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LES SEIGNEURS de PONT-CALLEC et de LA PORTE-NEUVE

 

 

 Gilbert BAUDRY

LORIENT - mai 1993

Bulletin annuel de 1993

 I.-AU TEMPS DES DUCS

 III.-REVOLUTION ET NOUVEAU REGIME

 Au temps des ducs : Pont-Callec

         Le Nouveau Régime

 La guerre de succession de Bretagne (1341-1364)

 IV.-LA LENTEUR DE L'HISTOIRE

Une seigneurie stable

 Le retour de la violence : 1939-1945

Au temps des ducs : La Porte neuve 

La continuité 

La Maison de Guer

 

L'Unification du Royaume

DOCUMENTS

 

Cartes

II.-AU TEMPS DES MARQUIS

Juridictions de Riec-La-Porte-Neuve, Le Hénant, Kergunus

 1716-1720 - Affaire de Bretagne

La juridiction de Pont-Callec

 Le temps du pardon 

Généalogie

 Retour à Pont-Callec

L'union des seigneuries

 La justice

Bibliographie A

 Le dernier marquis

Bibliographie B

 

Blasons

Les dates avec astérisques reportent, en dernières pages, aux cotes d'archives ou autres souces 

 

 

I - AU TEMPS DES DUCS

 

AU TEMPS DES DUCS : PONT-CALLEC

L'étang de Pont-Callec a été créé ou agrandi par un barrage construit au XIIIè siècle au fond d'une vallée formée par trois ruisseaux ; il en subsiste une partie au pied du château moderne. On le sait par l'acte de l'an 1291*, dans lequel le vicomte de Rohan exposait ses griefs à l'égard de Jean II, après l'inondation provoquée sur ses terres par la construction du barrage et chaussée. L'importance de la réserve d'eau, la régularité du débit, la puissance accrue du courant par la dénivellation, permettront une meilleure alimentation des moulins, dont le fonctionnement en aval, près du barrage actuel, sera maintenu jusqu'au XXè siècle. En outre, l'étang protégeait le flanc d'un site féodal en surplomb et renforçait donc sa position défensive.

Le château et ses défenseurs assuraient le contrôle de la proche vallée du Scorff, voie naturelle de pénétration, et celui des routes qui, d'Hennebont, menaient à Guémené, et par l'antique voie romaine, à Priziac et Carhaix.

Au sud, une forêt subsiste, alors réserve de bois de chauffage et de construction, richesse mobilisable à tout moment par le seigneur, surtout en cas de nécessité et lieu du loisir à lui-seul réservé : la chasse. Elle rappelle aussi le long effort de défrichement auquel les "gens de labeur" furent confrontés, ainsi que l'activité des charbonniers et celle, plus prolongée encore, des sabotiers.

Les actes transcrits par les savants bénédictins Dom Lobineau et Dom Morice éclairent les origines de la seigneurie de Pont-Callec issue, semble-t-il, d'un partage effectué au début du XIIIè siècle par Henri, fils de Soliman, seigneur d'Hennebont.

Ces seigneurs possédaient le château du Vieil-Hennebont, dont le site probable était le sommet d'un escarpement qui domine la rive droite du Blavet, entre la rue du Sel, la rue de la Vieille-Ville et la rue du Vieux-Château, comme on les nomme maintenant.

Site stratégique important, et chef-lieu d'un territoire : le Kémenet-Héboï, qui s'étendait du Blavet à l'Ellé, limité au nord par la Châtellenie de Rohan. Ce territoire aurait été partagé en trois seigneuries distinctes : la Roche-Moisan, les fiefs de Léon, Pont-Callec au centre qui revint à Adelice, épouse d'Olivier, baron de Lanvaux.

Un descendant de ces derniers : Geoffroy de Lanvaux, qui ne réglait pas ses dettes au duc Jean 1er Le Roux, fut accusé de rébellion. Geoffroy apparaissait encore dans les comptes du Receveur du duc en 1267*, alors qu'en 1272 la baronnie était unie au domaine ducal. Quelques années auparavant, le Vieux-Château avait été détruit.

En 1276*, Pierre de Pont-Caillouc, homme d'armes, scellait un accord entre le vicomte de Rohan et Rolland de Dinan, mais on ne sait s'il était vassal d'un seigneur plus important ou vassal direct du duc.

Par ailleurs, une autre Adelice d'Hennebont, femme de Heudon Picaut et "dame de Ty-Henri" apparaît avec son fils aîné Geoffroy dans l'accord conclu en mai 1281* entre le duc Jean et Hervé de Léon au sujet des halles ("la cohue") de Plouay. Le duc y fait savoir qu'il est devenu propriétaire de ce que la dame de Ty-henri et son fils pouvaient avoir en la ville de Plouay et Bécherel.

Ainsi, peu à peu, les terres des vassaux nobles reviennent dans le domaine ducal.

Et en 1332*, le duc Jean III peut faire don à Jean de Derval, sire de Crévy, de "toute la châtellenie de Pont-Caillouc et (- ce qu'il pouvait avoir -) es Paroisses de Bubry, de Quistinic, d'Inguiniel, de Berné, de Plouay, de Cléguer, de Caudan, de Colozan, de Saint Caradec près d'Hennebont et l'étang de Kernascléden ..." ... "Excepté le péçoy de la mer, la garde des églises et des chemins ... et le port d'Hennebont lequel nous retenons à nous". (Le péçoy ou bris de la mer entraînait par "droit de bris" l'appropriation des navires échoués, de leurs cargaisons, et des épaves). Acte approuvé et confirmé par Philippe VI, roi de France, en mars 1332*, à la requête du duc, comme l'impliquait la suzeraineté reconnue par la Bretagne depuis Philippe Auguste.

Après la mort de Jean , le sort de la seigneurie de Pont-Callec sera lié au sort des armes dans la guerre que sa succession provoquera.

 

LA GUERRE DE SUCCESSION DE BRETAGNE (1341-1364)

 

Jean III n'avait pas laissé d'enfant ; son frère Guy de Penthièvre, lui-même décédé en 1331*, laissait une fille : Jeanne, mariée à Charles de Blois. Jean III et Guy étaient issus du premier mariage du duc Arthur II avec Marie de Limoges ; du second mariage avec Yolande de Dreux, ex-reine d'Ecosse et comtesse de Montfort l'Amaury, était né Jean de Montfort. Ce dernier et Charles de Blois étaient prétendants au Duché.

La volonté du roi de France, Philippe VI, fut déterminante dans le déroulement des évènements, son candidat était Charles de Blois, son neveu. Les grands seigneurs bretons étaient de ce parti, les autres, parfois indécis ou changeants au début de la guerre ont penché dans leur grande majorité pour un duc qui aurait pu s'opposer à l'emprise royale sur la Bretagne. Et ceci au cours de la guerre de Cent ans, elle-même née de la succession au trône de France.

Jean de Montfort n'avait qu'un apanage dans la presqu'île guérandaise mais, très déterminé, il prit les devants et tenta de se faire reconnaître duc à Nantes, et au cours d'un long périple ramena à sa cause nombre de nobles bretons.

Dans la guerre qui suivit il fut fait prisonnier très tôt et enfermé dans une tour du Louvre. Sa femme, Jeanne de Flandre, dite Jeanne la Flamme, prit la tête des troupes assiégées à Hennebont et ranima leur combatitivité.

En 1342* se déroula le combat dont Arthur de la Borderie emprunte la relation à Froissart. Les alliés de Charles de Blois : Louis d'Espagne et sa troupe hispano-gênoise se livraient au pillage, d'abord au Croisic, puis dans les villages qui entourent Quimperlé, après avoir débarqué au Pouldu.

L'Anglais, Walter de Manny, qui avait secouru Jeanne de Flandre, surprit la flotte, confisqua un riche butin, puis rechercha l'adversaire en se guidant sur la fumée des villages incendiés. Les paysans armés de piques et de masses se joignaient aux hommes d'armes. Trois troupes furent formées dans les landes de Roscaquen et de l'Hôpital Percé, en Rédéné (Percé de Perseu ? la cure : l'hôpital de la Cure - M. Kervran). Walter de Manny, accompagné de Geoffroy de Malestroit, Guillaume de Cadoudal et Henri de Spinefort, se porta avec l'une des troupes au devant de Louis d'Espagne qui, sans méfiance, accepta le combat. Le choc fut rude mais les deux autres troupes cachées dans les bois intervinrent alors qu'on ne les attendait pas. Sur six mille hommes (?) "... il en réchappa 300 à peine, certains disant soixante". (Arthur de la Borderie cite Froissart avec esprit critique)

Louis d'Espagne s'enfuit dans une barque poursuivi par de Manny, jusqu'à Redon, d'où il put rejoindre les armées de Charles de Blois.

L'Espagnol était maréchal de l'armée française en Bretagne ; son humiliation fut partagée par le roi de France qui se vengea l'année suivante. A la faveur de la trêve de Malestroit, le duc de Normandie, fils aîné du roi, organisa un grand tournois ; à l'issue de celui-ci Philippe VI fit arrêter une dizaine de chevaliers bretons partisans des Montfort et les fit décapiter.

Cette traîtrise déclencha la reprise des hostilités. Libéré par la trêve, Jean de Montfort s'était rendu en Angleterre, mais à son retour il décéda à Hennebont le 26 septembre 1345*. Il fut inhumé dans l'enceinte de l'Abbaye Blanche de Quimperlé. Ce qu'on pense être ses restes dans une sépulture retrouvée en 1883, violée, a été transféré en l'église Sainte-Croix.

Jeanne de Flandre qui avait perdu la raison, fut transportée en Angleterre et vraisemblablement y décéda ; son fils, le futur Jean IV, fut donc élevé dans ce pays.

La plupart des ancêtres des seigneurs de Pont-Callec et de la Porte-Neuve ont été partisans des Montfort.

Pendant cette longue période, où le droit penchait du côté de la force, la seigneurie de Pont-Callec changea de titulaire selon les décisions successives de Jean de Montfort ou de Charles de Blois, en faveur de leurs alliés.

Le sire de Derval s'étant montré partisan du neveu du roi, Jean de Montfort lui retira la terre de Pont-Callec et en fit don à Jeanne de Belleville par acte signé à Hennebont le 13 septembre 1345-*.

Jeanne de Belleville était la veuve dOlivier de Clisson, décapité le 2 Août sur ordre de Philippe VI qui avait ordonné d'exposer sa tête à Nantes.

Mère d'un autre Olivier, la nouvelle dame de Pont-Callec devait inculquer l'esprit de revanche à ses enfants et mener une guerre acharnée à Charles de Blois.

Rappelons que la guerre de Succession de Bretagne était elle-même intégrée dans le conflit plus général de la guerre de Cent Ans, au cours de laquelle Edouard III se prétendit héritier légitime des Capétiens directs et revendiqua la couronne de France.

Aussi ne faut-il pas s'étonner que la donation à Jeanne de Belleville ait été confirmée par le roi d'Angleterre, par la voix et la main de son représentant : "Thomas de Hollande, gardien de Bretagne pour notre sire le roi d'Angleterre et de France et pour Jean duc de Bretagne, comte de Montfort ... à Vannes le 11 juillet 1354*".

On remarquera que dans les deux précédentes donations, les rois affirment leur suzeraineté à l'égard des ducs de Bretagne.

Puis la seigneurie de Pont-Callec passa aux mains de Jean de Beaumanoir, héros du combat de la Mi-voie en 1351, époux de Marguerite de Rohan, par don de Charles de Blois cette fois. Peu sûr de conserver cette seigneurie et prudent le nouveau titulaire prit quelques précautions !

En 1356*, lors du partage fait par Jean de Rohan, frère de Marguerite "Jean de Beaumanoir ... au cas qu'il ne pourrait garantir les dits héritages de Pont quellec ... a promis et octroyé aux héritiers qui seront procréés de lui et de la dite Damoiselle 600 livres de rente en ses héritages, de par son père et de par sa mère".

L'année suivante, c'est Jean IV, deuxième des Montfort, qui enlevait la baronnie de la Roche-Moysan (en Arzano) aux Rohan pour la donner à Gautier (Walter) de Bentley et Olivier de Clisson (5 janvier 1357).

Le 29 septembre 1364* se déroula la décisive bataille située à l'emplacement de l'actuelle Chartreuse d'Auray. Le parti français y fut vaincu: Charles de Blois y perdit la vie et Olivier du Guesclin la liberté. Olivier de Clisson, fils de Jeanne de Belleville, y vengea son père. Le traité de Guérande signé le 12 avril 1365* abandonnait au fils de Jean de Montfort un héritage disputé pendant 23 ans.

Le nouveau duc, époux d'une Anglaise, conclut une alliance avec Edouard III à qui il ouvrit ses places fortes et abandonna Brest en 1378. Par le second traité de Guérande, il dut répudier l'alliance anglaise mais ne recouvra Brest qu'en 1397.

Progressivement, tous les seigneurs bretons qui voulaient à la fois garder leur statut féodal et demeurer dans le cadre de la vie et de la politique françaises, participèrent à la guerre de Cent ans, et appuyèrent les armées du roi de façon décisive. Olivier de Clisson devait devenir connétable.

En 1374*, Jean, vicomte de Rohan, "lieutenant en Bretagne bretonnante pour le Royaume" instituait Guillaume de Guer châtelain de Carnoët et de Pont-Callec. Il faut sans doute comprendre l'acte dans un sens militaire : châtelain ayant ici, principalement, le sens de receveur et capitaine.

Les Rohan réaffirmèrent leur puissance : dès 1377*, Jean de Rohan acheta les seigneuries de Guémené-Guingamp et la Roche Piriou, puis, pour son fils Charles, la terre de la Roche Moysan en 1382*. Enfin, il obtenait du duc Jean IV la donation de la châtellenie de Pont-Callec, pour lui-même et sa femme "leur vie durant seulement", restriction significative de la méfiance créée par son passé et l'extension récente de ses fiefs. Il décédait avant le 11 mai 1396, en conséquence l'année suivante, Jean IV opéra la saisie de la châtellenie, en laissant l'usufruit à la veuve, Jeanne de Navarre, vicomtesse de Rohan (1397*).

UNE SEIGNEURIE STABLE

 

A partir du XVème siècle, les actes du passé plus nombreux à nous être parvenus, sont les "aveux" de leurs biens faits par les seigneurs aux ducs ou à la Chambre des Comptes qu'ils ont instituée, les rentiers, les actes de justice et minutes des notaires, notamment lors des procès ou successions, enfin les fonds conservés par les grandes familles. Nous devons à l'une de ces dernières un acte essentiel : les lettres d'érection du marquisat de Pont-Callec, prononcée par Louis XIV. Même si le document a été inspiré par le demandeur, ce sont les généalogistes du roi qui l'ont établi et lui donnent, avec la signature de Sa Majesté, un caractère officiel.

Le rentier - énumération des terres et des rentes dues par les vassaux - daté de l'an 1418* par la nouvelle dame de Pont-Callec, est composé de 34 parchemins (Archives Départementales de Loire-Atlantique). Un rentier de 1407*, plus réduit, n'est pas signé.

Les lettres patentes de Louis XIV et la généalogie établie par Jean de Malestroit de Bruc, notre contemporain, éclairent la transmission de la Seigneurie de Pont-Callec en même temps que l'histoire de sa famille (Note sur la fondation par adoption de la maison de Malestroit de Bruc).

"Geoffroy de Malestroit, l'un des principaux capitaines du duc Jean de Bretagne, dit de Montfort, soutint le siège de Vannes contre l'armée de Charles de Blois et tailla en pièces six mille hommes de Louis d'Espagne aux années 1341* et 1342". Toutefois, le sort qui lui a été réservé par Philippe VI de Valois est passé sous silence : arrêté comme partisan des Montfort en 1343*, il fut décapité aux halles de Paris, ainsi que Jean son fils aîné. Le second fils fut tué au siège de la Roche Derrien en 1347, comme Jean de Derval ; tous deux combattaient pour Charles de Blois.

La fille épousa Jean de Châteaugiron qui laissa à tous ses descendants, même après son remariage, le nom de Malestroit. L'un d'eux, Hervé, a formé la branche des Malestroit-Pont-Callec. En effet, Tiphaine du Guesclin laissa la terre de Pont-Callec à Perrette de Largentaie, veuve d'Hervé de Malestroit, son neveu.Le 13 décembre 1455*, à Vannes, au Parlement, le duc Pierre II ratifia l'échange et fit transaction avec Jean de Malestroit, seigneur de Largentaie, fils des précédents.

Le duc abandonnait la seigneurie de Pont-Callec (sauf la présentation à la chapelle de Pont-Scorff), la seigneurie de Cléguer qui avait été comprise dans le premier échange puis reprise, les moulins de Tronchâteau, l'emplacement de l'étang et chaussée de Kernascléden, le tout sans aucune réserve, sauf les rentes dues à l'abbaye d'Hennebont, comme l'avait voulu Arthur II en 1311.Dans cet acte transcrit par Louis Rosenzweig, archiviste départemental, Tiphaine du Guesclin est désignée "tante du dit Malestroit".

Après une longue période d'instabilité, la seigneurie de Pont-Callec se transmettra dès lors par filiation jusqu'à la Révolution.

