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 Bulletin n°37 - 2008-2009

 

   

ECOLES DE LORIENT

Ecoles de Merville

 

 

Yvette Harrouët

SAHPL  

 

 

 

 Carte postale- Collection de l'auteur

 

En 1870, le quartier de Merville situé au sud-ouest de la ville de Lorient ne possède pas d'école laïque. Les enfants qui y vivent fréquentent les écoles de l'intra-muros et de Kerentrec'h, celles-ci surchargées ne peuvent recevoir plus d'élèves. De nombreux enfants non scolarisés vagabondent dans les rues. La création d’une école primaire s’impose comme une évidence.

La municipalité de Lorient s'efforcera de réaliser ce projet dans la décennie qui va de 1870 à 1880.

Dans la DM du 14 août 1871, on propose de créer une école communale à Merville.

Les élus réfléchissent au budget nécessaire pour réaliser ce projet. Le Maire M. Beauvais dit: "les fonds manquent".  Un conseiller M. Faure poursuit: "Il faudrait faire des économies sur les dépenses superficielles, ou créer de nouvelles ressources". Le Maire appuie la remarque de M. Faure, il espère qu'au budget de 1872, on pourra trouver un financement pour cette création.

Les Conseillers municipaux sont très attentifs à l'enseignement.

M. Ratier affirme cette volonté en disant  "il ne serait pas admissible que le développement de l'instruction primaire soit arrêté dans une ville comme Lorient par une question d'argent".

 Le maire Edouard Beauvais partage l'avis de M. Ratier, il souligne qu'on s'occupe très sérieusement d'une question aussi vitale que celle de l'instruction publique. Néanmoins il faut organiser le financement du projet avec rigueur : "Les voies et les moyens doivent être discutés avec soin, on ne peut brusquement rompre l'équilibre du budget".

Dans la DM du 9 décembre 1871, le CM fait une analyse de l'enseignement à Lorient. "Sur une population de 37.000h. le nombre des enfants scolarisés est compris entre le  1/11 et 1/12  de la population". Le CM arrive à cette conclusion : "Lorient se trouve au-dessous de la moyenne établie en France, elle ne donne l'instruction qu'au ¾ des enfants pouvant la recevoir."

"Lorient est restée en dessous de la moyenne des résultats obtenus tant pour le nombre de ses écoles que pour celui des élèves qui le fréquentent".

La conclusion du CM est alarmiste "en un mot, la ville n'a accompli qu'une faible partie de sa tâche; c'est à dire qu'elle sera impuissante si l'on n'y prend pas garde à réaliser l'instruction obligatoire".

Ces discussions importantes sur le plan local s'inscrivent dans un contexte national où les lois de Jules Ferry germent et donnent lieu à des débats animés à l'Assemblée nationale.

Le 26 novembre 1872, le CM parle d'un terrain qui pourrait être acquis en entier  pour recevoir une école de garçons. Il s'agit d'un espace appartenant à l'hospice.

En attendant, la construction de l'école, une solution provisoire est adoptée pour scolariser les enfants.

Dans les dépenses du budget du 23 novembre 1871 au 26 mai1873, la dépense suivante est inscrite: "Location d'une maison d'école pour  les garçons et traitement d'un maître pour les derniers mois de l'année".

C'est une réponse apportée aux besoins résultant d'une augmentation constante de la population enfantine à scolariser.

Dans le DM du 26 mai 1873, le CM discute sur le choix d'un terrain constructible pour créer "des établissements d'instruction primaire qui manquent encore à Merville".

M. Villers évoque avec ambition la création "d'une grande école, d'une école modèle où tout se trouverait réuni pour assurer le développement intellectuel et corporel des enfants de Lorient".

Le financement de ce projet ne semble pas poser de problèmes importants. Les élus, après examen des finances prévoient un acompte de 20.000 F pour la construction de l'école de Merville.

On peut compter sur une somme de 148.232,70 F pour réaliser ce projet, elle sera ainsi composée :

 

 

54.727,10 F

Excédent budget supplémentaire

43.505,60 F

3e versement de la dépense des mobilisés qui sera payé en 1874.

50.000,00 F

Excédent des recettes du budget principal

 

 

Le 1er Juillet 1873, on demande au CM de voter la construction d'un groupe scolaire sur le terrain de l'hospice formant l'angle des avenues de Merville et de Carnel.

-         une école laïque de garçons

-         une crèche

-         un gymnase.

