêtre de la maison d’Aviz comme la précédente. Elle est marquée par des interruptions, un exil, un retour des Bragance, la perte du Brésil annexé par les Hollandais, les assassinats du roi Manuel II et de son fils en 1910. Le 5 octobre 1910, la République est proclamée. En 1911, le Portugal a remplacé le bleu et le blanc de ses drapeaux par le vert et le rouge, mais les "Quinas" y figurent toujours.

Tyrol et Flandres – Autriche – les Habsbourg Aux XVe-XVIe siècles, on distingue 3 Flandres.

Ouvrages consultés : Grande encyclopédie Larousse,

"L’équilibre européen de la fin du XVe à la fin du XVIIIe", G. Livet, P.U.F., 1976 .

La famille descendrait d’un duc d’Alsace ; vers l’an 1000, elle s’établit au château de l’Epervier – "Habichtsburg" en allemand – et s’étend en Suisse et Vosges du Sud. Avec modestie, patience et au cours des siècles par le jeu des alliances et la chance, elle se hisse au niveau suprême, l’Empire.

Au XIVe siècle, le Tyrol se place sous l’autorité des Habsbourg dont le domaine s’étend des Vosges à la frontière hongroise. L’empereur Frédéric III marie son fils Maximilien à Marie de Bourgogne fille de Charles le Téméraire tué lors d’un siège ; il s’assure l’héritage de la Bourgogne et s’empare des Pays Bas ; toutes ces contrées sont symbolisées sur le grand écu de Philippe II.

En effet, Maximilien a poursuivi le jeu des alliances en mariant son fils, Philippe le Beau à Jeanne la Folle, infante d'Espagne, fille des rois catholiques ; de cette union est né Charles Quint.

On prête à Frédéric III l’orgueilleuse devise latine du XVe siècle, "A.E.I.O.U." pour :

«AUSTRIAE EST IMPERARE ORBI UNIVERSO»,

"Il appartient à l’Autriche de règner sur tout l’Univers".

C’est l’Espagne de Charles Quint et de Philippe II, autres Hasbourg, qui s’en est le plus approchée par la conquête des Indes occidentales, "Indiarum" comme le croyait Christophe Colomb. La prétention à la monarchie universelle devait entraîner des alliances, parfois brèves, mais surtout des guerres longues avec les voisins menacés, France, Angleterre ou les Flandres conquises.

1ère partie: L'énigme

3ème partie: Les utilisateurs