Le successeur de Jean de Montfort avait prêté l'hommage au roi en 1366, à genou et, disait-il "en la forme et manière que mes précédesseurs avaient coutume de faire à vos précédesseurs rois de France, vous offrant la bouche et les mains". Ce qui n'empêcha pas Jean IV de conclure un accord secret avec le roi d'Angleterre.

Par la suite, les autres ducs prêteront hommage debout, sans quitter leur épée. Il assureront à la Bretagne une paix civile qui permettra la prospérité. Dans leur aide à la Royauté contre les Anglais, à la fin de la guerre de Cent ans, leur contribution à la victoire sera décisive, notamment à Formigny en 1450* où se sont illustrés Jean et Philippe de Malestroit, capitaines du connétable Arthur de Bretagne.

Après le temps des ducs, après la duchesse Anne, le nom de Malestroit quittera Pont-Callec. Louis de Malestroit et Marguerite de Rohan auront pour héritier leur fils Louis, disparu sans postérité. La seigneurie échoira vers 1570 à son beau-frère René (David) Papin de la Tévinière, époux d'Anne de Malestroit.

Le nom disparaîtra à son tour par le mariage de leur petite-fille, Marie Papin, avec le Seigneur de la Porte-Neuve. Dans un imprimé conservé au Château de Pont-Callec, et qui reproduit une lettre du dernier marquis aux "Papin d'Amérique", celui-ci écrit : "... elle nous apporta plus de 66000 francs de rentes, en fonds de terre seul, ce qui était prodigieux en ce temps-là".

On doit sans doute à Marie Papin la première chapelle de Sainte-Anne des Bois, près du château, et dont il reste une stèle torsadée qui marque son emplacement primitif. A une demi-lieue de là, le clocher de la chapelle Saint-Albaud présente, gravées dans le granit, les armes des Malestroit que l'on retrouve sur un vitrail de la chapelle du Heznant, dans le Finistère : "de gueules à neuf besants d'or, 3, 3, 3." Elles sont significatives de l'attachement à la maison de Malestroit éprouvé par ceux qui pouvaient - ou peuvent encore - s'en réclamer.

 

AU TEMPS DES DUCS : LA PORTE -NEUVE

 

Parmi les châteaux situés en bordure de l'Aven et du Bélon, trois d'entre eux témoignent d'un souci de défense contre les envahisseurs venus de la mer : le Poulguin, le Hénant, la Porte-Neuve ; ils ont appartenu à des seigneurs importants.

Le plus ancien connu des seigneurs de la Porte-Neuve, nommé comme tel en 1298*, serait un Geoffroy Morillon. Il serait donc l'ancêtre de Thibaud de Morillon "chevalier duquel est fait mention dans l'histoire de Bretagne, au règne de la comtesse de Montfort, du nombre de ces fameux chevaliers bretons qui assistèrent en ce grand tournoi qu'assigna le duc de Normandie, fils aîné de Philippe de Valois, roi de France, à Paris, l'an 1343*" selon les lettres de Louis XIV.Mais, ici encore, les secrétaires du roi omettent de dire que Philippe VI le fit arrêter, et décapiter ; Thibaud de Morillon avait lui aussi combattu Louis d'Espagne en 1342.

Son fils Jean lui succéda et laissa deux enfants. Charles, décédé sans postérité, et Catherine qui épousa Guillaume de Guer en 1445 ; restée seule héritière, elle lui apporta la seigneurie de la Porte-Neuve qui allait rester dans la même famille jusqu'à la Révolution.

La seigneurie de la Porte-Neuve en Riec semble avoir été distincte de la "seigneurie et juridiction de Riec" dont relevaient les villages de la paroisse, pour le plus grand nombre, jusqu'au début du XVIè siècle, époque à laquelle elles furent réunies par un descendant de Guillaume de Guer.

 

LA MAISON DE GUER

 

La généalogie de la famille de Guer peut être établie à partir de sources diverses ; la plus complète utilisée ici provient des notes de Joly de Rosgrand, dernier sénéchal de Quimperlé. Les archives importantes qu'il a laissées n'ont rejoint le Service Départemental à Quimper qu'en 1968, par un don de M. de Lépineau qui les conservait au Château de Kerlarec en Rédéné. Elles permettent de suivre l'ascension sociale des premiers de Guer connus, tous hommes d'armes, noblesse d'épée, et de comprendre le mécanisme des alliances et des héritages qui devaient conduire leurs descendants à la tête de grandes seigneuries, dans des fiefs dispersés.

Le premier Guillaume de Guer est appelé seigneur du "Parc" en Rédéné. Ce toponyme n'y est plus connu ; par contre, près du bourg, existe le hameau de Vourglaz, déformation de gourglaz, antérieurement de gourglioz, qui en vieux breton signifie : parc, mais l'actuel Kervehennec (de Kerguesennec qui contient le sens de "planté d'arbres" et celui de "combattant") est un site possible puisqu'il était celui du manoir.

Guillaume fait partie de la garde du duc qu'il accompagne à Paris le 27 janvier 1332* et figure dans "la montre" (revue) d'Eon de Lesnerac, capitaine de Clisson. Il épouse Plaesonne de Kermaël et ajoute à son titre celui de seigneur de Kermaël (Kerimel) en Moëlan. Leur fille, Marie de Guer, épouse Jean du Terre, seigneur du lieu en Ploemeur, et de Rosgrand en Rédéné, ce qui explique que des actes relatifs aux de Guer se soient retrouvés chez cette famille.

A-t-il combattu dans les plaines de Roscaquen et de l'Hôpital percé où les traces du combat contre Louis d'Espagne ont été longtemps apparentes ? Quoi qu'il en soit, il est honoré de la charge de châtelain de Pont-Callec et de Carnoët. Ce dernier site est un des endroits les plus resserrés de la Laïta. Il présente, côté Guidel, un ensemble défensif formé de murs bas et d'une paroi abrupte, difficile à escalader, au seul lieu où l'on peut mettre pied à terre sans s'embourber. Institué châtelain en 1374* par "Jean, vicomte de Rohan, lieutenant en Bretagne bretonnante pour le Royaume" ...Guillaume de Guer en assurait la garde, près de ses propres terres.

En face, côté forêt domaniale, subsistent les ruines d'un manoir ou ouvrage militaire dont les pierres ont servi à la construction d'une grande demeure. L'ensemble commandait un passage obligé vers Quimperlé, contrôlant tout débarquement éventuel et plaçant l'assaillant à portée d'armes de jet.

Le fils aîné, un autre Guillaume, épousa Marguerite du Treff qui lui apportait la terre de ses parents en Saint-Evarzec. Un manoir y existait jusqu'à la Révolution, au sommet d'un site militaire évident qui dominait Quimper et contrôlait la vallée du Jet et la route de Rosporden. Le moulin du Treff (> Dreff > Dreau) toujours reconnaissable près de Kériou-Le-Treff, était inclus dans leurs biens.

Ce Guillaume de Guer a suivi le duc dans son voyage en France en compagnie d'Henri de Cornouaille, Eon de Quélen, Jean du Treff ; chacun percevait "12 livres pour gages d'un mois commencé le 10 avril 1418* ..."

En 1427*, le manoir de Kerguesennec (Kervehennec) lui appartenait "au fief du Duc", entre le camp gallo-romain de Berluhec et le Bois du duc.

Une note de Joly de Rosgrand précise : "Voyez l'aveu fourni au Prince, le 26 juin 1430*, par Guillaume de Guer, lequel est inhumé au milieu du choeur des Jacobins, sous une grande pierre tombale sur laquelle sont les armes de Guer, sous un casque renversé". La dalle a disparu mais il est possible que parmi les six squelettes découverts près du tombeau de Jean de Montfort et décrits par de la Villemarqué se soit trouvé celui de Guillaume de Guer.

L'"aveu" de ses biens, fait à Charles de Rohan en 1430*, faisait apparaître les ... "hébergements et maisons des Reclus, situés et mêlés, faux-bourg de Quimperlé, et des terres à Kerdudal, Lisle, Kervalsé, Moustoir Kerlagatnos, Kernegoylan (Guernevalann ?) en Rédéné, toutes situées dans la zone des pillages de Louis d'Espagne et d'Anton Doria, le chef des mercenaires gênois qui le secondait.

Caer lagat nos : les yeux de la nuit ; Cartulaire de Sainte-Croix XIè siècle - aveu de 1638 (en 4 E 3/3 A.D. Finistère) : Saint-Pierre ou voisinage.

Avec le troisième Guillaume, la maison de Guer franchit une importante étape par l'union avec les Morillon : le mariage de Guillaume et de Catherine Morillon, fille de Jean, en 1445, leur assure ainsi qu'à leurs descendants le manoir et les terres de la Porte-Neuve en Riec dans l'évêché de Cornouaille.

Cette stratégie matrimoniale et politique se poursuit au bénéfice du fils aîné, héritier principal, qui devient "chef de nom et armes de Guer".

Yvon de Guer épouse Anne de Ploeuc en 1476. Leur fils Charles va donner un nouvel essor à sa maison : par son second mariage vers 1514 avec Françoise de Kervégant, il s'enrichit de la seigneurie et du manoir du Heznant (:" demeure de la vallée") édifié par Jean de Cornouaille et son fils Louis, avant 1464*. Par sa mère Louise de Cornouaille, Françoise de Kervégant en est l'héritière.

Les généalogistes au service de Louis XIV l'affirment : "Quant au nom de Cornouaille, porté par les Seigneurs du Hénant, il est aussi ancien que l'on ne peut marquer le temps auquel ceux de cette maison sortirent puînés des comtes de Cornouaille ... étant notoire que les comtes de Cornouaille vinrent au duché de Bretagne par succession et que leur postérité a porté la couronne ducale jusqu'à la Duchesse Anne, deux fois Reine de France". (Lettres d'érection -1657). Hoël de Cornouaille fut en effet duc de Bretagne de l'an 1066 à sa mort en 1084.

Charles de Guer décéda en 1525 selon les notes de Joly de Rosgrand ; ses fils François, Charles, puis Yvon lui succédèrent à tour de rôle. C'est donc à ce second Charles qu'on doit attribuer l'achat de la seigneurie de Riec, située en la paroisse de Riec et celles de Bannalec et du "Treffvou", par acte passé au Château de Guémené en mars 1533* avec Antoine de Montbourcher échanson du roi François 1er, pour la somme de 6000 livres tournois, qui fut réglée en quatorze monnaies différentes.

La seigneurie de Kergunus en Trégunc appartenait aux seigneurs de Kerymerc'h (Quimerc'h en Bannalec) depuis le XIVe siècle ; elle fut transmise par filiation aux Tinténiac à la fin du XVe, puis aux du Chastel et à Jeanne de Guer qui ne laissèrent pas de descendance ; elle revint alors, vers 1603* à la branche aînée des de Guer et devait rester sous leur prééminence jusqu'à la fin de l'ancien régime (Inventaire des titres de Kergunus par Alain de Guer, de 1314 à lui-même).

Au début de XVIIe siècle se situe aussi l'acquisition du manoir et de la terre de Rustéphan, en Nizon.

Charles de Guer sera fait Chevalier de l'Ordre du Roi le 25 janvier 1625.

Pendant la jeunesse de Marie Papin, des évènements importants s'étaient déroulés, relatés par Ogée : "En 1591 le château de Pont-Callec est pris par les troupes du duc de Mercoeur qui détruisent la plus grande partie des fortifications. Quelques temps après, Mercoeur voulant en faire une place forte la fit réparer, y laissa garnison qui ne put le défendre contre la valeur et l'expérience de quelques gentilshommes bretons qui s'en emparèrent en 1594. Henri IV y mit aussitôt une garnison de cinquante hommes". (Nouveau dictionnaire de Bretagne).

L'UNIFICATION DU ROYAUME

 

La volonté d'unifier le royaume, par n'importe quel moyen de la part de Louis XI : "Homme sans foi, sans loi et sans police" , "Innocent feint tout fourré de malice", selon le poète breton Jean Meschinot qui, prudent, ne le nommait pas, son opiniâtreté et celle de ses successeurs, aboutiront dans un premier temps à la guerre contre le duché.

En 1488, la défaite de Saint-Aubin-du-Cormier, aggravée par la mort du fils aîné du duc, est sanctionnée par le Traité du Verger. François II doit promettre de ne pas marier ses filles sans le consentement du roi ; il meurt peu après.

Anne de Bretagne est sacrée duchesse ... malgré les prétentions au titre du vicomte de Rohan, qui avait épousé une fille du duc. Les candidats à la main de la jeune duchesse se font rapidement connaître ; elle épouse par procuration Maximilien de Habsbourg, archiduc d'Autriche.

Le problème est devenu des plus aigus pour la royauté et Charles VIII lance ses troupes en Bretagne en 1489* ; elles parviennent à Brest qui s'ouvre sans combat au vicomte de Rohan. Anne qui a obtenu l'aide des Anglais ne peut reprendre le château dont Charles VIII prend officiellement possession. En novembre 1491, les Etats de Bretagne demandent la fin des combats et se prononcent pour le mariage d'Anne avec le roi de France ; il est célébré à Langeais en décembre 1491.

Le remariage d'Anne avec Louis XII, le mariage de leur fille Claude avec le roi François 1er, l'adresse de ce dernier, aboutissent au traité d'union perpétuelle, à la demande des Etats de Bretagne réunis à Vannes, en 1532*.

La Bretagne devenue province française conserve quelques privilèges :

- l'obligation pour les gens de guerre qui y séjournent de payer leurs dépenses ;

- l'interdiction d'être cité en première instance hors de la Bretagne ;

- l'ordre écrit du Roi si des armées veulent occuper des terres ou seigneuries ;

- et surtout, l'accord nécessaire des Etats de Bretagne quand un impôt est décidé par le Conseil Royal.

II.- LE TEMPS DES MARQUIS

 

Dans la lignée de Guer, Alain est un personnage essentiel, central. Né vers 1620, époux de Françoise de Lannion, il obtient, en 1657*, le marquisat, ce qui dans la hiérarchie féodale le situe sitôt après le prince et le duc.

Dans les lettres d'érection de la terre de Pont-Callec, et après avoir rappelé les hauts faits des ancêtres de celui qu'il a fait marquis, Louis XIV précise :

"...Enfin les seigneurs du nom de Malestroit, de Guer et de Cornouaille, ont cette illustre marque qu'il ne se trouve titre ni histoire qui fasse mention qu'ils aient jamais pris la partie contre le service de leur prince ..." et plus loin : "Et étant informé que notre aimé et féal Alain de Guer, chevalier seigneur de Pont-Callec, la Porte-Neuve, du Hénant, de Kergunus et de plusieurs autres belles terres, est issu par succession de Guer, de Malestroit et de Cornouaille, désirant reconnaître en sa personne les services illustres de ses prédécesseurs, lesquels n'ont retiré d'autres récompenses de leurs généreuses actions que la gloire de les avoir faites, considérant que la reconnaissance du bien est aussi nécessaire en un état que la punition du mal, voulant faire un acte de justice autant que de libéralité en la personne du dit seigneur de Pont-Callec, duquel, à l'imitation de ses prédécesseurs, nous avons tout sujet d'espérer de bons services ... Nous, de notre propre mouvement et grâce spéciale, pleine jouissance et autorité royale, avons créé et érigé la dite terre de Pont-Callec, en titre et dignité de marquisat. Donné à la Fère, en Picardie, au mois de juin, l'an de grâce mil six cent cinquante sept et de notre règne le quatorze - signé Louis"

Alain de Guer, homme d'armes comme ses précédesseurs, était écuyer à la Grande Ecurie du Roi. De mil six cent cinquante sept date le grand tableau de famille, toujours conservé dans la chapelle Saint-Léger, près du château de la Porte-Neuve. Alain de Guer et Renée Françoise de Lannion sont entourés de leurs six enfants, trois garçons d'un côté, trois filles de l'autre. En bas et au milieu, les armoiries qui figurent en formant un "pennon" sont significatives des alliances passées puisqu'elles comportent les "armes" des Malestroit, des Lannion, des Kerméno, des Quélen : au centre, recouvrant les autres, celles de la Maison de Guer : "d'azur à sept macles d'or, 3, 3, 1, au canton d'argent fretté de huit pièces de gueule, estimées en Bretagne les plus nobles pièces après les hermines".

Un revers de fortune va frapper le nouveau marquis : il a eu l'imprudence d'avoir donné sa caution au marquis de Kerméno du Garo, un cousin dans la lignée de sa mère, Jeanne de Kerméno.

La ruine de ce dernier, la vente de sa seigneurie de Baud, préludèrent à l'offensive de ses créanciers qui, dans l'impossibilité de se faire rembourser leurs prêts, exigèrent la vente des biens des cautions. Menacé d'être dépossédé de ses terres, Alain de Guer se tourna vers le roi, mais Louis XIV laissa faire la Justice, et les biens furent l'objet d'une saisie en 1670, confirmée par deux arrêts du Parlement de Bretagne.

Alain de Guer anticipa sur les héritages de sa femme et fit inventorier les biens de Jean de Lannion, seigneur des Aubrays. Ce dernier était un descendant de Briant de Lannion, gouverneur de Montfort-L'Amaury, qui se distingua à la prise de Nantes et à la bataille d'Auray.