Le coût du projet est évalué :

            Acquisition du terrain …………………20.000 F

            Construction de l'école ………………130.000 F

 

On prévoit une dépense globale de 30.000F pour 1873, une délibération a lieu entre la mairie et la commission administrative de l'hospice. La municipalité remarque que l'hospice semble avoir des scrupules sur l'opportunité de la vente du terrain.

Le 10 octobre 1873, la commission administrative propose de recourir à un jury d'expropriation qui dégagera la responsabilité de l'hospice.

Le 16 juin 1874, le CM procède à la nomination d'une commission de l'instruction publique :

MM. Ratier, Boy, Renaud, le Diberder et Villers.

Les élus sont chargés de négocier l'achat du terrain et la construction de l'école de Merville.

Lors de la DM du 16 juin 1874, le maire lit une communication de la commission administrative de l'hospice relative à la cession à la ville de "la prairie sise à l'angle des allées de Carnel et de Merville pour l'établissement d'un groupe scolaire".

La superficie de ce terrain est de 13.350 m². La prairie est partagée en trois tiers:

Premier tiers situé rue de Carnel

Deuxième tiers situé avenue de Merville

Troisième tiers comprenant la partie située derrière les deux autres.

1er tiers …………………………………..  10 F  le mètre  superficiel 

2e tiers .................................................        10 F  le mètre superficiel

3e tiers ...................................................        4 F  le mètre

 

Ce problème est renvoyé à la commission du budget lors de la délibération du 4 août 1874, le maire lit une lettre du sous-préfet concernant la construction du groupe scolaire de Merville.

 

 

Terrain de l'hôpital à l'angle des Avenues de Merville et de Karnel 

Cadastre de Lorient 1852-1863  - Plan d'alignements 21e feuille (site AM Lorient)

 

L'acquisition du terrain pose problème, le prix du m² de la prairie est élevé.

Le sous-préfet propose de relire la délibération du 8 octobre 1873, qui relate les discussions de la commission administrative de l'hospice et de la mairie.

La commission municipale de l'Instruction publique s'insurge contre une nouvelle discussion de cette délibération (8 octobre).

La commission demande que l'exécution des précédentes délibérations du conseil municipal soit effectuée par l'administration municipale.

Dans la DM du 8 août 1874, les conseillers constatent que les articles 124 (acquisition du terrain) et 125 (construction du groupe scolaire 1) relatifs à l'école de Merville n'ont pas été exécutés; ils sont donc annulés faute d'emploi, puis ajournés au budget principal de 1875.

Cependant le projet a été approuvé par  l'autorité départementale, c'est à dire le Préfet du Morbihan.

Il restait à suivre la procédure légale quant à la réalisation du projet de construction de l'école de Merville.

Le dossier est ainsi précisé : 

1°) – s'assurer  le terrain situé à l'angle des rues de Carnel et de Merville.

2°) – Substituer à l'avant projet qui avait été soumis un plan définitif avec devis pour être présenté à l'approbation du Conseil des bâtiments civils.

3°) – Obtenir du Conseil Départemental de l'Instruction Publique un avis favorable à la nouvelle fondation lors de l'examen du budget.

Le rapporteur de la commission de l'école de Merville dit : "Le groupe scolaire n'est plus à l'étude. Les dépenses ont été votées mais non effectuées. L'exécution du projet exige le concours des autorités au contrôle desquelles est placée la commune. Ce concours n'a pas été obtenu avant la clôture de l'exercice. L'enquête commencée pour l'expropriation de la prairie de l'hospice n'a pas abouti. L'expert choisi par l'hospice avait estimé la prairie au prix moyen de 5 francs le mètre carré". Le projet n'a pas été réalisé.

Les élus le déplorent...

Le 19 février 1875, le groupe scolaire de Merville est à nouveau à l'ordre du jour. Un conseiller, M. Dubouëtiez propose : "Occupons-nous du prix de revient de cet établissement ! Nous ne pouvons que répéter qu'il est très difficile de trouver un terrain à moindre frais situé à proximité de Carnel, Merville et Nouvelle Ville". Il fait une autre remarque en faveur de la construction de l'école : "Il n'est pas inutile d'ajouter que cet emplacement est isolé de tout établissement pouvant être l'occasion de mauvais exemples ou de scandale".

Le projet a reçu l'approbation du CM et de l'autorité supérieure qui a maintenu ses délibérations.

Le CM doit prendre la décision du maintien du projet et de l'accomplissement des formalités nécessaires. Le prix du terrain sera fixé par le jury d'expropriation.

