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Loyat   Ploërmel

19 Mars 2006

 

 Ce matin, tout va bien, pas de neige, il fait un peu froid mais le soleil de mars ne devrait pas tarder à nous réchauffer, s’il n’y a pas de giboulées ! ! !

  La route de ce dimanche est tranquille et c’est avec plaisir que nous arrivons à Loyat :ce nom viendrait de celui  d’un officier romain Loyatus, ou du mot breton loué qui signifie cuillerée. En effet, la colline sur laquelle est construit le bourg présenterait la forme d’une cuillère renversée ! Loyat est mentionné vers 1055 dans un acte de donation fait par Josselin, vicomte de Porhoët, en faveur de l’Abbaye de Redon ou du prieuré  Ste Croix de Josselin. La paroisse dépendait autrefois du diocèse de St-Malo.

 

Chateau de Loyat: le château aux "cent fenêtres"

Vue panoramique du Château de Loyat

 

Après avoir traversé le bourg, nous arrivons au château dont nous allons faire la visite en compagnie de M. Dargnies qui en est le propriétaire.

 

Le château que nous voyons a été construit entre 1708 et 1738 d’après les plans de l’architecte Olivier Delourme, pour René de Coëtlogon, vicomte de Loyat. On l’appelle le château aux 100 fenêtres, on exagère, il n’y en a…que 97 ! ! !. Depuis 1967, il est classé MH ainsi que 40 des 150 ha du parc. Les armoiries des Coëtlogon figurent sur la façade. Avant cette construction, nous dit notre guide, il y eut un manoir au XVIème et peut-être même au XIIème.

 

Loyat. Façade sud               Les armoiries des Coëtlogon 

 

Le château sort de la famille Coëtlogon en 1791 à la mort du dernier vicomte de Loyat. Il fut alors acquis par les Nompère de Champagny, Duc de Cadore, l’un d’eux Jean-Baptiste fut ministre de Napoléon. Le nouveau propriétaire décida de combler les douves pour ouvrir une perspective sur le parc imitant en cela les Invalides, mais ruiné il met le château en vente. C’est alors que l’arrière-grand-père de notre hôte, l’enseigne de vaisseau Delprat décide de venir en Bretagne pour acquérir une propriété au bord de mer, sur l’Aven plus exactement. Venant de Paris, bien sûr, il passe par Ploërmel et là on lui dit qu’une propriété est à vendre ; c’est le château de Loyat, il le visite et, conquis par l’environnement, se porte acquéreur…sur les rives de l’étang au duc. Ensuite ce sont les Régnault de Prémesnil qui en héritent, la grand-mère de M. Dargnies y vivra 96 ans, électricité fournie par une éolienne conçue par le grand-père polytechnicien et chauffage fourni par des poëles Godin !   

Ce château n’est jamais resté plus de 100 ans dans les familles successives qui en étaient propriétaires, ruinées elles se trouvaient dans l’obligation de vendre, alors il faut trouver des solutions : un musée ?

Ayant fait la connaissance des divers occupants, nous sommes maintenant invités à faire la visite extérieure. Nous nous trouvons devant le pignon ouest, il donne sur les communs et c’est là que se trouvent les cuisines ; à l’étage étaient les appartements de Monsieur. Nous contournons le bâtiment et nous nous retrouvons à l’arrière du château qui curieusement semble moins imposant, à juste titre, car il comporte un étage de moins ! Vous allez bientôt comprendre ! 

Poursuivant notre promenade dans le jardin d’agrément, nous arrivons sous le cèdre qui a perdu une grosse branche lors de la dernière tempête et là Mme Dargnies et son fils nous offrent un thé bien chaud : c’est très agréable car il fait un peu froid ! Côté Est bien ensoleillé ce matin, nous attend une surprise : nous sommes devant une malouinière ! C’est à s’y méprendre : même ordonnancement, mêmes dimensions : 15m sur 7,5m. A l’étage se trouvaient les appartements de Madame, à l’opposé de ceux de Monsieur.