Le beau-père prit fort mal cette démarche et écrivit dans son testament : "Puisque Dieu a voulu, pour notre châtiment, que notre seule fille Renée Françoise de Lannion, ait épousé un homme qui ne nous a jamais causé que des déplaisirs et mépris sauvages, nous a fait visiter barbarement par des sergents, en nos maladies, vous ne devez mon cher coeur l'appeler en aucune de vos affaires, ni lui donner le hantement de votre maison. Vous lui pouvez pardonner de coeur si vous le voulez, sans être obligée de le voir ni permettre fréquentation ...".

Durement éprouvé par les exigences des créanciers à la tête desquels se trouve le prince Charles de Rohan, atteint dans son honneur, malade, Alain de Guer dont la devise est "sans tâche" (sine maculis) se présente le 7 février 1673* devant Maître Julien Cadic, notaire à Hennebont, accompagné de son fils Charles.

"... Lequel seigneur marquis pour jouir du repos qu'il a toujours désiré, désirant se décharger du soin de ses offices, auquel il ne peut vaquer comme il serait requis à cause de ses indispositions ... fait démission au profit de son fils aîné ... dans la connaissance qu'il a de la bonne conduite dudit seigneur comte de la Porte-Neuve son fils et du dessein qu'il a d'appliquer tous ses soins au rétablissement de leur maison ...".

"... En faveur de laquelle démission s'oblige le dit seigneur comte de la Porte-Neuve de faire provision compétente à ses puînés et d'acquitter les dettes dudit seigneur marquis de Pont-Callec, son père, hypothécairement, autant et si longtemps qu'il sera saisi des terres et revenus lui délaissés par la présente démission ...".

Dès lors, les deux hommes vont gérer cette grave crise financière, Alain de Guer s'étant réservé le droit de son "exprès consentement" à toute vente ou engagement.

Dès le 6 avril, c'est donc Charles de Guer qui apparaît "Chef de nom et d'armes de Guer" et dans l'optique féodale il est désormais revêtu du droit de recevoir les hommages.

On doit ici évoquer la mort tragique de Gabriel de Méhérenc, marquis de Saint-Pierre et Cunffio. J.F. Cadoux a donné en 1911 une relation de ce qu'il nomme "un duel judiciaire" à partir d'une tradition orale recueillie vraisemblablement sur place et perpétuée sous le nom de "duel au carreau". S'il y a eu duel, aucune trace écrite n'a été retrouvée, même sous forme d'allusion, ce qui n'est pas étonnant puisque la Royauté l'interdisait et que Richelieu avait prévu la peine de mort à la seconde infraction. Il existe une autre version : le marquis de Pont-Callec aurait fait "justice" lui-même et d'un pailler aurait abattu l'autre seigneur.

Les Méhérenc de Saint-Pierre avaient acquis leurs terres le 26 mars 1641* ; elles dépendaient de la Juridiction de Pont-Callec "dont le chef de nom et d'armes de Guer" restait seigneur dominant. Que le marquis de Saint-Pierre ait perdu la vie pour n'avoir pas voulu rendre hommage à Charles de Guer appartient à une logique cohérente mais qui, comme les conditions de sa mort, relève de l'hypothèse invérifiable.

La tradition orale et la mémoire des descendants de Gabriel de Méhérenc concordent sur un point : le cavalier aurait été abattu le 23 juin 1675* à la sortie du bourg d'Inguiniel ; le pied pris dans l'étrier la victime aurait été traînée jusqu'au lieu du décès, à l'emplacement où a été édifiée "la Croix du marquis". Seuls le lieu et la date sont certains.

"Le quatrième jour de Mai, l'an mil six cent soixante dix sept*, noble Renée Françoise de Lannion, en son vivant marquise de Pont-Callec est morte en son château du dit Pont-Callec, environ deux heures après minuit, le dit jour enterrée en l'église de Berné, environ les cinq heures du soir".

Veuf, Alain de Guer se retire à la Porte-Neuve. Sans doute sous l'influence du père Julien Maunoir qui avait déjà séjourné à Riec il entre en religion ; il est chanoine de Vannes et recteur de Riec. Il intervient avec le père Maunoir, les recteurs de Caudan et de Rédéné, lors des missions itinérantes que le célèbre prédicateur avait entreprises, notamment pendant la "révolte du papier timbré".

Les mesures prises par Louis XIV, sans l'assentiment du Parlement de Bretagne, étaient apparues comme une violation du traité d'union de 1532 ; le roi s'était attribué le monopole de la vente du tabac dont il avait augmenté le prix ; en outre, il avait imposé le papier timbré et soumis la vente de la vaiselle d'étain au droit de poinçonnement. Ces mesures impopulaires déclenchèrent une révolte férocement réprimée ; les révoltés avaient aussi réclamé l'abolition des privilèges.

Les missions du père Maunoir et de ses "catéchistes" ne purent calmer la fureur des révoltés ni empêcher les représailles du duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne pour le roi.

Le Parlement qui siégeait à Rennes fut exilé à Vannes pendant quatorze ans.

Au début de l'année 1678*, Charles de Guer, officier de cavalerie légère, obtint un congé de deux mois et épousa Bonne Louise Le Voyer de Trégomar. Le contrat de mariage est daté de février ; l'inventaire qui en découle porte sur les "biens meubles, argenterie en oeuvre, perles, bagues". Les bijoux sont estimés à 3109 livres, une croix d'argent avec cinq diamants figure valant 1000 livres ; c'est la valeur moyenne qui apparaît dans l'inventaire après décès des "laboureurs de terre", fermiers du fief de Pont-Callec. Bonne Louise Le Voyer apportait surtout l'héritage d'une seigneurie de Normandie : La Haye-Pesnel.

Pendant les répits que lui accordait sa carrière, Charles de Guer s'occupait du "rétablissement de sa maison" à la fois par les ventes de terres qui permettaient de calmer les créanciers et par le rappel vigilant de ses droits seigneuriaux. Le décès de son oncle Jean de Guer, président du Présidial de Vannes, sans héritier, provoqua le retour à la lignée principale de la terre et seigneurie de Tronchâteau en Cléguer.

Bien qu'il ait vendu le manoir de Meslien en 1677*, Charles de Guer obtint des lettres patentes données par le roi à Saint-Germain en juillet 1678*, puis un arrêt de la Cour qui maintenait l'union du fief et seigneurie de Tronchâteau au marquisat de Pont-Callec.

La Cour avait ordonné que les dites lettres fussent lues et publiées "aux prosnes et issues des grandes messes où sont situés les dits héritages" c'est à dire à Cléguer.

De même, une sentence de la sénéchaussée d'Hennebont autorisait des poursuites en juin 1679*, contre les "tenanciers" : ceux qui tenaient un fonds, et qui avaient négligé de faire acte d'allégeance au jeune marquis dans les seigneuries de Kervéguen, La Motte, Lizandren, le Vieux-Châtel, la Noë-verte, en l'évêché de Saint-Brieuc.

Les ventes des terres de Lizandren et de la Noë-verte rapportèrent 72600 livres en 1685*; on peut penser qu'elles s'inscrivaient dans le mouvement général de cession des biens que connut la noblesse au XVIIè siècle du fait de ses endettements croissants. La vente d'une seigneurie entière, celle du Hénant, est d'une autre envergure et l'on peut estimer qu'elle procédait d'une contrainte morale : le respect d'un engagement pris à l'égard des créanciers du marquis du Garo (14-11-1684*).

Si Alain et Charles de Guer n'ont pas transigé avec l'honneur, leur exemple sera suivi avec plus ou moins de fidélité et d'empressement par leurs successeurs.

Le nouveau seigneur du Hénant fut François Marie de la Pierre, conseiller et secrétaire du roi, baron de La Forêt en Languidic.

Charles de Guer crut aboutir en 1692 quand la Troisième Chambre d'Enquête de Paris le déchargea des obligations dont il était tenu envers le marquis du Garo. Ses adversaires ne désarmèrent pas et ils obtinrent une réforme de l'arrêt du 19 juin 1692, comme contraire à celui de 1688, qui, lui, avait été prononcé par une cour prépondérante : le Parlement de Paris.

Charles de Guer a disparu en 1695*, époque à laquelle les scellés furent placés sur ses appartements de Paris et de Rennes, sans avoir pu régler la situation juridique et financière dont il avait hérité. Il donne l'impression d'avoir été un homme de caractère ; son passé militaire mériterait d'être connu.

 

Alain de Guer, alors recteur de Moëlan, survécut donc à son fils aîné. Il avait vécu un autre drame familial du fait de son puîné Jean Bertrand qu'il avait dû faire renfermer au séminaire Saint-Lazare, à Paris "attendu la faiblesse de son esprit qu'il a fait connaître à plusieurs occasions et pour éviter les grands désordres et accidents qui pourraient arriver".

Les juges d'Hennebont approuvèrent la requête du conseil de famille, unanime ; le jugement furt rendu exécutoire en 1679* "pour arrêter le cours de désordres et des débauches perpétuelles de Messire Jean Bertrand, sieur des Aubrays". Charles de Guer avait alors été désigné responsable de l'entretien de son frère.

Le conseil de famille montre à la fois le niveau social de ses membres et leur intrication puisqu'on y trouve le comte de Lannion, gouverneur des villes de Vannes et d'Auray, demeurant au château de Quinipily, en Baud, Hyacinthe le Sénéchal, marquis de Kercado, Hyacinthe de Tinténiac, marquis de Quimerch (Bannalec), Louis du Breuil, comte de Pont-Briant, capitaine général garde-côtes, le seigneur de Bruslé, Pierre de Botdéru, sieur de Kerdrého en Plouay ...

Tous appartenaient à des familles nobles "d'ancienne extraction", c'est à dire qu'elles avaient pu démontrer une filiation continue depuis le XVè siècle, lors de la vérification des titres décidée par Louis XIV en 1668, à l'instigation de Colbert.

Ce contrôle appelé Réformation avait pour but la recherche des usurpateurs de titres. Le duc Jean IV avait opéré une telle vérification dès 1423 ; ses successeurs durent continuer à dépister les fraudes.

En 1669, Alain de Guer représentait la neuvième génération de noblesse ; les familles Le Sénéchal et du Breuil firent état de douze générations ; les Botdéru avaient un ancêtre "croisé", compagnon de Saint-Louis en 1248.

Tous pouvaient donc faire remonter leur généalogie au temps des ducs.

Après avoir exercé son sacerdoce à Riec, Alain de Guer a été recteur de Moëlan, de 1681 jusqu'à sa mort survenue à la Porte-Neuve le 13 août 1702*. Dans la paroisse de Moëlan, comme dans celle de Riec, Alain de Guer célébrait les messes des morts, parfois les baptêmes, rarement les mariages.

L'acte de vente de ses biens personnels en mars 1703* éclaire son mode de vie simple, campagnard, et cependant seigneurial ; il s'assurait les services de plusieurs domestiques et se rendait à Moëlan en carriole. Son bétail était confié au métayer, il possédait quatre chevaux dont "un vieux cheval de 35 ans" vendu 3 livres.

Lors de la vente un incident opposa la marquise, sa belle-fille, à Maître Jan Nairbonc dont elle contestait l'utilité de la présence. La vive réaction de ce dernier, sa liberté de ton reflètent l'indépendance des hommes de loi à l'égard de la noblesse.

La marquise de Pont-Callec dut assurer une nouvelle succession et pour cela se rendre au Châtelet. Le Châtelet, à Paris, était le siège d'une juridiction royale dont la compétence s'étendait au royaume entier. Les successions les plus importantes, et en premier lieu les successions seigneuriales, y étaient réglées par une centaine de notaires. Leur fichier central, consultable aux Archives Nationales, est un outil de travail apprécié des chercheurs.

Bonne Louise Le Voyer de Trégomar venait elle-même d'une grande famille d'origine bretonne ; ses parents étaient barons de la Haye-Pesnel, près d'Avranches.

Plusieurs siècles d'histoire disparurent des archives de Saint-Lô lors d'une journée elle-même historique : le 6 juin 1944, jour du Débarquement en Normandie. Bombardement et incendie nous privèrent des pièces relatives à la Haye-Pesnel, dont, ironie du sort, il reste un inventaire qui ne peut qu'aviver les regrets.

 

1716-1720 - AFFAIRE DE BRETAGNE

 

Neuf épais registres conservés à la Bibliothèque de l'Arsenal à Paris, contiennent les interrogatoires des nobles bretons emprisonnés à Nantes, ceux des témoins auxquels ils furent confrontés, ainsi que les papiers saisis au cours de l'enquête. Sous le titre général d'"Affaire de Bretagne" les motifs d'inculpation sont exposés :

"Attroupement de gentilshommes associés entre eux, amas d'armes, de poudre de munitions , enrôlement de soldats, projets de traités avec une puissance étrangère, opposition à main armée à la levée des deniers du roi".

 

Autre source : "Le journal manuscrit de Christophe de Robien" conservé à la Bibliothèque municipale de Rennes. Président du Parlement de Bretagne, seigneur de Pluvigner, attaché à sa province mais refusant de participer à une entreprise qu'il jugeait séditieuse, de Robien fit écrire par son secrétaire, et après coup, un journal qui vaut surtout par la chronologie des évènements et la citation des documents établis par les conjurés.

Dans l'Histoire de Bretagne, Barthélémy Pocquet, continuateur de l'oeuvre d'Arthur de la Borderie, ne manque pas de relever les contradictions qui existent entre sa propre chronique et celle de de Robien.

Enfin, Pierre de la Condamine a écrit un ouvrage "Pontcallec, une étrange conspiration au coeur de la Bretagne" qui décrit avec précision la conspiration de Cellamarre, résume une affaire complexe et précise le sort réservé aux inculpés.

On se limitera donc ici à un rappel des faits et à quelques compléments susceptibles d'aider à la compréhension des positions des antagonistes.

La mort de Louis XIV en 1715, les prétentions à sa succession, par Philippe V, roi d'Espagne, avaient ouvert une grave crise. Son testament remettait la Régence au duc du Maine, pendant la minorité de son arrière-petit-fils, le futur Louis XV. Philippe d'Orléans fit casser cette disposition à son bénéfice par un arrêt du Parlement de Paris. La duchesse du Maine ne le lui pardonna pas et n'hésita pas à conspirer avec le cardinal de Cellamarre, ambassadeur du roi d'Espagne lui-même petit-fils de Louis XIV.

Entre ces hauts personnages "princes du sang" les affrontements se multiplièrent, entraînant les nations dans la "quadruple alliance" provoquée par le Régent en 1718, puis dans la guerre d'Espagne jusqu'à l'abdication de Philippe V.

L'"affaire de Bretagne" eut ses causes spécifiques. Rien dans les actes consultés ne permet d'établir une relation entre les nobles bretons et la conspiration de Cellamarre. C'est l'effondrement financier de la royauté qui la déclenchera.

Le Régent et son ministre des Finances avaient déclaré le 7 décembre 1715 : "Il n'y avait pas le moindre fond, ni dans notre trésor royal, ni dans nos recettes pour satisfaire aux dépenses les plus urgentes".Ils firent donc appel aux Etats de Province ; ceux de Bretagne étaient taxés de 3 millions de livres, demandés sous l'appellation de "don gratuit", au nom du roi.

C'est toujours "au nom du Roi" que le Conseil de Régence s'est exprimé dans son souci d'affirmer la continuité de l'état monarchique. De Robien précise : "La Bretagne était absolument épuisée comme tout le reste du royaume à la mort de Louis XIV. L'évêque de Saint-Malo et le comte de Rieux vont présenter un recours au Régent. Ils furent médiocrement bien reçus".

La raideur d'un vieux maréchal : Pierre d'Artagnan de Montesquiou, représentant du comte de Toulouse, gouverneur général de la Bretagne, accentua l'irritation des nobles. Le 30 décembre 1717, le Parlement de Bretagne refusa d'enregistrer l'arrêt du Conseil du Roi qui ordonnait la levée des impôts et envoya une délégation près du Régent, composée de son Président : Monsieur de Rochefort, de Messieurs de Lambily, de Noyant, du Groesquer, Talhouet de Bonamour, farouches paritsans du respect du statut propre à la Bretagne : "Sire, cet évènement dont les temps passés ne fournissent point d'exemple change la forme du gouvernement de cette province et donne atteinte au traité d'Union de la Bretagne à votre couronne. C'est ce titre, Sire, qui nous unit inséparablement à la France et, s'il n'est presque pas permis de prévoir les dangereuses conséquences qu'il y aurait à y toucher, il est toujours sage de les prévenir".

La réponse du Régent était assez ambiguë : "Le Roi n'a jamais eu l'intention de rien changer aux privilèges de la province ... si Sa Majesté ne s'y trouve obligée par l'usage qu'on en ferait".

A la fin de l'année d'Artagnan de Montesquiou avait fait venir de nouvelles troupes et demandé l'exil de quatre gentilhommes, ce qu'il justifiait ainsi : "Il faut connaître les Bretons par les fréquenter car on ne peut imaginer de loin la situation de ces esprits cachant toujours leurs volontés sous des termes soumis et respectueux, mais ne démordant jamais de ce qu'ils ont résolu".

