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LE CHALUTIER «TANCHE»

   

Lucien Le Pallec

UTL/PL

   

Le chalutier « Tanche »  construit aux Établissements Belleville à La Pallice, faisait partie d’une série de huit unités de chalutiers patrouilleurs (Ablette, Anguille II, Barbeau, Brême, Brochet, Perche[1], Tanche, Truite) : 40 mètres de long, un déplacement de 476 tonnes, muni d’une machine de 450 CV, vitesse  9 nœuds, armé d’un canon de 90 mm et d’un canon de 47 mm[2]. Il est déréquisitionné en 1919 et mis sur la liste de la liquidation des stocks avec soixante dix autres patrouilleurs pour sa mise en vente.

            En janvier 1920,  à Marseille, il est acquis par le secrétariat à la Marine marchande pour l’Office national des pêches et  la recherche océanologique. Le 1er février 1920, il appareille de Marseille vers Lorient, sur la demande de la Marine marchande avec un équipage de la Marine nationale de Toulon, sous les ordres du L.V. Le Guen. Il fait escale à Vigo le 18 et arrive à Lorient le 20 février. A son arrivée il subit des transformations à l’arsenal (les cales à poissons sont transformées en six chambres et laboratoire). En juillet, il est inscrit comme « appartenant à l’État et domicilié à Lorient ». Trois gardes-pêche dont un mécanicien sont désignés par le Sous-secrétariat à la Marine marchande sous le commandement du L.V. Mugnier. Le 29 août 1920  la « Tanche »  appareille vers Groix avec les autorités (dont  monsieur Paul Bignon sous-secrétaire d’état à la marine marchande) dans le cadre de la fête de la  quinzaine du poisson  et de l’inauguration des entrepôts frigorifiques de Keroman. La carrière de la « Tanche » à Lorient est la suivante :  

-          armé le 6 juin 1921, désarmé le 6 octobre

-          armé le 15 mai 1922, désarmé le 14 novembre

-          armé le 25 avril 1923, désarmé le 1er octobre

-          armé le 22 avril 1924, désarmé le 7 août

-          armé le 22 juillet 1926, désarmé le 7 juillet 1927

-          armé le 6 juin 1928, désarmé le 1er août 1928

            Il effectue des missions de recherches océanologiques dans le golfe de Gascogne et sur les côtes du Maroc, (migration des thons et étude de l’incidence du bruit des hélices sur la faune marine).

Remis aux Domaines le  28 novembre 1929, provenant du département des Travaux publics, le chalutier « Tanche » est vendu le 20 avril 1930 à MM. Paris et Alaterre de Equeurdreville (Manche). Il part au Havre en mai 1930, pour transformations.[3]

Le Drame de la « Tanche » (19 juin 1940)  

Les chalutiers de Fécamp « Tanche » et « Saint Pierre » arrivent  au port de pêche de Keroman le 19 juin 1940 à 06h00. Ils accostent côté intérieur du quai à charbon (môle est).  L’appareillage général et l’évacuation de la rade ordonnés la veille par le Préfet maritime sont pratiquement terminés. Après avoir reçu les ordres de la Préfecture maritime, c’est d’abord le « Saint Pierre » qui appareille vers 15h00  avec une centaine de réfugiés vers le Verdon, où il arrivera le lendemain sans encombre. La « Tanche » appareille peu après avec environ deux cents réfugiés et militaires. Vers 16h00, alors qu’il se trouve à peine à trois milles dans le sud de Kéroman, le chalutier « Tanche » heurte une mine et sombre rapidement. (Dans le 285 et à 150 m. de la tourelle des Truies). On déplorera  environ 150 victimes et seulement une dizaine de rescapés.

La « Tanche » avait reçu  comme tous les navires  l’ordre de rallier un port au sud de la Loire (Note n° 754 de la Direction du port du 12 novembre 1940, transmise à l’Etat-major de la Marine le 22 novembre 1940). Dans son récit, Tony Proteau de Vannes, rescapé de la tragédie[4] parle : « Des marins paraissent en disposition d’appareiller, le bateau (La « Tanche ») doit transporter des réfugiés vers le sud-ouest »  et il évoque dans son récit  « La Rochelle, Bayonne et le Maroc ». Ce qui contredit formellement les allégations selon lesquelles le chalutier partait en Angleterre. On notera à ce sujet que, sur 68 chalutiers lorientais  réquisitionnés,  sept ont rallié l’Angleterre, six ont été saisis au cours de l’opération « Catapult »[5] et ont été rendus à la fin de la guerre. Un seul a porté le pavillon des Forces navales françaises libres : le « Keryado» de l’armement Gauthier  qui a coulé par fortune de mer dans la Manche  le 6 mars 1941.