 

  Loyat . Les communs en voie de restauration. Loyat. Façade arrière et jardin. Loyat. Pignon est et la "malouinière"
Les communs La façade arrière "La Malouinière"

 

Côté Nord, nous entrons de plain-pied pour la visite de l’étage noble, (pas de contradiction entre les deux termes employés) il comprend l’antichambre, le grand salon et la salle à manger. Ces différentes pièces abritent un mobilier de qualité en partie classé : une tapisserie des Flandres, une Dormition et une Assomption de la Vierge en bois doré et un Christ en Majesté. Les boiseries qui recouvrent les murs des pièces de cet étage sont d’origine, quelques années plus tard un projet de peinture avait été envisagé comme en témoigne une gravure. Sur un des murs de l’antichambre, un tableau représente le Cardinal de Fleury qui fut ministre et précepteur de Louis XV et peut-être aussi des Coëtlogon, c’est une copie d’époque (d’un peintre vannetais) du tableau original peint par Rigault. Voici ce qu’a écrit Voltaire :

        Vers pour mettre au bas du portrait de M. le Cardinal de Fleury:

        De la grandeur modeste il est l’exemple rare

        Père de la Patrie et père de son roi

        Libéral de ses biens, du bien public avare

        Il fit tout pour l’Etat et ne fit rien pour soi.

 

Sculpture en bois doré: la dormition Loyat: Le lutrin. Palier de l'escalier Loyat. Le lutrin: détail.
Sculpture en bois doré Le lutrin Le lutrin (détail)

 

En descendant l’escalier qui déroule une magnifique rampe en fer forgé nous admirons un lutrin (début XVIIIème) et un buste en marbre d’une jolie impératrice romaine. Nous arrivons dans le majestueux vestibule d’honneur utilisé pour des réceptions.

  Côté Est du grand vestibule se trouve la chapelle, installée dans l’ancienne salle des gardes, depuis la démolition de la chapelle extérieure. Côté ouest, la grande cuisine où sont exposées des collections d’ustensiles anciens et le long de la façade Nord les caves, maintenant nous comprenons la différence de niveau entre les deux façades !

  Deux pavillons complètent l’ensemble. Au XXème, dans l’un habitait le jardinier et sa famille, dans l’autre, côté ouest, le fermier. Il y eut une époque où le château employait 40 personnes, aujourd’hui 1 homme de confiance s’occupe de tout 

  Outre la chapelle il y avait un colombier qui a lui aussi disparu. Le parc a beaucoup souffert des différentes tempêtes, les hêtres surtout. M. Dargnies souhaite vivement redonner un aspect authentique à son parc, c’est pourquoi, nous dit-il que…parfois par une nuit sans lune, des palmiers se retrouvent au sol et d’aucuns entendent même des bruits bizarres… Il est annoncé que d’ici peu des rhododendrons, des camélias et autres azalées pourraient subir le même sort. Que voulez-vous : un jardin à l’anglaise ou à la française ? Je me suis laissé dire que le parc fut dessiné par l’architecte-paysagiste Le Blond qui fut élève de Le Nôtre, là est sans doute la raison ! Déjà la matinée est bien avancée et nous allons quitter la famille Dargnies.

 

Le car nous a attendu patiemment et c’est vers Ploërmel que nous nous dirigeons : Restaurant les Routiers : Menu Kir  - Terrine de saumon sauce cocktail -Rôti de veau champignons, pommes sautées, petits pois, carottes- Assiette de fromages sur salade -Tarte aux pomme -Vin - Café.

  Il est l’heure de repartir et comme toujours l’heure c’est l’heure, heureusement que Claude est là pour nous le rappeler ! Un petit tour en car et nous sommes au centre de Ploërmel pour une visite guidée.