Le Manuscrit de de Robien contient la protestation tenue d'abord secrète des nobles bretons, convaincus de leur bon droit : "Nous soussignés de l'ordre de la noblesse de Bretagne, instruits des droits que nous donne notre naissance et des obligations auxquelles elle nous engage, pénétrés qu'il est de notre devoir indispensable de concourir à maintenir les lois fondamentales de la nation, à défendre les peuples de l'oppression et à conserver les droits et privilèges de notre patrie .... le plus essentiel de ces droits et privilèges est l'Assemblée des Etats de la Nation qui seule peut servir de bornes à l'autorité législative, publique, économique et despotique des souverains".

Puis, après avoir rappelé les promesses des rois depuis Charles VIII, le manifeste contient un serment d'union "pour soutenir par toutes sortes de voies justes et légitimes sous le respect dû au roi et à Son Altesse, Monseigneur le duc d'Orléans, Régent du royaume, tous les droits et privilèges de la Bretagne et les prérogatives de la noblesse...".

Dans cette grave crise Chrysogone Clément de Guer, le 3ème marquis, n'apparaît qu'en septembre 1718 pour refuser sa signature au manifeste des nobles bretons ... puis il la donne en novembre.

La noblesse est partagée, c'est surtout dans la région guérandaise et l'évêché de Vannes que l'agitation est forte.

De grandes réunions sont provoquées, à Questembert, à Lanvaux. Les plus déterminés, de Lambily en tête préconisent le recours à l'Espagne. Hervieu de Mellac part en négociateur, est reçu par le ministre Albéroni, revient avec une contribution de 30000 livres, une promesse de débarquement de troupes et celle de l'envoi d'un général qui commanderait tout le monde.

Bien informé, le Régent qui a fait emprisonner le duc et la duchesse du Maine, renvoyer le cardinal de Cellamarre, fait intervenir ses troupes en Bretagne fin août 1719. Après quoi, il installe à Nantes une "chambre royale de justice" composée de hauts fonctionnaires et non de juges, appareil du pouvoir exécutif.

Le colonel de Mianne, établi à Guéméné, pourchasse tout l'hiver les nobles suspects, aidé d'une trentaine d'espions. Chrysogone Clément a accueilli au château de Pont-Callec plusieurs de ces nobles ; de Mianne s'y présente et adresse un rapport rassurant à Monsieur de Châteauneuf, président de la chambre royale de justice : "Il est assez étonnant que six ou sept cents gentilshommes qui voulaient faire la guerre au Roy courent comme des moutons devant trois cents hommes"..

De Mianne n'a pas trouvé le marquis de Pont-Callec. Il arrête un valet "la Batterie" qui a accompagné son maître mais ne veut rien dire, se rend au Faouët et promet 1000 livres à la femme de la Batterie s'il obtient des aveux et lui laisse quelque argent "car elle était dans la nécessité" ... "Après le valet s'ouvrit à moi et me déclara où il avait laissé son maître".

De Mianne, accompagné de quelques cavaliers, se rend aussitôt à Lignol, le 28 décembre 1719* et vers onze heures du soir "Je l'arrêtai dans son lit moi-même et un coquin de curé qui l'a réfugié et qui me nia en entrant qu'il l'eut chez lui". Chrysogone Clément et Louis Croëzer, curé de Lignol, sont conduits au château de Guémené, puis aux prisons de Nantes.

En janvier 1720, plusieurs conjurés furent emprisonnés, en particulier Le Moyne de Talhouet, de Montlouis, du Couedic. Mademoiselle de Guer, soeur du marquis, fut également arrêtée et conduite à l'Abbaye Saint-Georges de Rennes et laissée dans le plus complet dénuement. Elle écrivit au Régent : "La cruelle situation dans laquelle je me trouve d'être à la veille de mourir de faim m'oblige à présenter à Votre Altesse Royale un nom qui lui doit être odieux par la rébellion et l'infidélité dont le marquis de Pont-Callec, mon frère, se trouve malheureusement accusé. J'espère qu'il pourra être trouvé plus malheureux que coupable ; si cela n'était pas ainsi, Votre Altesse Royale attribuera son crime à sa faiblesse d'esprit et ne le rejettera point sur une famille qui ne peut être que l'objet de la compassion de tout le monde".Le Régent fit adresser quatre cents livres à l'Abbaye.

D'autres témoignages éclairent la personnalité de Chrysogone Clément. Dans sa lettre du 29 décembre, de Mianne écrit: "Je vous assure que l'on profite beaucoup à l'entendre. Il développe la matière à fond ou donne des expédients pour y parvenir"

Maître Jacques Belloudeau, son procureur, révèle que le marquis est "homme très violent qui a perdu beaucoup d'argent au jeu ... a maltraité nombre de gens à leur faire perdre la vie sous le bâton".

La chambre royale de justice installée à Nantes procéda aux interrogatoires des inculpés, beaucoup étaient en fuite, cachés ou émigrés.

Interrogé sous la foi du serment à partir du 3 janvier 1720, Chrysogone Clément précisa qu'il avait servi dix ans, jusqu'en 1706, dans les troupes du roi, les premières années en qualité d'enseigne dans le régiment de Bressé, quatre ans dans les Mousquetaires Noirs du Roi, cinq ans capitaine dans le régiment des Dragons de Bretagne, puis s'était retiré "... pour rétablir ses affaires qui se délabraient de jour en jour ses terres étant dès lors saisies...".

Pierre de la Condamine, dans l'ouvrage cité, donne l'appréciation de ses chefs au terme d'une inspection : "officier nullement propre au service".

Chrysogone Clément mit en cause de Bonamour et de Lambily, mais n'accepta pas l'accusation de révolte. "A dit que personne n'avait envie de se révolter mais qu'on s'était simplement liés pour se trouver aux Etats en plus grand nombre, afin de se maintenir dans leurs privilèges que Monsieur de Montesquiou leur faisait perdre avec rigueur, contre les lois et l'usage pratique de tout temps dans la liberté de leurs suffrages"

."... a dit qu'il ne s'est point révolté attendu qu'il n'a commis aucun acte d'hostilité contre les troupes du roi, que par rapport aux négociations il n'a point cru que les négociations avec l'Espagne puissent être regardées comme criminelles, le roi d'Espagne étant du sang de France".

Question : "n'y eut-il pas proposition de former une troupe de 500 fraudeurs qui répandraient du tabac dans la province et iraient ensuite vers Guérande charger du sel pour le "voiturer" et débiter en Anjou ? "Il convient d'avoir fait cette proposition, mais non de son chef, il ne la faite que comme lui ayant été demandée par de Lambily.

Question "...s'il est vrai qu'il tira de sa poche un papier avec les noms de ceux qui devaient commander en qualité d'officiers les troupes qu'il prétendait lever ? "A dit qu'il est vrai ... le dit papier avait été envoyé par de Lambily "... les lieutenants seraient capitaines, les capitaines seraient lieutenants-colonels, et ainsi des autres suivant le service de chacun".

Plus tard "dit qu'il n'a jamais distribué de fusils à aucun paysan de ses paroisses ... qu'il est vrai que de 14 fusils qu'il avait, il en avait distribué dix à dix sabotiers de Berné et raccommodé une trentaine ... distribué une trentaine de fourches de fer pour servir aux hues ... (chasses aux sangliers et aux loups à grands cris) ... mais est obligé de convenir qu'il se serait servi de ces armes, pour sa défense, si on l'eût attaqué".

Pour le marquis de Pont-Callec, le roi d'Espagne aurait été déclaré "...Régent du Royaume à la place de Monseigneur le duc d'Orléans qui s'était fait déclarer tel en intimidant le Parlement de Paris qui n'avait jamais été en droit de casser le testament du feu Roi, au préjudice de la Nation et des Etats Généraux qui seuls étaient en droit de donner la Régence".

Louis Croëzer affirma n'avoir jamais entendu parler d'un arrêt qui interdisait de cacher et héberger des gentilshommes recherchés et ne se souvint pas avoir répondu "que non" à l'interrogation de Monsieur de Mianne ; il avoua surtout la crainte qu'il avait du marquis.

Aucun des inculpés n'admit qu'il avait agi dans un esprit de révolte, mais aucun n'évoqua l'état de guerre contre l'Espagne dans lequel on se trouvait depuis le 9 janvier 1719.

Parmi les nombreux rapports reçus par le Régent, citons celui de Monsieur de Châteauneuf : "Pour ce qui est des officiers du Parlement de Bretagne ... ils ne sont pas exempts de soupçons ; on peut même dire que le Parlement aurait pu prendre part aux mouvements de la Noblesse si ses projets du côté de l'Espagne avaient réussi (10-02-1720)"

Et le 20 février : "Le Sieur de Lambily était de tous les rebelles le plus animé et le plus dangereux".

Un an avant le procès Monsieur de Malbonnay avait écrit au Régent pour lui décrire l'état d'esprit en Bretagne. La noblesse : "l'esprit de rébellion a conduit quelques-uns de ces Messieurs, en petit nombre ; beaucoup d'honnêtes gens, sans trop approfondir la matière, ont été entraînés par les premiers ; la multitude a donné tête baissée dans tout ce qu'on lui a inspiré, elle est composée de jeunesse et de gens sans biens ..." Le Clergé est soumis à l'autorité royale. "Le Tiers-Etat est composé des maires des villes et des sénéchaux des Juridictions. Il n'y a que ces derniers à appréhender, parce qu'ils dépendent du Parlement. Je puis assurer Votre Altesse Royale, Monseigneur, que c'est le plus fort de vos ennemis ...Il n'y a point de membre de cette Cour suprême qui ne se croit en droit et capable de gouverner l'Etat".

Sur le courrier reçu par le Régent, apparaissent souvent les directives destinées à ses secrétaires ; ici on lit "Il n'y a pas d'autre usage à en faire".

Aureby de Vastan, Procureur Général pensa inculper Chrysogone Clément de Guer pour "mauvais traitements, vexations extraordinaires et exactions criantes commises par lui sur ses vassaux" tant les témoins appelés à Nantes avaient à s'en plaindre ; mais il s'en tint au procès principal.

Le 20 mars, le Président de Châteauneuf écrivit au Régent avec l'espoir d'une réponse apaisante et clémente ; le 24, le ministre d'Argenson lui répondit que le Régent plaçait sa confiance dans la justice des hommes qui composaient la chambre royale. Cette dernière se réunit le 26 mars, délibéra sans public, sans défenseurs, sans débats contradictoires et prononça son verdict : sept condamnations à mort et seize autres par contumace ; la sentence était immédiatement exécutoire. Les condamnés ne s'attendaient pas à cette sévérité. A leur détresse s'ajoutaient l'amertume d'officiers qui avaient combattu dans les armées du roi, la révolte d'hommes certains qu'il y avait plus coupables qu'eux.

Après la confession, l'un d'eux dans son trouble ne trouvait plus son chapeau au moment de partir, le marquis de Pont-Callec s'exclama : "Qu'importe un chapeau alors qu'on s'apprête à nous ôter le chef". Il rédigea un bref testament par lequel il faisait don de six mille livres à sa soeur. De Montlouis, qui avait accueilli la sentence avec une fermeté qui ne l'abandonna jamais, reçut d'une fenêtre les adieux de sa femme et y répondit.

On possède plusieurs relations des derniers instants des suppliciés. Les condamnés furent conduits place du Bouffay, escortés de la maréchaussée de Nantes et de celle de la Chambre royale dont les archers avaient à la main un cierge de cire blanche allumé.Les quatre confesseurs les encouragèrent et les assistèrent jusque sur l'échafaud. Le marquis y monta le dernier, après avoir vu exécuter ses compagnons.

De Robien s'appuyant sur l'huissier Germain précise : " ... il fit de très grands cris et se refusait à l'exécution le plus qu'il pouvait, mais un des valets de l'exécuteur l'ayant attrapé par une des oreilles, le maître lui mit la "doloere" sur le col et l'autre valet frappa un grand coup d'une masse de fer. On avait refusé un sabre de Damas".

Dans le récit qui lui est attribué, son confesseur, le Révérend Père Nicolas de tous les Saints, affirme que le marquis s'est comporté, comme ses compagnons, avec dignité et fermeté.

Les corps des quatre gentilshommes furent transportés au couvent des Carmes ... "une des têtes avait été perdue en route, il fallut retourner la chercher".

L'arrêt à l'égard des condamnés en fuite fut exécuté le lendemain "par effigie", c'est à dire que des silhouettes avaient été découpées avec les noms des nobles et qu'on coupa les têtes de ces images.

Une foule importante avait assisté aux exécutions ; le retentissement fut profond.

Chrysogone Clément inspira une gwerz. Hersart de la Villemarqué la recueillit plus tard et la fit précéder d'un commentaire éloigné de la vérité historique. Car le curé de Lignol, préoccupé par le sort de ses paroissiens dont la mortalité pendant les seuls mois d'août et de septembre 1719 équivalait à celle de toute l'année 1718, n'avait pas accueilli le marquis par solidarité ou conviction, mais par deux fois en cédant à l'intimidation. La première fois le marquis avait caché dans le grenier des armes compromettantes, à l'insu du prêtre.

La veuve de Le Moyne de Talhouët écrivit au père Nicolas pour lui dire son désespoir d'avoir conseillé à son mari de se livrer.

 

LE TEMPS DU PARDON

 

Les privilèges de la Bretagne avaient été confirmés par Henri II, Henri III, Louis XIII et même Louis XIV, mais toujours remis en cause ou ignorés.

Le centralisme de Colbert ne s'accommodait pas des privilèges d'une province. Pour la monarchie absolue de Louis XIV, toujours à court d'argent, le principe du consentement des Etats à l'impôt n'avait plus lieu d'être.

L'action du Régent a procédé de la même conception, renforcée par la menace de voir le roi d'Espagne se substituer à Louis XV.

La petite noblesse bretonne conservait sans doute son attachement aux principes féodaux, mais elle avait servi depuis trop longtemps dans les armées du roi pour avoir la détermination des partisans de Jean de Montfort. L'unification du royaume avait porté ses fruits et le Régent savait reconnaître dans les classes sociales ceux qui restaient les meilleurs alliés de la monarchie.

Il décida l'amnistie et comme il avait associé Louis XV à la répression en 1719 il l'associa également aux mesures de clémence. Louis XV n'avait alors que dix ans, ses signatures sont vraisemblablement les premières du règne dont il faisait l'apprentissage.

Le jugement du 26 mars prévoyait que les seigneuries des condamnés seraient saisies, leurs château abattus, leurs arbres coupés à une hauteur de neuf pieds ; il n'en fut rien ...sauf peut-être les arbres de Lourmois, en Nivillac.

Le 15 avril 1720* ont été enregistrées par le Parlement de Rennes, les lettres patentes d'amnistie. "Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut. Plusieurs gentilshommes de notre province de Bretagne ayant formé une association criminelle ... en rendant la punition aussi générale que la faute il y aurait à craindre qu'il ne se rencontrât un trop grand nombre de personnes engagées dans le crime ; considérant d'ailleurs que l'autorité souveraine n'a pas moins d'éclat dans les actions de clémence que dans celles de justice, et que plusieurs des dits gentilshommes, leurs émissaires ou adhérents peuvent y avoir été engagés sans en connaître toute l'importance ... accordons aux dits gentilhommes de notre province de Bretagne, leurs complices et adhérents, le pardon et l'amnistie générale ... voulons et nous plaît que la mémoire en demeure pour jamais éteinte et abolie, sans qu'il puisse en être rien imputé".

Le Régent écarta de Bretagne d'Artagnan de Montesquiou, devenu trop encombrant, en le nommant au Conseil de Régence.

Philippe V dont les armées étaient vaincues dut abdiquer, mais sept mois plus tard, du fait du décès de son fils Louis, il dut revenir sur le trône d'Espagne et régna jusqu'en 1746.

Le curé de Lignol, Louis Croëzer, fut "admonesté" et condamné à verser trois livres pour les Pauvres de l'Hôpital de Guémené. Il continua à exercer son ministère dans sa paroisse, où il décéda en 1737.

Françoise-Louise de Guer, après sa triste expérience de l'abbaye de Rennes, épousa le 8 février 1722, le marquis de Piennes de la Meurdraquière.

Le duc et la duchesse du Maine, libérés, purent continuer les fêtes de Sceaux qui leur avaient tant facilité les complots ; la duchesse mourut âgée de 77 ans.

Le Régent décéda en 1723. Pour les rois la majorité était atteinte à dix sept ans, on l'abaissa à seize pour Louis XV.

Le duc de Bourbon devint Premier Ministre ; dès qu'il eut seize ans, Louis XV l'exila à Chantilly : il était devenu roi.

L'amnistie ne s'était pas étendue aux condamnés à mort : de Lambily et plusieurs émigrés moururent misérablement à l'étranger, mais leurs fils recouvrèrent leurs biens et plusieurs servirent dans les armées du roi de France, les fils de Lambily trouvèrent une mort glorieuse dans les guerres de Louis XV.

RETOUR A PONT-CALLEC

 

Les Archives départementales de Vannes possèdent les deux parchemins qui font de Bonne Louise Le Voyer et de Claude René de Guer les héritiers de Chrysogone Clément.

