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LES HOPITAUX PSYCHIATRIQUES EN BRETAGNE

 

Yves LONGIN

Membre de la SAHPL

 

La folie naît avec l'homme. Elle peut être considérée comme une inadaptation au monde où se trouve l'individu avec diverses formes bien évidemment. Le débile mental n'a rien à voir avec un trouble mental, pas plus que l'épilepsie qui est d'origine neurologique.

Dès l'Antiquité, les fous dangereux pour eux-mêmes et pour les autres sont enfermés où cela est possible (couvent, prison, chambre si les moyens le permettent), battus lorsqu'ils crient et sans traitement. La nature fait le reste.

Le premier asile d'aliénés connu (Maristan) est ouvert à Bagdad au VIIIème siècle après J.C., puis, deux cents ans plus tard à Fez au Maroc. Ce sont de petites structures (de simples maisons ou des bâtisses adaptées mais de petite taille) que vont connaître - lors du rachat des esclaves chrétiens aux barbaresques- les Frères de la Merci en Espagne. C'est par ce détour que reviennent les écrits des médecins grecs, romains, puis arabes.

Peu à peu, des établissements tenus par des ordres religieux qui ont fait voeu de s'occuper de leurs "frères" malheureux finissent par se spécialiser dans ce genre d'accueil. Si La Cellette (Corrèze) est créée en 1474. Guillaume Régnier - fils d'un Conseiller au Parlement de Bretagne- ouvre en 1627 un hébergement pour les malades atteints d'une sorte de lèpre des mains (Saint Méen) qui, compte tenu des arrivants, va vite se transformer pour ne plus recevoir que des fous dont personne ne veut. Durant tout l'Ancien Régime, les créations sont peu nombreuses et surtout privées ou charitables. Le premier médecin français à se préoccuper de ces malades est Philippe Pinel (1745-1826) qui fait une première classification et envisage un traitement "moral", s'inspirant de ce que pratiquent déjà les Anglais.

 

 

A la Restauration la question est posée par le premier "psychiatre" Esquirol (1772-1840) élève de Pinel. Il reconnaît seulement huit établissements réellement consacrés aux aliénés et propose d'en créer un par région. A cette date (1818) l'hospice de l'Humanité de Vannes admet des aliénés, Saint-Athanase de Quimper ouvrira dix ans plus tard. En 1832 un quartier psychiatrique est ouvert à l'hôpital de Saint-Brieuc. L'année suivante Morlaix opte pour un quartier totalement féminin. Pendant ce temps les Frères de Saint-Jean-de-Dieu (Ordre dissout lors de la Révolution) édifient une maison privée à Léhon, près de Dinan, alors que la ville de Nantes fait construire le quartier Saint-Jacques pour les fous selon des normes nouvelles. En règle générale les anciens bâtiments (souvent conventuels) sont réappropriés afin d'éviter de gros frais, même s'ils ne sont pas vraiment adaptés à cette nouvelle fonction. Ce premier établissement n'est pas terminé. Cela oblige le directeur-médecin nantais à faire réaliser tout l'aménagement intérieur du bâtiment et les jardins par les malades eux-mêmes, ce qui permet de les occuper. Cette innovation deviendra pratiquement la règle.

La loi du 30 juin 1838 est le premier règlement législatif sur les aliénés, terme adopté légalement, ainsi que celui d'asile, pour bien marquer la notion d'accueil et de protection, même si elle passe aussi pour une loi de police. Le texte prévoit un asile par département ou de traiter avec des structures privées (de villes ou de communautés religieuses). Les conseils généraux ne sont pas très portés à investir pour faire construire "des palais" pour de tels malades.

Les établissements privés font alors fonction de publics, avec pratiquement les mêmes règles, ce qui est le cas de Quimper et Morlaix. Les religieuses de Rennes ne voient pas d'un bon oeil l'arrivée d'un médecin chef, nommé par le Ministère de l'Intérieur et les luttes de pouvoirs vont durer un certain temps. Après leur expérience de Caen, les Soeurs du Bon Sauveur fondent en 1858, un hôpital privé pour femmes à Bégard (22). Le ministère n'est pas d'accord, mais l'influence de l'impératrice Eugénie est prépondérante et légalise cette création réservée à des personnes ayant quelque moyen : les pensionnaires, puisqu'elles doivent payer leur pension, alors qu'autrement c'est le département qui pourvoie, avec l'aide des villes pour ceux qui ont un domicile légal ou de secours, au prix de journée pour les indigents.

Le département du Morbihan, fier de son hospice doit toutefois transférer les hommes vers Léhon, dès 1836. Il faudra attendre 1886 pour que l'asile départemental de Lesvellec à Saint-Avé, près de Vannes, voie le jour. Cela peut paraître long mais les sommes sont considérables et certains conseils généraux préféreront le paiement des prix de journées d'indigents à un établissent religieux que de créer leur structure. Si pratiquement tous les départements français ont fini par faire construire un asile, seul le département de la Savoie n'a toujours aucune structure centralisatrice.

Durant le Second Empire, le département de la Seine a voulu créer une ceinture d'asiles autour de Paris. Le projet est grandiose mais la douzaine d'asiles se voit réduite de moitié. Compte tenu des prix parisiens, de nombreux placements auront lieu dans les hôpitaux de province lorsqu'il y a des places vacantes. Cette politique va se concrétiser - pour la Bretagne- par la création, plus tardive, de Plouguernevel en 1933.

La circulaire Rucart, de 1936, transforme l'asile en hôpital psychiatrique et l'aliéné en malade mental, mais les mots restent encore longtemps. Près de 60.000 malades meurent de faim dans les hôpitaux psychiatriques durant la Seconde guerre Mondiale. La découverte du Largactyl, par Henri Laborit (médecin de Marine) en 1952, ouvre l'ère de la chimiothérapie et de guérisons spectaculaires et nombreuses rendant la spécialité enfin attrayante pour les jeunes médecins. Les bombardements ont fort endommagé ou détruit certains hôpitaux, une grande politique de construction devra être entreprise, Blain (Pont-Piétain-44) ouvre en 1960. Cette année-là, une circulaire prône la sectorisation (une structure plus petite pour 66.000 habitants ou la division des asiles en secteurs.) Si la notion de secteur est adoptée, les réalisations seront relativement rares en Bretagne. Caudan en 1971 (surtout pour compenser les emplois perdus par les forges d'Hennebont), Bohars (1975 près de Brest) et à la même date Montbert (44).

La loi de 1838 a fait se poser la question "d'internement arbitraire" ; modifiée en 1990, on parle plus souvent -de nos jours- "d'externement arbitraire". Les malades ne terminent plus leur vie à l'asile, mais parfois en sortiraient trop rapidement.