  Plou Armel, du nom de Armel né en Bretagne insulaire en 482, il traversa la mer et débarqua en 518 à l’Aber Ildut avec des compagnons. Là, ils installèrent un monastère et quelque temps plus tard Armel en confia la direction à un de ses disciples, aujourd’hui ce lieu s’appelle Plouarzel. Lui, Armel partit vers le sud de la Bretagne, fit halte à Quimper : Ergué-Armel, puis dans la presqu’île de Quiberon : Plouharnel et plus longuement dans le golfe du Morbihan à St Armel. La réputation de sainteté d’Armel arriva jusqu’au roi des Francs Childebert. Celui-ci le convoqua à sa cour et le garda 7 ans près de lui. Armel s’ennuyait un peu à la Cour, enfin il obtint la possibilité de la quitter mais à la condition de s’établir non loin de Rennes où le Roi lui donna des terres pour fonder un nouveau monastère aux Boschaux (à 13 km de Rennes). Un peu plus tard il arrive aux confins de la forêt de Brocéliande où il crée un établissement monastique qui allait devenir le Plou d’Armel.

 

Un jour alors qu’il se trouvait non loin des Boschaux, près de la forêt du Theil, des paysans l’informèrent qu’un dragon dévastait le pays, son souffle brûlait terre, bêtes et gens, tant et si bien qu’Armel décida de mettre fin aux agissements de ce monstre. Les paysans le conduisirent sur les rives de la Seiche et là après avoir mis son étole et saisi son goupillon Armel affronta le dragon qui bientôt dompté, obtempéra en disparaissant dans les eaux de la rivière. Depuis le saint est invoqué pour préserver la santé des animaux. Toute vie a une fin mais il n’est pas donné à tout un chacun d’en connaître l’issue. Armel, lui, eut ce privilège (en est-ce un ?) ; A 70 ans Dieu l’informa qu’il allait le rappeler à lui « les fêtes de l’Assomption achevées »en effet il mourut le 15 août 552 dans son monastère des Boschaux. Ainsi nous connaissons un peu mieux Armel mais peut-être y en eut-il deux dont les vies se sont confondues. Qu’en est-il de la ville nouvelle ?

Dès le XIème  siècle, Ploërmel acquiert de l’importance, elle se trouve près de la voie romaine Vannes Corseul qui passe à Taupont. En 1116, Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, duc d’Aquitaine et de Normandie se fait confier la garde de la Bretagne par le duc Conan IV.

  En 1173, le comte de Porhoët reprend la ville à Plantagenêt, la dote de murailles dont il reste quelques vestiges.

  En 1273, Jean II, comte de Richemont fait construire le couvent des Carmes pour deux religieux ramenés avec lui de Terre Sainte. Les ducs de Bretagne résideront de préférence dans ce couvent où ils s’étaient réservé un logis. C’est dans ce couvent que seront inhumés Jean II en 1305 et son petit-fils Jean III en 1341.

  En cette année 1341, cela fait 3 ans que la guerre de succession a commencé, les Blois côté français et les Montfort côté anglais ne cessent de s’affronter. En 1347 et 1348 la peste sévit dans la région et vient ajouter aux malheurs de la population qui se retrouve exsangue. Bembrough pour les Anglais occupe Ploërmel et se comporte en tyran face à ses habitants, alors Beaumanoir décide de le défier. 30 chevaliers bretons et 30 chevaliers anglais vont se retrouver à mi-voie, pour un combat connu sous le nom de «Combat des Trente» en réalité ils étaient 32. Beamanoir gagnera et Bembrough mourra. Froissard a relaté ce combat resté célèbre.

 

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Plaque commémorative sur la colonne Plaque commémorative sur le calvaire

 

Après avoir été ruinée en 1487 la ville reprend ses activités et au début du XVIème elle est florissante, les foires sont réputées, on construit les halles en 1511 ainsi que l’église. Mais nous voici en 1532 et c’est le traité qui marque la fin du duché de Bretagne. En 1592 la ville a de nouveau à souffrir  du fait des guerres de la Ligue. Ploërmel est protestante et est assiégée par les troupes du duc de Mercoeur, les Huguenots qui commandent la ville démolissent le couvent des Carmes mais la ville résistera aux Ligueurs.