"Du 20è mars 1721*, de notre règne le sixième, Louis ... Dame Bonne Louise Le Voyer, Marquise de Pontcallec habilitée à la succession nobiliaire, échue de défunt notre aimé Chrysogone Clément, vivant marquis de Pontcallec son fils aîné, n'ayant pas eu connaissance de la succession, elle n'a pas osé se dire héritière pure et simple, craignant qu'il ne lui soit plus onéreux que profitable ... par grâce spéciale, lui permettons de prendre tous et chacun ses biens ... et de payer les dettes du défunt". Et le 14 juin, acte semblable en faveur de Claude René de Guer qui devient donc 4ème marquis après son frère.

L'inventaire décidé et "banni" par la sénéchaussée d'Hennebont fait état de 312 livres de bibliothèque et de 41 livres couverts de parchemin, les premiers étant "reliés en veau".

A la même époque, la famille de Guer fait procéder à d'autres inventaires dans les lieux où séjournait Chrysogone Clément, en particulier au Faouët, chez Louise de Perrignan, veuve du Sieur de la Ville-Pierre, qui conservait ses vêtements, des objets personnels, ... son plat à barbe.

Après avoir perdu son mari et son fils aîné, Bonne Louise Le Voyer est en proie à d'autres tracas provoqués par Claude René qui ne paraît pas préparé à ses responsabilités. La marquise ne perd pas de vue que les biens sont toujours sous saisie, et que nul ne peut en disposer. Or, Claude René brise des scellés, fait voler des vêtements par un domestique, vend quantité d'arbres. Elle en arrive à porter plainte près des juges royaux de la sénéchaussée d'Hennebont, "disant que c'est avec un déplaisir extrême qu'elle est obligée de vous porter si souvent ses plaintes contre les entreprises, voies de fait et violences de Messire Claude René de Guer, à présent marquis de Pont-Callec, son fils ... Mais le devoir attaché à sa qualité d'héritière bénéficiaire et d'économe de la succession du défunt marquis du Pont-Callec, la nécessité de conserver les effets pour l'intérêt des créanciers et ceux-mêmes de la suppliante, exigent d'elle qu'elle vous remontre que le Sieur marquis du Pont-Callec enlève par violence et voie de fait les biens de la succession". Suivent quatre pages d'énumération des exactions du nouveau marquis, en particulier l'abattage des arbres dans la forêt.

Claude René prend conscience de la situation financière liée à son titre.

Alors Bonne Louise Le Voyer quitte Pont-Callec pour se retirer dans son domaine familial où elle décède en 1725*, la même année que d'Artagnan de Montesquiou. Elle est inhumée en l'église paroissiale de la Haye-Pesnel.

Le quatrième marquis de Pont-Callec n'a pas laissé grandes traces dans l'Histoire. Son passé militaire nous échappe.

Après le procès que lui intenta sa mère, on le retrouve devant la Justice, en 1726*, contre Baptiste René du Botdéru, seigneur de Kerdrého ; le procès dura quatorze ans. Claude René de Guer prétendait percevoir le cens sur le moulin de Bécherel et les villages des environs.

Son adversaire put démontrer que sa bisayeule, Anne de Guer, avait hérité de ces biens, qu'elle les avait apportés à son mari Hiérosme du Botdéru, après le décès de Marie Papin en 1644, et le partage fait par Janne de Querméno, veuve d'Olivier de Guer. L'acte du 17 novembre 1644* et la généalogie produite amenèrent les Juges à débouter le marquis de ses prétentions.

Le procès nous vaut aussi un croquis des abords de Plouay en 1730, avec le moulin de Bécherel et la chapelle qui, en ruine à la Révolution, fut abattue.

La bénédiction d'une cloche à la chapelle Notre-Dame de Bécherel par les ancêtres du seigneur de Kerdreho montrait son bon droit puisque les chapelles avec les armoiries, les bancs des familles nobles, le caveau réservé à leur sépulture : l'enfeu, étaient marques de seigneurie, de prééminence.

Comme tous les seigneurs de son temps, Claude René de Guer déléguait la perception des "rentes" dues par ses tenanciers à des régisseurs ou intendants. Le revenu des terres était mis en adjudication lors d'enchères prononcées à "chandelle éteinte" devant des hommes de loi.

Dès 1737, Claude René, alors âgé de 52 ans, paraît un homme amoindri tant sa signature est tremblée. Son épouse, Roberte Angélique Le Veyer de Coatenez, obtint la séparation des biens en 1741. Le marquis décéda à Pont-Callec le 31 décembre 1744* ; de nouveaux inventaires furent dressés. Sa veuve exerça la tutelle des enfants mineurs et l'on peut suivre, à travers les actes, ses déplacements de Berné à Riec ou à la Haye-Pesnel.

LA JUSTICE

 

Les Cours de justice liées aux seigneuries ont fonctionné avec régularité jusqu'à la Révolution. La juridiction de Pont-Callec s'exerçait à Plouay ; ses archives contiennent 166 régistres et plus de 4200 pièces séparées. Les juridictions de Riec, du Hénant, de Kergunus s'exerçaient à Pont-Aven, les dépôts plus modestes qu'elles nous ont laissés sont tout aussi instructifs sur le fonctionnement de la justice aux XVIIè et XVIIIè siècles.

Le droit du seigneur qui apparaît dans ses titres se borne à nommer, ou à révoquer, les officiers de justice qui achètent leurs charges : ce sont eux qui reçoivent les plaintes, convoquent, écoutent les plaidoiries, rendent les sentences. A Plouay, quelques nobles régulièrement invités n'interviennent pas en cours d'audience.

A ce niveau les affaires sont simples : nominations des tuteurs, des curateurs, vérifications de leurs comptes, décrets de mariage et de majorité avant 25 ans, règlement de successions litigieuses, simple police, protection des femmes battues, désignation des "experts" dans les renables (état descriptif) des moulins ou dans l'estimation de biens sur les domaines congéables. Dans ce mode de location le fonds appartient au propriétaire foncier, noble ou roturier, les édifices et superfices (les récoltes) sont à l'exploitant ; son impopularité tient surtout à la crainte de ne pas voir renouveler un contrat, toujours précisé de 3, 6 ou 9 ans.

Les expulsions sont très rares ; les laboureurs préfèrent emprunter au denier vingt (5 %) plutôt que de perdre la source de leurs revenus. Les différences de fortune sont considérables non seulement entre les corps sociaux mais aussi entre laboureurs et certains deviennent de petits banquiers locaux. On fait beaucoup appel aux Notaires et l'on s'adresse facilement aux tribunaux, avec confiance.

Le plus humble peut faire appel à la Juridiction supérieure : la sénéchaussée royale, le terme lui étant réservé bien que chaque seigneur important ait son sénéchal. Les seigneurs y font juger leurs différends, à Hennebont, Quimperlé ou Concarneau. Au-dessus d'elles, jugeant les crimes et les affaires importantes, siègent les Présidiaux de Vannes, Quimper, Nantes et Rennes, créés par Henri II en 1551. Enfin, cour suprême : le Parlement de Bretagne, qui répercute les édits royaux.

Les registres des juridictions reproduisent les arrêts des procureurs généraux du roi, qui souvent statuent de leur propre chef, notamment "les Chalotais" qui interviennent avec la même énergie contre "les filles et veuves qui cèlent leur grossesse" contre "les nourrices qui vont au débit de boisson avec les nouveaux-nés" ; ils condamnent "les prêtres qui perçoivent les deniers pascaux" c'est à dire qui quêtent pendant la Semaine Sainte ; ils pourfendent les officiers de justice prévaricateurs et interdisent le commerce d'enfants abandonnés.

Les seigneurs comme le marquis de Pont-Callec et le prince de Rohan sont membres de droit de la sénéchaussée royale d'Hennebont ; ils se font représenter .

Les lettres patentes du roi sont lues par les sergents aux sorties des messes (lettres patentes : qui doivent être connues de tous, par opposition à lettres de cachet : qui doivent rester secrètes).

Les causes sont jugées humainement mais le sort des prisonniers est peu reluisant. A Pont-Aven "... Les prisons de cette ville sont si carantes de réparations qu'il n'y a pas moyen seulement d'y retenir un prisonnier au civil. Quand le temps est pluvieux, il y a même un danger évident pour eux, par le précipice qui se présente ... à la sortie de leur grabat, et à plus forte raison pour la rétention des criminels qui peuvent les escalader à tout moment". Registre d'audience - Riec - 5 décembre 1786*

 

LE DERNIER MARQUIS

 

Louis Joseph Armand Corentin de Guer continue la tradition militaire de sa famille, et après avoir été chef de brigade du corps de la gendarmerie du Dauphin, il devient officier supérieur de Cavalerie Légère et de Dragons, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis. Il laisse à ses régisseurs le soin des fermages et autres revenus seigneuriaux ; à Plouay, c'est Paul Olivier Le Corre, fils du sénéchal de la juridiction de Pont-Callec, qui occupe cette fonction, à Riec, c'est Charles Célestin Le Frotter-Dangecour. Tous deux sont hommes de loi.

Attentif comme ses prédécesseurs à ses titres héréditaires, il récapitule en 1758* l'ensemble des terres dont il reste le "seigneur primitif" et dominant, dans les juridictions de Kergunus, de la Porte-Neuve où il détient toujours les droits de justice et peut nommer des sénéchaux.

En 1769* il est "gouverneur et commandant pour le roi des villes de Limoges, capitale du Limousin, ainsi que des villes de Quimperlé, Pont-Aven, Hennebont, Pont-Scorff, Malestroit et Guer, en Bretagne".

Pour cerner sa personnalité, il nous faudra évoquer les personnages à qui il a, depuis sa jeunesse, accordé sa confiance, ceux qui l'ont représenté sur ses terres, et aussi recourir aux Archives de la Noé qui conservent des pièces personnelles du marquis. Par celles-ci, nous savons qu'il vivait à Paris et qu'il était très lié avec la famille de Bruc. Il n'avait pas remplacé une fiancée décédée à Nantes.

Si Roberte Angélique Le Veyer a élevé le 5ème marquis, ce dernier a lui-même choisi son curateur, celui qui devait le guider dans la gestion de ses biens dès 1756* : Louis René de Caradeuc, Procureur Général du Roi au Parlement de Bretagne, resté dans l'Histoire sous le nom de sa propre seigneurie : La Chalotais.

Grâce à son habileté, alors qu'il n'était qu'avocat, il a pu faire reculer l'échéance d'un règlement définitif de la toujours présente saisie des biens. Ami de Voltaire, des Encyclopédistes, en particulier Diderot et d'Alembert, il s'opposa aux Jésuites et provoqua la suppression de cet ordre dans notre province par arrêt du Parlement. Son fils lui succéda en 1763 mais La Chalotais, par privilège exceptionnel, put continuer ses fonctions.

La fermeté des deux procureurs généraux à défendre les franchises et droits de la province bretonne contre la Cour Royale leur a valu l'admiration des uns, le courroux des autres, la vindicte de Louis XV.

En 1764, la taxe dite des "deux sols par livre" apparaissait, les Etats de Bretagne s'y opposaient aussitôt et la Chambre compétente du Parlement en interdisait la perception. Mais l'arrêt fut cassé et la plupart des magistrats démissionnèrent. Ceux qui restèrent - surnommés les Ifs ou J... F... - tentèrent de faire fonctionner un embryon de Parlement sous l'autorité du duc d'Aiguillon.

Pour avoir été à la tête des opposants, La Chalotais et son fils furent emprisonnés au château de Taureau, dans la baie de Morlaix, en novembre 1765, puis au château de Saint-Malo, aux Cordeliers de Nantes, enfin à la Bastille. Louis XVI arrivé au pouvoir rendit la faveur royale à La Chalotais et érigea la terre de Caradeuc en marquisat, l'an 1776.

 

III - LA REVOLUTION

 

Louis XVI, confronté à une situation financière catastrophique avait fait inscrire d'autorité, le 17 novembre 1787, l'édit qui permettait le lancement d'un emprunt de 420 millions de livres. Le Parlement de Paris déclara l'édit illégal et nul ; les autres parlements le soutinrent ; le roi et son "ministre principal" Loménie de Brienne doivent briser cette résistance ou avouer la banqueroute. Ils élaborent donc une réforme de l'administration judiciaire qui enlèverait aux Parlements le droit d'enregistrer les actes royaux, donc de s'y opposer.

En Bretagne, le comte de Thiard, nouveau chef des armées et l'intendant Bertrand de Molleville, sont chargés de faire connaître le désir de Sa Majesté ; leur entrée au Palais de Rennes, le 10 mai 1788, est précédée d'un grand mouvement de troupes. L'hostilité à la réforme est générale : elle viole les prérogatives de la province ; l'agitation s'amplifie, on évite de peu les bains de sang.

Après les sévères réactions de Louis XVI face aux présidents des Parlements qu'il avait convoqués, un mémoire est rédigé le 5 juillet, puis imprimé avec les noms de 1429 nobles signataires. "Nous soussignés, membres de la noblesse de Bretagne, déclarons infâmes ceux qui pourraient accepter quelques places, soit dans l'administration nouvelle de la Justice, soit dans les administrations de l'Etat qui ne seraient pas avouées par les lois constitutionnelles de la Province".

Une délégation de douze membres vient présenter cet ultime "recours au Roi" ; parmi eux, un des plus farouches opposants : le chevalier de Guer. Il s'agit ici de Julien Hyacinthe de Marnière de Guer, sans lien de parenté avec les marquis de Pont-Callec, et dont les ancêtres avaient acquis la terre de Guer.

Les douze députés avaient organisé une réunion à l'hôtel d'Espagne, le 12 juillet, rue Richelieu à Paris. Parmi les 50 présents, nobles résidant dans la capitale ou y séjournant, figuraient : Louis Armand de Guer Malestroit, marquis de Pont-Callec, le duc de Chabot, le duc de Rohan, Choiseul, duc de Coislin, et ... le marquis de La Fayette ; leurs signatures s'ajoutaient aux précédentes.

Mais Louis XVI refusa de recevoir la délégation qu'il estimait illicite et fit enfermer les douze gentilshommes bretons à la Bastille dans la nuit du 14 au 15 juillet. Le premier soin des emprisonnés fut de faire réparer les lits vétustes, tables et chaises bancales qu'ils trouvèrent dans leurs cellules puis, craignant une longue détention, ils obtinrent du gouverneur de la Bastille la livraison de 240 bouteilles de Bordeaux.

Le marquis René de Marnière de Guer, président à mortier au Parlement de Rennes et l'abbé de Becdelièvre furent autorisés à voir leurs frères respectifs "une fois seulement". Les prisonniers furent ensuite autorisés à s'assurer des services d'un domestique chacun, à condition que les domestiques ne communiquent pas entre eux et ne sortent pas de la Bastille (1788*).

Les réactions s'amplifièrent en Bretagne. Prélats et prêtres, corporations et communautés de ville protestèrent ; Concarneau et Hennebont furent parmi les premières à faire entendre leurs voix ; la Communauté de Lorient se prononça le 24 juillet, suivie de celles de La Roche-Bernard, Pontivy, Brest, Guérande, Le Croisic. Des sénéchaux apportèrent leur contribution, notamment Joly de Rosgrand qui lança un cri d'alarme aux dirigeants. Devant la paralysie qui gagnait le pays, le roi signa la convocation des Etats Généraux, prévue le 5 mai 1789 et rappela Necker. Ce dernier libéra les gentilshommes bretons le 15 septembre. Le rétablissement du Parlement suspendu par Louis XVI consacrait la victoire des opposants à la réforme de l'administration judiciaire, l'autorité royale se trouvait fortement ébranlée.

Dans "les origines de la Révolution en Bretagne", Barthélémy Pocquet souligne la responsabilité du Chevalier de Guer "esprit délié, intelligent, mais fougueux et emporté" et montre la tournure nouvelle des évènements du fait des divergences croissantes entre les classes sociales.

L'unanimité de 1788 ne résiste pas à l'opposition profonde qui anime la Noblesse et le Tiers-Etat. Monsieur de Guer défend les privilèges dans ses Lettres au peuple de Rennes : "... l'ancienne noblesse les a achetés de son sang, et la "noblesse moins pure" les a payés d'une partie de sa fortune".

Le 8 janvier 1789, le Tiers qui veut des réformes profondes refuse de délibérer tant qu'on n'aurait pas statué sur ses revendications. Au cours de la séance, le chevalier de Guer s'exclama : "Est-il un gentilhomme qui voulût s'associer à une administration élevée par d'odieuses manoeuvres sur les ruines de notre ancienne constitution ? Non ! liés par l'honneur, liés par le serment de nos ancêtres, par les nôtres, à défendre la patrie, ses droits et ses libertés jusqu'à la dernière goutte de notre sang, nous ne pouvons que renouveler ici ce serment solennel".

Les nobles, debouts, prononcèrent alors le serment " ... de ne jamais consentir à aucun changement dans la constitution de la province, de ne participer à aucune assemblée, aucune administration, par laquelle on voudrait remplacer les Etats". Le Tiers accueillit avec la plus grande froideur le serment des nobles et la déclaration du chevalier de Guer qui l'exhortait à se prononcer dans le même sens. Le comte de Thiard écrivit à Necker , en parlant de Messieurs de Guer et de Trémorgat : "Ce sont eux seuls qui mènent leur ordre".