 

Tanche 2

 Le chalutier « Tanche »  (DR)

 

 

 Photocopie de la lettre du Capitaine de Vaisseau BECAM au Directeur des Constructions Navales

(Lettre 1687 SH/MAR/SAB SERVICE HISTORIQUE - Archives historiques de la Marine – Vincennes)

 (transcription ci-dessous)

 

DIRECTION

DES MOUVEMENTS DU PORT

N°754                                                                                          Lorient, le 12 Novembre 1940

   

Le Capitaine de Vaisseau BECAM

Directeur des Mouvements du Port

à

Monsieur l’Ingénieur Général du Génie maritime

Directeur des Constructions Navales

 

Objet : Renseignements au sujet du chalutier « TANCHE »

Référence : Note n° 229 F .M.F.4. du 27 Octobre 1940.

   

J’ai l’honneur de vous adresser ci–après les renseignements que j’ai recueillis tant auprès de l’Administration du port de pêche que celle de l’Inscription maritime de Lorient au sujet du chalutier « TANCHE ».

La « TANCHE », d’un déplacement de 276 T. 55 était immatriculé à FECAMP  sous le numéro 725 ; son numéro distinctif était F.O.N.E. et appartenait à MERIENNE Frères de Fécamp.  La « TANCHE » et le « SAINT PIERRE » de Fécamp, partis de Fécamp le 6 Juin 1940, sont arrivés à Lorient via DOUARNENEZ  le 19 Juin 1940 à 6 heures, se sont amarrés au port de pêche (môle partie Ouest) et en sont repartis le même jour : Le « SAINT PIERRE » à 15 heures avec une centaine de réfugiés, la «TANCHE » un peu plus tard avec environ 200 réfugiés.

Vers 16 heures la « TANCHE » sautait, vraisemblablement sur une mine magnétique, à 150 mètres dans le 285° de la Tourelle des Truies – passe Ouest de Lorient –

La « TANCHE » n’a pas été réquisitionnée, cependant elle a appareillé le 19 Juin en exécution de l’ordre du Préfet maritime en date du 18 Juin, ordre qui prescrivait que tous les bâtiments du port de pêche devaient appareiller d’urgence pour se rendre dans un port du Sud de la Loire.

 NOTA/ Il y avait à bord de la « TANCHE », - à son arrivée à LORIENT - 10.000 maquereaux salés ; le bâtiment est reparti avec son poisson.

                                                                                                         Signé : BECAM

Destinataire

C.N. (Tampon et signature de l’Ingénieur général du Génie maritime ANTOINE)

Copie :

Archives

 

 

         

Annotations manuscrites:

Transmis à Monsieur l’Amiral de la Flotte, Secrétaire d’État à la Marine (F.M.F. /4) comme suite à la note 229 F .M.F. du 27.10.40.

Lorient, Le 13/11/1940

L’Ingénieur Général du Génie Maritime ANTOINE/Directeur des Constructions Navales/Signé ANTOINE[6]

Figurent sur l’original : 

 - Un tampon du 13 Novembre 1940 de la Direction des Constructions Navales   

 - Un tampon du 22 Novembre 1940

 - Un tampon de l’Amirauté française du 23 Novembre 1940.

 

        Pour copie conforme, LORIENT  Le 14 Août 1987, Lucien Le Pallec

 



[1] Le Patrouilleur « Perche » construit à Nantes sera transformé à Lorient en 1920 comme garde-pêche et sera affecté en Corse.  

[2]  French war Ships of World Warone (J.Labayle-Couat. ed. Ian Allan 1974)

[3]  Le Nouvelliste du Morbihan

[4] Voir Le Nouvelliste du Morbihan  des 4 et 5 septembre 1940, ainsi que le Bulletin du collège  Saint François-Xavier de Vannes de Noël 1941

[5] Le 3 Juillet 1940, tous les navires français présents en Angleterre sont saisis. Certains équipages de navires ont  été rapatriés sur leur demande.

 

[6] L’IGGM  Antoine assurait par intérim les fonctions de Préfet maritime, l’amiral de Penfentanyo de Kervereguin, étant prisonnier de guerre, suite aux combats des 5 chemins de Guidel du 18 Juin 1940. Cette note express  a été transmise directement de Lorient à Paris, alors que l'ingénieur général  Antoine aurait dû rendre compte  au Sous-secrétariat d'État à la Marine par une autre notre express sous une autre forme. A noter que le Ministère de la Marine est déjà supprimé dans le gouvernement Pétain. La transmission directe de Lorient à Paris a amené un mélange de signatures.