  La paix revenue, les Carmes seront reconstruits. Désormais la ville passe sous l’autorité du roi de France Henri IV. Le duc d’Aiguillon, gouverneur de Bretagne, fait démolir les remparts et on comble les douves. Ploërmel devient un site important sur l’axe Rennes-Lorient. En 1800, la ville devient sous-préfecture, elle le restera jusqu’en 1926.

  Après avoir écouté l’histoire de la ville, nous nous dirigeons vers l’église. Le portail Nord par lequel nous arrivons est le plus beau, une véritable dentelle de pierres. A l’intérieur, les voûtes de la nef et des bas-côtés sont en bois, ornées de sablières sculptées. De chaque côté du chœur se trouvent deux tombeaux, celui de Jean II et de son petit-fils Jean III, en marbre blanc et celui de Philippe de Montauban et de sa femme. Les vitraux sont également remarquables, tout particulièrement l’arbre de Jessé qui surmonte la porte sud. La verrière du transept gauche représente la vie de St Armel qui relate son intervention contre le dragon.

  Sortant de l’église nous allons chez les frères de l’Instruction Chrétienne fondée par Jean-Marie de Lamennais en 1824. Dans la cour se dresse un pavillon qui abrite l’horloge astronomique réalisée par le Frère Bernardin en 1850, elle a été classée MH en 1982, il manque deux planètes au système solaire : Neptune et Pluton, à cette date elles n’étaient pas encore découvertes mais pourtant elles aussi elles tournaient …sans que nous le sachions !

 

 En 1892, donc très tôt, Ploërmel bénéficie de la Fée Electricité grâce à l’étang au duc et au marquis de la Boëssière ; la chute d’eau du Pardon donne vie à une usine électrique édifiée à l’emplacement des vieux moulins, elle cessera son activité en 1950.

  J’allais oublier de vous parler des maisons anciennes encore assez nombreuses dans la ville, l’hôtel des ducs de Bretagne, la maison au croissant qui est toujours une énigme et la maison dite des Marmousets, construite en1586 pour un certain Jean Caro qui était protestant. Elle est ornée de curieux personnages : cariatides, évêque surmonté d’un fou. Notre guide nous parlera de toute une symbolique : la terre bien ronde, (il y a peu, on la voulait plate) l’Amérique découverte il y a à peine 100 ans, un indien, l’invention de l’imprimerie qui avait permis la traduction de la Bible en langue vulgaire, tout ceci pour narguer les adeptes de l’autre religion ?

  Il ne faudrait pas oublier qu’une personnalité importante est née à Ploërmel, le 9 août 1816, c’est le docteur Alphonse Guérin, il est passé à la postérité grâce à son pansement ouaté qui permit de soigner bien des soldats durant la guerre de 1870. Son invention a révolutionné les pratiques chirurgicales de l’époque. Elu Président de l’Académie des Sciences en 1884, il décède en 1895 et repose aux côtés de son épouse Anaïs de Pommereul dans un mausolée perdu dans la lande près de Tréhorenteuc. 

 

Maison des Marmousets (à gauche)

Date et nom dans un cartouche

Fenêtre du rez-de-chaussée - Personnages

La maison des Marmousets

1586 J:CARO

Fenêtre

 

 

   

Représentation d'un évêque surmonté d'un fou.

Porte du rez-de-chaussée: une habitante du Nouveau Monde

   La porte encadrée de ses deux sculptures.

L'Evêque et le Fou Une "sauvage" La porte

 

Une autre personne dont le pseudonyme est Raoul de Navery écrivit de nombreux romans sur la région, trois sont connus : Patira, le trésor de l’Abbaye et Jean Canada. Ce qui est amusant c’est que sous ce nom masculin se cache une femme, peut-être Eugénie-Caroline de Saffray, dame de Chervet, originaire de Ploërmel.

  Nous ne visiterons ni le couvent des Carmes, ni la chapelle des Ursulines malheureusement détruits par le feu, peu de jours avant notre visite, dans la nuit du 1er  au 2 mars.  La journée s’achève, il nous faut entreprendre le retour.

 

  Lorient est sous la pluie. Quelle chance nous avons eue pour cette belle journée !

 

JM