Dans les brochures et imprimés qui foisonnaient alors, le Tiers-Etats attaqua à son tour : "Vous défendez la Constitution, mais qu'appelez-vous la Constitution ? Ce sont vos intérêts personnels . Dans le vrai, nous n'avons plus en France que deux ordres : l'un composé de ceux qui jouissent sans travailler, l'autre de ceux qui travaillent sans jouir".

Le 17 avril, parce que les Ordres n'étaient pas réunis et en accord avec le sens de leur serment, les nobles décidèrent de ne pas nommer de députés aux Etats-Généraux. Le haut-clergé se rallia à cette prise de position.

Les lettres de l'Intendant au roi, et celles de Monsieur de Thiard à Necker, sont concordantes : il n'y eut pas de vote, c'est vraisemblablement une minorité turbulente qui emporta la décision "les hurlements ont étouffé la raison". Ce fut la dernière réunion des Etats de Bretagne. Les nobles rentrèrent chez eux "l'émigration au dedans préparait l'émigration au dehors" selon la formule de René Kerviler.

Si la noblesse, en tant qu'ordre privilégié, s'abstenait de toute intervention, nombre de ses membres épousaient les idées nouvelles propagées par les Encyclopédistes, et dont les loges maçonniques, largement développées en Bretagne, assuraient le relais.

On sait le vaste mouvement que la préparation des Etats Généraux allait déclencher et l'intérêt des actes préliminaires connus sous le nom de Cahiers de doléances.

La bourgeoisie et le clergé paroissial participèrent activement à leur rédaction, notamment en Basse-Bretagne où la majorité des humbles gens ne savait encore ni lire ni écrire. Des allusions historiques et juridiques étrangères aux connaissances des simples travailleurs des villes et des champs, prouvent l'intervention d'hommes de loi qui avaient préalablement discuté des besoins du peuple auquel ils étaient liés par leur action quotidienne.

A Guern, on réclamait "... qu'il soit désormais permis indistinctement et sans restriction, à tous les citoyens d'acquérir et de posséder des terres nobles, sans payer le droit de franc-fief ni aucun autre, justice également avantageuse aux possesseurs de ces biens et que le roi de Suède vient d'accorder à ses sujets, dans l'Assemblée de la Diète du 21 Février".

Les habitants de Nizon déclaraient : "que de tous les bienfaits que Sa Majesté pourrait leur faire, le plus grand, pour eux serait l'abolition entière du domaine congéable, régime aussi injuste que barbare et sous l'empire duquel ils gémissent encore quoique par son édit du mois d'octobre 1556 (en)registré au Parlement de Bretagne le 17 décembre suivant, le roi Henri II en eût ordonné l'abolition absolue dans ses domaines".

L'influence du clergé local est apparente dans les cahiers de Riec qui, dans leur 7ème point, prévoyaient "que tous les cabarets existant tant sur la voie publique que dans les villages détournés qui occasionnent beaucoup de vols et d'assassinats, seront supprimés, avec défense d'en établir que dans les bourgs et villes, dont le débit ne sera accordé qu'à des gens sages dont la probité sera certifiée par les recteurs et douze délibérants des paroisses".

Les cahiers de doléance des paroisses qui composaient la juridiction de Pont-Callec n'ont pas été retrouvés, mais ceux de la sénéchaussée royale d'Hennebont en sont une synthèse riche élaborée par les députés de Plouay à Lorient, de Guémené à Port-Louis. Ils sont parmi les rares cahiers où soit exprimée la revendication du développement de l'instruction par la création d'écoles dans les bourgs. Les réformes proposées comprennent 182 articles dont bon nombre constituent une dénonciation des charges seigneuriales sur les fermiers. Le dernier article est significatif des dispositions d'esprit des rédacteurs signataires : "Nous, privilégiés qui avons concouru en la présente assemblée, déclarons renoncer à tout privilège personnel et nous soumettre à fournir en argent pour tous impôts et corvées indépendamment de toutes exceptions quelconques. Hennebont 21 avril 1789*".

Parmi ceux qui ont rédigé le texte se trouve un ancien sénéchal du marquis : Le Corroler du Moustoir. Né à Quimperlé le 2 avril 1742, ce magistrat était avocat de formation. En 1772, il obtenait des "lettres de provision" signées par Louis Joseph Armand de Guer Malestroit, qui lui permettaient d'exercer à partir de septembre 1773 la fonction de sénéchal de Riec, la Porte-Neuve, Kergunus et Kerrichard. Puis il achetait la charge de procureur royal au siège d'Hennebont et y était nommé par Louis XVI, le 4 mai 1774 à la faveur du décès du possesseur du titre.

Il appartenait à la loge maçonnique l'"Union du Grand Orient" qui, en 1786, comprenait 136 adhérents. Il y rencontrait le sénéchal de la Roche Moisan : Kerléro de Rosbo et les principales notabilités de Lorient, de la Marine royale, de la Compagnie des Indes, comme les amiraux Villaret de Joyeuse, Gantheaume, Thévenard, qui allait devenir ministre de la Marine en 1791, et les futurs maires de Lorient ou député : Esnoul-Deschateles, de Monistrol, la Ville-Leroux.

Il est intéressant de rapprocher cette appartenance à la loge de l'ancien sénéchal des présomptions de Monsieur de Malestroit de Bruc qui écrit au sujet du marquis : "Philosophe, fédéraliste, probablement franc-maçon, il est en même temps profondément tourné vers le passé, celtisant : dans ses dispositions testamentaires en faveur du jeune Bruc, n'entendra-t-il pas lui faire apprendre le celte". Il n'est guère douteux que les deux hommes soient restés en relation puisque Corroller du Moustoir communiquait l'adresse parisienne du marquis à Joly de Rosgrand.

Elu député du Tiers aux Etats Généraux d'avril 1789, Corroller du Moustoir fut des plus actifs et prit part à la rédaction de la Déclaration des Droits de l'Homme. En janvier 1790, il proposait sans succès que les décrets de l'Assemblée soient traduits en bas-breton.

Au moment où Louis XVI était ramené de Varennes, il l'apostropha aux Tuileries : "N'avez-vous pas fait là une belle équipée ? Vous êtes bon, vous êtes aimé, mais voyez quelle affaire vous avez là !".

René Kerviler, lui qui a abandonné la particule, peut se montrer sévère à l'égard de Corroller ; il lui reproche d'avoir annexé les armoiries des Corroller de Kerdenot et de Coëtlez, famille à laquelle il n'appartenait pas et surtout d'avoir demandé à Carrier la description des bateaux destinés aux noyades. Un commencement de construction aurait été amorcé dans un chantier de Kernével (?).

Un autre collaborateur du marquis, Me Paul Olivier Le Corre, fils de sénéchal, et devenu son procureur, s'engagea aussi hardiment dans la Révolution. Elu maire de Plouay, il fut chassé par les Chouans en 1791 et se réfugia à Quimperlé. Il devint maire de cette ville de 1796 à 1806, et y décéda en 1814.

Il serait abusif de prétendre que le dernier marquis de Pont-Callec ait suivi l'évolution politique de ceux qui l'avaient servi. Cependant, un arrêt du Conseil d'Etat du roi, daté du 6 octobre 1787, et reproduit dans les registres de la juridiction de Pont-Callec, fait soupçonner son indépendance d'esprit, sa liberté de langage et même sa réticence à l'égard du pouvoir central.

En 1785, sollicité par les descendants des créanciers "le roi en son conseil ... avait ordonné que le prix qui proviendrait de la terre et baronnie de la Haye-Pesnel, mises en vente par le seigneur marquis de Pont-Callec, serait mis aux mains de Maître Le Jeune, notaire à Paris, pour être employé au paiement des créanciers".

Paul Olivier Le Corre et Catala - un négociant de Concarneau - avaient été nommés d'office régisseurs des terres et revenus "saisis réellement sur les auteurs du marquis". Le délai d'un an donné par Louis XVI n'ayant pas été respecté, le marquis fut frappé d'une amende de 10 000 livres. L'arrêt d'octobre 1787* ordonnait la "suppression et radiation du mémoire du marquis de Pont-Callec commençant par ces mots "le marquis de Pont-Callec jaloux de conserver le patrimoine de ses ayeux ..." comme contenant à chaque page des principes attentatoires à l'autorité royale et des allégations injurieuses et calomnieuses contre les suppliants, leurs défenseurs, même contre les tribunaux ..". et proposait de " ... le condamner à une nouvelle amende qu'il plaira à Sa Majesté d'arbitrer". Pour autant, la bataille de procédure entre avocats n'allait pas s'arrêter là ! On a vu par ailleurs l'appui apporté par le marquis au mouvement des nobles bretons en juillet 1788, en même temps que La Fayette, royaliste libéral notoire.

 

LE NOUVEAU REGIME

 

La nuit du 4 août 1789 consacra la fin de l'ancien régime. Mû par des sentiments généreux, le vicomte de Noailles demanda le premier "la répartition de toutes les charges en proportion du revenu, le rachat des droits féodaux, l'abolition des corvées seigneuriales et servitudes personnelles". Le duc d'Aiguillon-Vignerot le soutint et le député de Landivisiau, Leguen de Kérangal, vainquit les hésitations. Le Chapelier, avocat au Parlement de Rennes avait présidé la séance. Il eut un rôle aussi important en janvier et février 1790 quand, après l'abolition des privilèges des particuliers, on passa à l'abolition des privilèges des provinces : "La Bretagne avait des franchises, nous les avons soutenues, chéries, défendues, tant que les Français ont été endormis sous les chaînes du despotisme ; nous espérions qu'un jour ils secouraient avec indignation un joug aussi odieux ... nos espérances sont remplies ... Quand le peuple abandonne ses privilèges est-ce aux parlements à les réclamer ? C'est à la fois insulter à la raison et fronder le voeu du peuple que de demander une assemblée des anciens Etats de Bretagne. A-t-on donc cru que nous ne dirions pas ce que c'est que ces Etats ? ... Imaginez ce que les abus ont de plus odieux, l'aristocratie de plus absurde, la féodalité de plus barbare, le veto de plus tyrannique et vous aurez une idée de l'assemblée à laquelle on veut confier le droit de juger les institutions immuables qui doivent faire le bonheur de tous. Vous avez détruit les ordres, proscrit les vetos, nous avons coopéré à une Constitution, et nous n'en jourions pas et ces nobles diraient veto sur la félicité publique ! une telle demande est scandaleuse et coupable ...".

La Révolution avait été d'abord bien accueillie dans nos régions. Les seigneurs qu'on ne voyait que lorsqu'ils n'étaient pas puissants, qui ne protégeaient plus le peuple des campagnes, qui n'avaient aucun rôle administratif et ne rendaient plus la justice, apparaissaient sous le seul visage que l'évolution du royaume leur avait laissé depuis la féodalité : des bénéficiaires des collectes d'impôts, de redevances et de corvées dont on avait oublié l'origine.

Les choses se gâtèrent quand l'Assemblée Nationale demanda aux prêtres le serment de fidélité et s'introduisit dans le dogme et les structures de l'Eglise en prévoyant l'élection des évêques. L'église romaine ne pouvait l'accepter ; quand le Pape condamna la Constitution civile du clergé, la plus grande partie des prêtres du Morbihan et du Finistère le suivirent, prélude à l'insurrection des campagnes.

Le marquis de Pont-Callec fut arrêté à Paris, on l'avait confondu avec un émigré. Interrogé, il rappela opportunément les condamnations qu'il avait encourues, la rebellion de 1719, restée dans les mémoires, la mort de Chrysogone Clément, le "bataillon de la Liberté" que celui-ci avait voulu créer. Ces nouvelles lettres de noblesse lui valurent de ne pas être inquiété davantage.

La déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen posait en principe, dans son article XVII "les propriétés étant un droit inviolable et sacré nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité". En conséquence, le marquis restait propriétaire d'immenses richesses foncières. Seuls les biens des émigrés furent saisis - provisoirement pour certains - ainsi que ceux du clergé et vendus comme biens nationaux.

Louis Joseph Armand Corentin de Guer voyant approcher le terme de sa vie, dépourvu de descendance, décida d'adopter son filleul : Armand Auguste Corentin de Bruc de Montplaisir, et d'en faire son unique héritier. Il y mettait une condition : Armand deBruc devrait faire précéder son nom de celui de Malestroit. D'une part, Bruc et Malestroit ont en commun l'origine bretonne, et une parenté qui remonte au XVème siècle, d'autre part "... l'adoption Malestroit de Bruc renouvelle, avec une toute bretonne tenacité, une grande tradition de famille des Malestroit datant du Moyen-Age. Menacée d'extinction, cette race se fond en une autre à qui elle laisse ses biens et qui reprend de Malestroit en écartelant ses armes avec les siennes" (Jean de Malestroit deBruc - ouvrage cité).

En effet, Hervé de Châteaugiron Malestroit, premier seigneur de ce nom à Pont-Callec, avait comme ses frères consanguins hérité du nom de la première épouse de son père : Jeanne de Malestroit, alors que sa mère était Jeanne de Dol, troisième épouse de Jean de Châteaugiron.

Le 2 Thermidor de l'An IV*, le vieux marquis renouvelait l'adoption décidée deux ans avant, à la faveur d'une loi révolutionnaire qui transformait le droit et permettait à un célibataire de passer outre les intérêts des collatéraux. Depuis plus de 20 années, le dernier marquis de Pont-Callec ajoutait Malestroit à ses titres et signature ; il décédait le 7 Brumaire de l'An VI* (28 octobre 1797), laissant à son fils adoptif ses biens et un nom chargé d'histoire, symbolique d'une gloire née au temps des ducs.

Les héritiers potentiels du marquis, descendants de Françoise-Louise de Guer et du marquis de Piennes, eurent beau protester et s'adresser aux tribunaux, ces derniers firent droit à l'adoption et donc à l'héritage considérable - sans doute supérieur à 900 000 livres - qui en découlait.

En 1795, les émigrés engagés par les Anglais dans une expédition aventureuse, avaient été défaits à Quiberon par l'armée de Lazare Hoche ; en dépit du souci de clémence de ce chef, les représailles furent sévères.

Les Républicains avaient tenu garnison à Pont-Callec, on leur attribue l'incendie par imprudence du château qui fut détruit en 1796. Ceux du Hénant, du Poulguin, de la Porte-Neuve furent épargnés.

Les créanciers des de Guer ont traversé la Révolution et l'Empire avec des fortunes diverses, mais l'affaire de la saisie des biens a toujours resurgi. Ce n'est qu'en 1811* qu'elle a été définitivement réglée, sous le Consulat, après intervention de Cambacérès. Beaucoup de créanciers avaient perdu la question de vue quand l'émigration et la Révolution ne leur avaient pas coûté la vie. Les Malestroit de Bruc dédommagèrent ceux qui avaient encore quelques créances.

Après la disparition des de Guer, les Botdéru de Kerdreho et les Pluvié de Ménéhouarn restèrent les personnalités dominantes de la région et donnèrent plusieurs Maires à Plouay. Neveu du fameux "Chevalier de Guer", le marquis Armand de Marnière de Guer, ancien émigré et officier de l'Armée des Princes, fut nommé Préfet du Morbihan en 1816 par Louis XVIII. Son dossier précise : "a fait la campagne de 1793. Rentré en 1795. A fait la guerre en Bretagne". En 1818, il fut remplacé par le comte de Chazelles. Le marquis de Marnière de Guer était héritier par sa mère, Louise de Cosnoal de Saint-Georges, du manoir et des terres de Kermérien et propriétaire à Hennebont ; il fut élu en 1822 conseiller général de l'arrondissement de Lorient.

Corroller du Moustoir fut nommé commissaire des Iles du Vent (les Antilles) en 1792 et, après la chute de Robespierre, il devint président du Tribunal du district de Lorient. Il se retira à Vannes en l'an XI, près de l'un de ses fils qui avait été aide de camp de Barras. Dans la correspondance échangée avec Joly de Rosgrand, tous deux se disaient "jurisconsultes". Il décéda à Vannes le 7 décembre 1807.

L'ancien sénéchal de la Roche-Moysan fut commissaire auditeur de la Marine et décéda à Lorient le 10 mars 1806*.

Le Frotter-Dangecourt, régisseur, qui vécut longtemps au château de la Porte-Neuve, se porta acquéreur de deux chapelles, Notre-Dame des Grâces et Saint-Léger, quand les onze chapelles de Riec furent vendues comme biens nationaux. Il reprit une étude de notaire et fut élu maire en 1801. Son frère, greffier de justice à Pont-Aven, lui succéda en 1805 ; deux ans après il prenait la particule, devenait Le Frotter de Villemoro et restait maire de Riec, vingt ans encore.

Pont-Callec et la Porte-Neuve sont les exemples locaux du remplacement d'une classe dirigeante par une autre. En 1499, une ordonnance royale avait ordonné aux baillis et sénéchaux qui n'avaient pas fait l'étude des lois de s'adjoindre "un gradué en loi" ; peu à peu dans tout le royaume ces "gradués en loi" supplantèrent les seigneurs qui n'apparaissaient dans les Cours de justice que comme plaignants ou accusés, parfois observateurs sans pouvoir.

Les rapports privilégiés des juristes avec les vassaux, leurs connaissances, devaient faciliter leur adaptation ; leurs compétences et leurs convictions les conduisaient naturellement à exercer les fonctions publiques du Nouveau Régime à l'émergence duquel ils avaient contribué.

Le jugement de M. de Malbonnay en 1719 était prémonitoire.

Après avoir servi Napoléon puis Louis XVIII, Armand de Malestroit de Bruc termina sa carrière comme colonel en 1825, année où il vendit le domaine de Pont-Callec à la "Société des Hauts Fourneaux de Pont-Callec et mines de houille de Quimper". Cette vente lui permit de reconstruire son château familial, démoli par la guerre de Vendée, à la Noë de Bel-Air, en Vallet. La mainlevée définitive dans l'affaire de la saisie des biens n'avait été prononcée qu'en 1811, et après remboursement des dernières créances. Lui-même, sans enfant de Josephine Blanche de Cossé-Brissac, légua son nom à son neveu René. C'est grâce à l'un de ses descendants que le Service départemental des Archives du Morbinan, en 1988, a été mis en possession du document photocopié relatif à l'érection de la terre et seigneurie de Pont-Callec en marquisat.

Les derniers châtelains de Pont-Callec furent Emmanuel de Brissac, beau-frère d'Armand de Malestroit de Bruc - c'est lui qui fit construire en 1882 le château actuel - puis le duc de Lorge, un descendant de Guy Aldonce de Durfort, maréchal de France fait duc en 1691. Les Méhérenc de Saint-Pierre continuèrent à assurer la gestion de leurs biens.

Dans le Finistère, le château et tout le domaine de la Porte-Neuve furent vendus par l'héritier du marquis le 3 décembre 1834 aux frères Arnaud, gros armateurs de Nantes. Leur unique héritière épousa Anatole de Brémond d'Ars, sous-préfet de Quimperlé, dont le sang-froid avait permis d'éviter la catastrophe lors de l'écroulement du clocher de St-Croix, en janvier 1859, sur l'église pleine de fidèles. On lui doit d'avoir préservé les actes anciens trouvés au château de Riec ; l'un d'eux relatif aux Morillon datait de 1298*.

Il publia dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère le jugement prononcé par la Cour Royale de Quimperlé en octobre 1494*, confirmé l'année suivante, et qui partageait en deux parties égales, de l'est à l'ouest, l'église paroissiale de Moëlan.

Yvon de Guer s'était opposé à Marguerite de Hirgarz qui avait fait entourer l'église d'une bannière aux armes de Kermoguer, celles de son défunt mari. Chacune des parties put affirmer ses prééminences et disposer d'un enfeu dans la moitié de l'église qui lui était attribuée. Le Procureur était alors Guillaume de Pluvié.

Brémond d'Ars fouilla le terrain près de la première fontaine Saint-Léger, dans le parc, et découvrit les vestiges d'une importante villa gallo-romaine dévastée par le feu. En face, de l'autre côté du Belon, aboutissait une voie, venant de Moëlan, très probablement romaine. Il y avait donc eu un passage face à la villa gallo-romaine.

Bremond d'Ars et Régis de l'Estourbeillon découvrirent des poteries et formèrent l'hypothèse de la déformation du nom du nouveau passage, Pors Nevez francisé en Port-Neuf, et son dérivé : Porte-Neuve.

 

IV - LENTEUR DE L'HISTOIRE

 

Certes, l'abolition du domaine congéable avait été prononcée par Henri II en 1556, mais le Parlement de Bretagne avait donné une interprétation singulièrement restrictive à l'édit royal, et l'avait en fait maintenu en limitant son application "quant aux terres appartenant au dit Seigneur Roi, baillées à domaine congéable seulement".

Une auteur comme Léon Dubreuil donne à son étude un titre évocateur "Vicissitudes du domaine congéable en Basse-Bretagne, à l'époque de la Révolution". En effet, il disparaît avec les "usements féodaux", puis est rétabli le 9 Brumaire de l'an VI, dans les conditions de réciprocité du contrat, fixées par la loi de 1791. Les avis étaient alors partagés à son sujet :Corroller du Moustoir en fut un adversaire acharné, Joly de Rosgrand en fut partisan avec des aménagements. Les intérêts du propriétaire foncier et ceux de l'exploitant sont devenus inconciliables, mais c'est l'évolution économique qui éliminera lentement ce mode de contrat que certains font remonter au Vème siècle.

En 1831*, le comte Frédéric de Bruc donna pouvoir à M. Henri Laudrain, directeur des Hauts Fourneaux et Forges de Pont-Callec de vendre les domaines congéables dépendant de la terre de Pont-Callec, car la société commençait à péricliter. En 1841, le comte de Brissac devenu propriétaire renouvela l'opération.

Dans la Basse Bretagne, la survivance du domaine congéable est constatée jusqu'au XXème siècle et il faut attendre la proposition de loi déposée par Louis Le Rouzic, député du Morbihan, ancien directeur de l'Ecole Nationale d'Agriculture de Rennes, et votée par la Chambre le 29 mai 1913, pour le voir condamné.

Le petit fils de Brémond d'Ars vendit le château de la Porte-Neuve au sieur Henriquet en 1924, et les terres et métairies de l'ancienne seigneurie à ceux qui purent les racheter.

L'exode rural s'était alors largement développé.

LE RETOUR DE LA VIOLENCE : 1939 - 1945

Parmi les compagnons d'armes de Guillaume de Guer et d'Alain de Rohan "le compte du trésorier des guerres du Roi" établi en juillet 1383* faisait apparaître Philibert de La Perrière. La branche protestante de la famille de La Perrière trouva refuge en Prusse.

Le rattachement au passé peut resurgir à tout moment, même s'il est invoqué à tort : fin juin 1940, l'amiral allemand Lothar Arnauld de la Perière, trompé par une homonymie de lieux, invita ses compatriotes à Lorient à saluer "la terre de ses ancêtres" qui pour lui devenait définitivement allemande. Après quoi il conduisit l'amiral Doenitz sur le site de Kéroman La Perrière qui allait devenir la base principale des sous-marins sur le front atlantique.

Le château de Pont-Callec fut aussitôt occupé par les troupes de la Wehrmacht dont le capitaine prit l'initiative de démobiliser les militaires français qui avaient pu revenir au pays ; quand il reçut de Berlin l'ordre de considérer les soldats coupés de leurs unités comme prisonniers de guerre, il informa le régisseur du domaine qu'on devait désormais éviter de se présenter devant lui.

Le duc de Lorge qui avait déjà combattu en 1914-1918 fut libéré à ce titre avec d'autres prisonniers, mais il se tint éloigné de lieux devenus inhospitaliers. Il confia à Jean Cléren, son garde-régisseur, le soin de sauvegarder ce qui pouvait l'être dans le château, le parc, la forêt.

Capitaine en tête, la troupe allemande partit pour le front russe et fut remplacée par les ingénieurs, contremaîtres et ouvriers de l'organisation Todt qui dirigea les constructions de la base sous-marine puis du "mur de l'Atlantique". Faute d'avoir détruit les abris et ateliers des sous-marins quand leur édification les rendait vulnérables les Alliés tentèrent d'en neutraliser le fonctionnement et se résolurent à détruire la ville de Lorient par bombes incendiaires et explosives, sans avantage stratégique décisif. La victoire sur les sous-marins ne fut obtenue que là où l'on se battait : en mer, grâce à une technologie supérieure de la détection. Les marins de la Kriegsmarine trouvèrent refuge à Pont-Callec et s'entraînèrent dans les baraquements aménagés en école de guerre navale.

Jean Cléren circulait beaucoup en s'abritant derrière ses fonctions ; il renseigna la Résistance qui s'organisait et se développait partout. Les occupants du château ne soupçonnèrent jamais qu'à peu de distance, au milieu de la forêt, abrité dans une caravane cachée par les ronces, le chef des Francs-Tireurs et Partisans de l'ouest du Morbihan, "Pierre" = Roger Le Hyaric, s'était arrêté et reposé quelques jours au début du mois de mai. Le garde-forestier du duc de Lorge, Louis Guyovick, l'y avait conduit puis nourri et tenu informé des nouvelles émises par la radio de Londres ; "Pierre" allait devenir chef départemental.

Le 29 mai 1944, les Allemands profitèrent du pardon de Sainte-Anne-des-Bois pour opérer une rafle ; de nombreux jeunes gens réfractaires au Service du Travail Obligatoire (le S.T.O.), furent arrêtés ; plusieurs ne revinrent jamais.

A la même époque, le colonel de la garnison du Faouët demanda aux "maquisards", par l'intermédiaire du curé de Berné convoqué à cet effet, d'observer l'inaction, dans une sorte de coexistence attentiste (... qui n'aurait pu être passive de sa part sans trahison). Les groupements qui n'avaient pas choisi la guérilla comme forme de résistance continuèrent d'ailleurs à subir les arrestations et déportations le plus souvent sans retour.

Après le débarquement du 6 juin, les Patriotes, malgré la légèreté de leur armement, multiplièrent les opérations de sabotage des lignes téléphoniques et des voies ferrées. Leur pression avait déjà maintenu sur place des troupes restées éloignées du combat principal. Mais le tribut payé à la guerre fut lourd !

Le 6 juillet, Jean Cléren découvrit sous une faible couche de terre remuée, les corps de civils fusillés, à Lann-Dordu, au nord-est de Pont-Callec. Il se rendit à la Kommandantur du Faouët accompagné de deux instituteurs de Kernascléden : "Notre démarche déclencha la fureur, les injures, les menaces, il nous fut interdit de toucher à quoi que ce soit".

A la mi-juillet, un parachutage, en partie dirigé vers la forêt, provoqua son encerclement, la mise à feu des cabanes de sabotiers et de charbonniers, l'arrestation des deux gardes sommés de rechercher les armes que les Allemands furieux ne trouvèrent pas ; dépités, ils les enfermèrent au Faouët. Louis Guyovick, transféré dans la sinistre prison de Guémené ne révéla rien et fut libéré grâce aux énergiques prostestations de femmes venues en délégation à la Kommandantur du Faouët.

Jean Cléren dut son salut à l'arrivée des soldats américains. On put alors exhumer les victimes du 6 juillet, il y en avait 17 dont 5 n'ont pas été identifiées. En juillet 1991, une religieuse vint trouver l'ancien régisseur, alors solide octogénaire, et lui exposa qu'elle ne voulait pas que les circonstances du drame soient oubliées ; petite fille, elle avait assisté, cachée à l'arrivée des camions allemands, à Ty-Jaouen. Son père, le fermier, fut particulièrement malmené. Les civils entravés portaient des pioches et pelles ; on imagine le reste, leurs gardiens les avaient obligés à creuser leur fosse avant de les exécuter.

Le monument de Lann-Dordu, sur la route de Kernascléden au Faouët, rappelle leur sacrifice ; il porte les noms de trois autres Résistants tués en combattant, à peu de distance de la Croix des Nations là où, en 1795, les Chouans avaient tendu une embuscade aux Bleus.

Sentant la défaite imminente, les civils étrangers avaient fait connaître leur désir de reddition. Peu disposés à s'encombrer de la sorte les Patriotes préfèrèrent s'emparer des militaires qui voulaient rejoindre Lorient. Ceux de la Kriegsmarine échappèrent à un mitraillage par avion survenu après le rassemblement qui préludait à leur départ.

Quand les Résistants délogèrent les derniers occupants, ils trouvèrent d'énormes quantités de vins et d'alcool qu'on n'avait pas eu le temps d'emporter dans ce qui devenait "la poche de Lorient".

Les états-majors de la Kriegsmarine avaient choisi le château de Bothané, près de Carnoët, et celui de Kerdrého, en Plouay. Ménéhouarn fut également occupé ; son parc de 60 hectares, clos de murs, devint une station vétérinaire qui accueillit des centaines de chevaux réquisitionnés en Bretagne, puis ceux que les occupants durent soigner avant de les réemployer.

La famille de Pluvié vécut des années difficiles au milieu d'officiers qui logeaient au château avec leurs ordonnances et leurs cuisiniers. Le comte de Pluvié, maire, était respecté autant par discipline que par opportunité.

Les aviateurs anglais et canadiens abattus lors des bombardements de Lorient furent pris et enfermés dans la Justice de Paix. Peut-être quelques-uns d'entre eux ont-ils pu être recueillis dans les fermes et s'évader, mais 50 ans après, les témoins font défaut pour corroborer les dires.

La lutte dans l'ombre fut dure à Plouay. Les sabotages réussis contre la centrale électrique du Poteau Rouge, à Caudan, la voie ferrée, les lignes téléphoniques, eurent en contre-partie la dénonciation. Cinq Plouaysiens en furent victimes dont 4 figuraient parmi les 69 fusillés retrouvés à la citadelle de Port-Louis.

Une douzaine d'Ukrainiens et de Cosaques rejoignirent les maquisards et combattirent avec eux. En août 1944, les parachutistes français et les Résistants intégrés dans les F.F.I. furent les derniers combattants de Ménéhouarn.

Pour nous en tenir à cette région, ajoutons que Cunffio abrita des Résistants d'Inguiniel qui, le soir, venaient écouter en cachette au moulin de la Bruyère les informations diffusées par la radio de Londres, captées par la famille Flocon.

Les Allemands arrivèrent à Riec le 28 juin, sous le commandement d'un Autrichien ; comme ailleurs ils achetèrent quantité de victuailles et l'Etat-Major, bien renseigné, prit pension chez Mélanie. Un défilé de chars consacra le succès des vainqueurs le 7 juillet. Les aviateurs, gens calmes, comptant de nombreux musiciens qui formèrent un orchestre, occupèrent la Porte-Neuve.

Puis les premiers arrivés partirent le 1er février 1941, eux aussi pour le front russe. En juin 1942, Gilbert Renault, plus connu sous le nom de colonel Rémy, fut hébergé à l'Hôtel Ostréa, l'actuelle mairie-poste, avec sa femme et quatre enfants. La police allemande avait arrêté à Paris deux de ses soeurs, le 13 juin 1942. Trahi, mais prévenu à temps, Rémy avait pu gagner la Bretagne. Des amis sûrs le rejoignirent à Rudeval, dont Alphonse Tanguy, l'ingénieur qui lui avait fourni les plans des bases de sous-marins de la côte atlantique française. Le 17 juin, les fugitifs purent s'embarquer sur les "Deux-Anges" (Note : Ange, prénom commun des deux constructeurs / Roger Leroux o.c.) à Pont-Aven, rejoindre un chalutier très particulier et arriver en Angleterre.

En janvier 1943, les Jeunesses hitlériennes s'installèrent à la Porte-Neuve pendant que leurs officiers occupaient l'hôtel Ostréa. Ces jeunes fanatisés de 14 ou 15 ans, ont laissé le plus mauvais souvenir ; beaucoup posaient de difficiles problèmes de discipline à leurs cadres.

Le 27 novembre arrivèrent sur leurs petites charrettes, des Russes encadrés par des Allemands, ou par leurs propres officiers, mélange de repris de justice et d'anciens prisonniers qui avaient accepté de servir l'armée allemande "plutôt que d'être contraints à mourir de faim" ont-ils affirmé.

A la pénurie alimentaire causée par un pillage organisé - c'était la dette de guerre qui payait - et aux réquisitions, s'ajouta début 1944 un régime de terreur. L'école de Kerguern, transformée en caserne de feldgendarmes avec leurs chiens, servait aussi de prison. Bien des Résistants y furent enfermés. De l'autre côté du Bélon, à Kerfany en Moëlan-sur-Mer, venus de quelles prisons ? vingt furent fusillés, ainsi qu'un jeune aviateur anglais. Une "lanterne des morts" perpétue leur mémoire.

Le 4 août, Russes et Allemands préparèrent leur repli sur Lorient ; nul n'obéit à leur ordre de réquisition de charrettes ; quatre ou cinq d'entre eux s'étaient auparavant rendus au mouvement de Résistance qui les avait cachés dans les fermes, habillés en civils. Des accrochages avec les Patriotes, suivis d'incendies, accompagnèrent le départ des soldat dont le colonel fut le dernier à quitter Riec-sur-Bélon...

Rosgrand en Rédéné devint un important centre de la Résistance. Un descendant du dernier Sénéchal de Quimperlé, André Coquebert de Neuville, avait eu des entrevues, dès 1941, avec des délégués de Londres. Il cacha du matériel et des agents secrets dans la grotte invisible qui domine l'Ellé. En 1943, il se consacra à la coordination des mouvements de résistance à l'occupant.

Dès le débarquement, Rosgrand se transforma en maquis d'une vingtaine d'hommes. André de Neuville organisa plusieurs parachutages dont ceux de Saint-Marcel près de Malestroit, et de Boblaye en Meslan. Après celui-ci, effectué dans la nuit du 8 au 9 juillet 1944, c'est un autre descendant du sénéchal, Pierre de Lépineau, qui achemina les armes, aussitôt distribuées. Mais une dénonciation des maquisards leur fit rejoindre Arzano avec quelques pertes. Le 28 juillet, André de Neuville revint à Rosgrand, l'ennemi l'attendait. Il avait prévenu sa femme qu'il ne se laisserait pas prendre vivant ; une rafale dans le dos l'abattit. Il fut défiguré à coups de bottes pour empêcher son identification et rapidement enterré à proximité de la grotte que ses ennemis n'avaient pas découverte. Ces derniers pensèrent qu'un parent, réfugié au manoir, le général de division Louis de Torquat de la Coulerie, était le chef du groupement ; arrêté, transféré à Quimperlé, il fut lui aussi fusillé, à 73 ans, à Kerfany-les-Pins. Le délateur fut arrêté et jugé à Rennes. Restée veuve avec trois enfants, Madame de Neuville, inspirée par ses sentiments chrétiens, demanda au Tribunal que la peine de mort requise ne soit pas appliquée. André de Neuville repose près de son ancêtre le sénéchal dans la chapelle du manoir, au pied du magnifique chancel, que Joly de Rosgrand avait fait transporter alors qu'il était menacé de totale détérioration.

Les monuments et stèles comme ceux de Lann-Dordu et de Kerfany sont particulièrement nombreux en Bretagne, ils démontrent tragiquement la généralisation des actions combattantes à un moment décisif. Le général Eisenhower, rendant hommage aux auteurs, a souligné combien la réduction de l'efficacité militaire de l'oppresseur avait facilité la percée alliée, la pénétration des armées de Libération et contribué à la victoire.

Mais la lutte fut longue et cruelle. Ainsi, le 7 août 1944, les Américains et les F.F.I. furent stoppés à Hennebont où les soldats allemands firent sauter les trois ponts ; puis leur artillerie détruisit les trois quarts de la ville. Techniciens aguerris, les artilleurs avaient dégagé le sommet de la motte féodale placée sur leur ligne de tir. L'enceinte fortifiée qui avait été reconstruite après les guerres de la Ligue résista aux coups, mais l'incendie n'épargna ni le musée des tours Broërec, ni les maisons.

Outre les victimes des combats, cinquante deux civils souvent très âgés, furent fusillés entre le 7 et le 11 août, principalement à Saint-Caradec et Kerroch ; quand les chefs de la "poche de lorient", le général Wilhelm Fahrmbacher et l'amiral Walter Matthiae publièrent en Allemagne, en 1956, leur ouvrage intitulé "Lorient 1940-1945" (consultable au Service Historique de la Marine à Lorient), ils n'en parlèrent pas mais s'indignèrent d'interventions dans les combats, faites "au mépris du droit des gens". Ils citèrent le comte Bernstorf capitaine ukrainien de réserve comme commandant du barrage opposé aux Américains et F.F.I., à l'est de la ville. Mais ici encore des Soviétiques étaient dans l'autre camp ; trois d'entre eux reposent au cimetière d'Hennebont, dont un lieutenant décoré de la Légion d'Honneur. La reconstruction du pont de pierre demanda quatre années ; inauguré en septembre 1953, il porte le nom de Jeanne-la-Flamme.

Lenteur de l'histoire ! ce n'est qu'après la guerre de 1939-45 que les Françaises obtinrent le droit de vote, par un décret du Général de Gaulle, en application du programme du Conseil National de la Résistance.

 

LA CONTINUITE

Les Allemands avaient demandé au régisseur du duc de Lorge d'enlever du château "lieu militaire" les statues déposées par Madame de Cossé-Brissac qui les avaient retrouvées dans la maison proche de la première chapelle de Sainte-Anne-des-Bois. On doit à la comtesse la seconde chapelle actuelle, la première ayant été rasée lors de l'industrialisation.

Jean Cléren les transporta donc au presbytère de Berné ; la paix revenue, il s'employa à la restauration de la chapelle Saint-Albaud dont la toiture avait été soufflée par un orage en 1917. Les statues y trouvèrent place en 1952 et l'on peut méditer sur ces témoins d'un passé éloigné puisque le Saint-Pierre imberbe remonte au temps des Papin.

 

Les domaines de Pont-Callec et de la Porte-Neuve, après un destin commun, suivirent des voies parallèles. Pont-Callec fut acquis en 1955 par le père Victor Berto, prêtre du diocèse de Vannes, tertiaire dominicain, au nom de l'association Notre-Dame de Joie dont il était le directeur ; il y transféra, avec l'aide des Dominicaines du Saint-Esprit la maison d'enfants de Fescal, près de la Vilaine, devenue exigüe. Après quelques changements de propriétaires, le château et le parc de la Porte-Neuve furent achetés en avril 1968 par la Mutuelle Générale de l'Education Nationale qui aménagea les locaux en centre pour handicapés et de traitement par dialyse, l'été.

En 1913, Louis de Cossé, comte de Brissac, prince de Robech, avait vendu la forêt de Pont-Callec à Paul Louis de Durfort de Civrac, duc de Lorge. Après la seconde guerre mondiale, les Houillères du Bassin de Lorraine, pour s'agrandir, voulurent acquérir de nouveaux terrains ; ceux-ci étant domaniaux l'acquisition ne pouvait se faire que sous forme d'échange. Le 5 juillet 1956 elles achetèrent au duc de Lorge - entre autres acquisitions - la grande et la petite forêts de Pont-Callec, les immeubles de Saint-Albaud, soit une surface de 558,54 hectares pour une somme de 51 millions de francs payés comptant. En même temps, l'Administration des Eaux et Forêts achetait la maison forestière du Pont-Neuf, avec 5 hectares de prairies et obtenait la gestion de la forêt au premier janvier suivant.

Le duc de Lorge s'était réservé les arbres alors marqués, divers droits et servitudes, ainsi que le droit de chasse pour lui-même et ses invités jusqu'au 20 juillet 1961.

Enfin, le 16 juillet 1963*, l'Etat (Ministère de l'Agriculture, Administration des Eaux et Forêts) et les Houillères procédaient à l'échange qui faisait revenir dans le domaine de l'état français une forêt échangée par un duc de Bretagne.

Le moulin de la Bruyère a été remanié et réhaussé vers 1960 à partir du bâtiment dont une pierre gravée pouvait indiquer l'année de construction : 1610 ; il serait donc le maillon intermédiaire qui nous relie au temps des ducs. Les moulins de Riec devinrent peu à peu des résidences secondaires, ainsi que celui de Cunffio dont le propriétaire a fait rebâtir le bâtiment principal et ses dépendances sur le modèle des précédents. Le moulin de Ty-Henri a cessé de tourner en 1967, et celui du Treff (Dréau) vers 1977, mais il pourrait encore fonctionner.

La fonderie et les forges de Pont-Callec qui utilisaient l'eau de l'étang marquèrent la fin du moulin qui avait tourné pendant le XIXème siècle. Le père Berto transforma les locaux en centre d'accueil pour les "anciens" de l'orphelinat. C'est également lui qui fit transporter de Pluméliau, puis reconstruire entre 1963 et 1967 une chapelle du XVIème siècle tombée en ruine : Sainte-Anne-du-Cloître ; en même temps, il fit bâtir le cloître attenant au château avec les pierres de l'ancienne chapelle Sainte-Christine de Locmalo, près de Guémené, également en ruine. Le père Berto repose dans la chapelle nouvelle qu'il avait nommé Notre-Dame de Joie, depuis décembre 1968, quand il fut selon sa propre expression "cité au jugement de Dieu". Les Dominicaines du Saint-Esprit prirent en charge l'administration de la Maison d'enfants.

A défaut de mettre la main sur Rémy, les Allemands avaient fait arrêter sa mère et trois autres soeurs, le 15 octobre 1942, à la faveur d'une loi sur les otages prononcée au mois d'août. Craignant pour leur vie et voulant éviter les représailles, leur frère Philippe Renault, père de famille, se livra volontairement. Déporté en Allemagne, il devait y mourir le 3 mai 1945*. Les quatre femmes restèrent unies dans une foi commune qui les soutint pendant la détention. L'une d'elles fut incarcérée dans les prisons de Fresnes, Romainville, Compiègne, Romainville à nouveau, et ne retrouva la liberté qu'en février 1944. Devenue Dominicaine à Fescal puis à Pont-Callec, elle fut appelée à la charge de prieure après la disparition du Père Berto. Au cours de la période qui suivit, en 1974, fut créé en face de Pont-Callec, l'établissement d'enseignement secondaire Saint-Thomas d'Aquin, à prédominance littéraire et recrutement féminin.

*

"L'inégalité devant l'instruction est la source de toutes les tyrannies" avait lancé le marquis de Condorcet, lors de la Révolution. Mais ni celle-ci, ni l'Empire, ni la Restauration ne changèrent la vie dans les campagnes ou l'instruction des petites gens.

Ce n'est que le siècle suivant, en même temps que se multipliaient les congrégations enseignantes, que les lois de Jules Ferry, en 1881 et 1882, rendirent l'instruction gratuite, puis obligatoire et laïque. Les descendants des laboureurs de terre commencèrent alors une lente conquête culturelle. A la Libération, s'imposa l'idée que le recrutement de l'élite devait se faire à partir de la promotion de tous et progressivement les mesures prises par la IIIème République furent prolongées grâce aux initiatives municipales ou privées. Un Cours Supérieur avait fonctionné à l'école de Kercô en Riec dès 1935 ; ses effectifs furent absorbés par le Cours Complémentaire de Pont-Aven transformé en Collège en 1975. Le Collège d'enseignement secondaire de Plouay donna ses premiers cours en 1963.

En 1979, les archives purent être librement consultées, ce qui offrait à chacun la possibilité de retrouver ses ancêtres, si humbles qu'ils aient été, d'en comprendre la vie, d'accéder aux sources de la mémoire collective, d'écrire l'histoire des familles et parfois celle des seigneuries.

 

BIBLIOGRAPHIE A

Editions de l 'Abbaye de Daoulas - Finistère : La Bretagne au temps des Ducs - 1991

Arthur de la Borderie : Histoire de Bretagne - Tomes III et IV - Recueil d'actes inédits des ducs de Bretagne : consultable aux Services d'Archives Départementales

Marie-Françoise Bosser : Riec à travers les âges - Imprimerie Lussaud - Vente à la Mairie de Riec

Mikaël Jones : Recueil des actes de Jean IV, duc de Bretagne*

René de Laigue : La noblesse bretonne aux XVe et XVIe siècles*

Léon Maître : Répertoire analytique des actes du règne de Charles de Blois*

Jean de Malestroit de Bruc : note sur la fondation par adoption de la maison de Malestroit de Bruc : chez l'auteur : La Noë- Vallet

Dom Morice : Mémoires pour servir de preuves à l'histoire écclésiastique et civile de Bretagne (en abrégé : Preuves = Pr) - Edition de 1746 ou fac-similé

Louis Rosenzweig : Cartulaire général du Morbihan*

 

* Consultables aux Archives Départementales du Morbihan à Vannes

 

 

Sources, repères d'archives

1267 Dom Morice, Preuves I, colonne 1007

1276 Dom Morice, Pr. I - 1281 - c 1040

1291 Dom Morice, Pr. I - c 1096

1298 M.F. Bosser "Riec ..." ouvrage cité p. 33

1331 "La Bretagne ..." ouvrage cité Ed. Abbaye Daoulas

1332 (27-01) Preuves II c. 436

1332 (01-03) Pr. II c. 1359

1341 Lettres d'érection de la terre dePont-Callec en marquisat - A.D. Mhan IJ 198

1342 A. de la Borderie - ouvrage cité T. III

1343 J. de Malestroit de Bruc - ouvrage cité - Généalogie

1345 Relation d'Hersart dela Villemarqué - Bulletin de la Sté Archéo. du Finistère 1883

1345 (13-09) Pr. I c. 1452

1354 Pr. I c. 1494 ; 1356 Pr. I c. 1507

1364 à 1366 - A. de la Borderie - ouvrage cité T.IV

1374 Archives Départementales de la L.A. - E 236

1377 Pr. II c. 176 ; 1382 Pr. II c. 438

1383 (01-07) Ph. de la Perrière Pr. II c. 472

1396 Mikaël Jones - ouvrage cité p. 626

1397 Rosenzweig : "Cartulaire ..." N° 633 A.D. Mhan

1400 Lettres d'érection ... A.D. Mhan 1 J 198

1407 - 1418 - Rentiers A.D.L.A. B 1559

1418 Guillaume de Guer - Pr. II c. 967

1427 R. de Laigue - Ouvrage cité "Evêché de Vannes"

1430 A.D. Finistère - 105 J 436 et 445

1443 Pr. II c. 1000

1449 Joly de Rosgrand - A.D.F. 105 J

1450 Lettres d'érection ... - A.D.M. 1 J 198

1455 Rosenzweig - Ouvrage cité et A.D.L.A. E 164/6

1464 A.D.L.A. - 1 E 460

1489 Musée du Château de Brest

1494 A. de Brémond d'Ars - Bull. Sté Archéo F. 1885

1514 à 1598 Généalogie de Guer - A.D.F. 105 J/436

1532 La Bretagne au temps des Ducs - Editions de l' Abbaye de Daoulas

1533 A. de Brémond d'Ars : achat de la seigneurie de Riec - Bull. Sté Archéo. F. T.IX 1882

1598 P. Potier de Courcy - Nobiliaire et Armorial de Bretagne

1603 A.D. Finistère - 1 E 460

 

BIBLIOGRAPHIE B

Bellancourt Yves : Rédéné, du Vannetais au Finistère - Editions Sésames

De la Condamine Pierre : Pont-Callec, une étrange conspiration au coeur de la Bretagne

Dubreuil Léon : les vicissitudes du domaine congéable pendant la Révolution (A.D. Morbihan)

Hersart de la Villemarqué : Gwerz du Marquis - Barzaz Breiz - A.D.

Le Falher Michelle : Recherche de documents maçonniques - Thèse - A.D. Morbihan

Le Hyaric Roger : Maquisard ! - 1992 - Breiz Diffusion - 29135 SPEZET

Leroux Roger : Le Morbihan en guerre - Imprimerie Floch - Mayenne - 1983

Lesage : Etude du bail à domaine congéable dans le Morbihan - A.D.

Pocquet du Haut-Jussé Barthélémy

- Histoire de Bretagne Tome VI (A. de la Borderie)

- Les origines de la Révolution en Bretagne - A.D.

De Robien Christophe : "Journal ..." Bibliothèque municipale de Rennes Manuscrit 15675

Père Séjourné : Vie du bienheureux Julien Maunoir - consultable aux A.D.

 

 

 

Sources, repères d'archives

1641 Archives privées - Quéhéon - Ploërmel

1644 A.D.Mhan. B 2831

1657 A.D.Mhan. 1 J 198 - Photocopie

1673 A.D.Mhan. E. N. 1818

1675 - 1677 - Registres paroissiaux 1 Plouay - 2 Berné

1677 - 1678 - Meslien - Tronchâteau - A.D. Mhan B 2842

1678 Mariage - A.D.Mhan. B 2841

1679 Sénéchaussée d'Hennebont - A.D.M. B 2428 - B 2429

1684 Hénant - A.D.Finistère 105 J 443

1685 A.D. Côtes d'Armor E 2413

1695 A.D. Manche 5 E 4945

1702 Registres paroissiaux Riec

1703 A.D. Finistère 9 B Riec - inventaires

1715 à 1720 - Affaire de Bretagne

. Paris Bibl. de l'Arsenal Ms 10679 à 10687

. Paris Arch. Nationales G7/201-202

. A.D. Loire Atl. 1 J 78 - Relation attribuée au Père Nicolas

1720 Lettres d'amnistie - A.D. I. & V. C 1812 à 1817

1721 A.D.Mhan. B 2911 - B 2916

1725 A.D. Finistère 15 B Kergunus

1726 à 1740 - A.D. Mhan B 2429

1731 A.D. Mhan (Marie Papin) B 2940

1732 A.D. Mhan B 2831

1740 A.D. Mhan B 2967

1744 Registres paroissiaux Berné

1745 A.D. Mhan B 2975

1756 A.D. Mhan B 2999

1758 A.D. Loire Atl. B 1234

1769 A.D. Finistère 15 B Kergunus

1785 A.D. Finistère 19 B Riec

1786 A.D. Finistère (prisons ...) 19 B Riec

1787 A.D. Mhan (octobre) B 6765

1788 Bastille : Bibl. de l'Arsenal Ms 12461

1789 Mémoires de la S.H.A.B. Tome 35 - 1955

- 2 Th An IV - Archives privées La Noë - Vallet

- 7 Brum. An VI - Archives privées - La Noë - Vallet

1806 Archives municipales Lorient

1811 Archives privées - La Noë - Vallet

1831 A.D. Morbihan - E. N. 9449

Guerre 1939-1945 : outre les ouvrages cités :

. Archives municipales Hennebont

. "Ami entends-tu ..." A.N.A.C.R. N° 53-54-83

. Entretiens avec :

Louis Bisquay Riec/Belon

Jean Cléren, J. Renault, Berné

Roger Le Hyaric, Jean Le Foll - Lorient - A.N.A.C.R.

Mme Y. Coquebert de Neuville Rédéné

1963 Office Nationale des Forêts Rennes

Bureau des Hypothèques de Pontivy

Volume 1064, N° 40

 

   

de Guer  

d'azur à sept macles d'or 3 3 1, au franc-canton de gueules fretté de six pièces d'argent

 Malestroit 

de gueules à neuf  besants d'or

 

Dessin des blasons: Loïc Le Dréan

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