Dans la DM du 13 février 1875, les discussions des conseillers municipaux reflètent les idées républicaines sur l'Instruction Publique. "Il faut que chaque individu apprenne au moins à lire, écrire et compter, afin qu'il soit en mesure non seulement de faire ses affaires particulières, mais aussi de remplir avec discernement ses devoirs de citoyen".

"Le suffrage universel, base de la souveraineté nationale et de l'autorité, appelant à la vie politique et à l'exercice du droit électoral tous les Français réunissant les conditions d'âge et de moralité, a rendu plus particulièrement obligatoires l'éducation et l'instruction primaire."

Au cours de l'année 1875, le projet de construction n'avance guère.  Le 19 juin 1875, le maire fait remarquer qu'au budget supplémentaire de 1875, aucune somme destinée aux premières dépenses de construction des écoles de Merville n'y figure.

Le 17 décembre 1875, la question de Merville est moins avancée. Le préfet apprend au CM que "le Conseil Départemental de l'Instruction Publique qui avait émis un avis favorable, sans pouvoir prédire à quelle époque les formalités prévues par la loi seront remplies"... et propose de relancer le projet de construction des écoles de Merville. Il écrit aux élus "nous avons pensé qu'il était dès à présent urgent de préparer les voies et les moyens et nous vous demandons d'inscrire au budget une première somme de 20.000 F pour assurer l'exécution des travaux (Délibération du 20 décembre 1875.")

 

La DM du 12 février 1876 prévoit une somme de 1500 F pour le traitement et le logement du directeur de l'école laïque de Merville.

Dans cette même délibération le CM émet le vœu formel que l'école de garçons de Merville soit dirigée par un instituteur laïque.

En 1876, le projet de l'école de Merville n'a guère avancé. Les tensions entre la municipalité et l'autorité préfectorale persistent.

M. le Diberder demande ce qui a pu empêcher le Préfet de nommer l'instituteur de Merville, s'il est décidé à nommer un instituteur laïque !  Dans la DM du 9 décembre 1876, on fait état d'une opposition en haut lieu, quant à la construction du groupe scolaire de Merville.

Les élus voudraient que le projet se réalise. La commission de l'Instruction Publique propose d'affecter une somme de 25.000 F pour l'achat du terrain.

Le projet né en 1871, n'est toujours pas réalisé, le CM attend l'autorisation depuis trois ans.

Le maire, M. Beauvais espère que cette question trouvera une solution satisfaisante, le Conseil Départemental de l'Instruction Publique ayant, malgré les protestations de certaines personnalités lorientaises, approuvé le projet d'établissement d'un groupe scolaire au lieu désigné par le Conseil municipal.

 

Dans la DM du 30 décembre 1876, le conseiller municipal M. Aubin communique au Conseil une lettre par laquelle le Préfet du Morbihan rectifie une erreur commise par la commission du budget de 1877, lorsqu'elle attribue au mauvais vouloir de l'administration supérieure le retard apporté dans l'établissement du groupe scolaire de Merville. L'avant projet a été soumis à la commission départementale le 6 août 1875 et renvoyé à M. le Sous-préfet le 4 septembre 1875 avec avis favorable.

Le retard ne parvient nullement du fait de l'administration supérieure qui n'a été saisie d'aucun projet. Le conseiller, M. Diberder déclare qu'il n'est pas à sa connaissance que l'état de la question ait été exposé au conseil. Néanmoins, le CM constate que le Préfet est désireux de voir aboutir le projet, et espère une prompte solution.

Dans la DM du 31 mars 1877, M. Ratier expose que malgré les instances du conseil la question du groupe scolaire de Merville n'est toujours pas réglée... Il demande au maire de donner des ordres pour parvenir à la construction du groupe scolaire.

Le CM recherche des ressources pour faire face aux dépenses imposées par la construction des écoles primaires : L'école de Kerentrech et l'école de Merville.

Le ton des délibérations est grandiloquent et enflammé quand on parle des priorités des réalisations.

"En première ligne, il faut placer la construction de vos écoles primaires. Déjà vos écoles de l'intra-muros sont dans un état digne de l'importance de Lorient". Le quartier de Merville sera doté d'un groupe scolaire réunissant à une salle d'asile, des écoles de filles et de garçons où "les enfants de Carnel et de Merville viendront recevoir les bienfaits d'une éducation qu'une administration républicaine doit plus que tout autre, répandre sans redouter d'être accusée de profusion".

 

Dans la DM du 28 juin 1878, on entend que l'hospice serait disposé à céder au prix de 7F le m² la partie de la prairie destinée à recevoir le groupe scolaire de Merville.

Dans la DM du 19 octobre 1878, le maire Gustave Ratier fait le point sur la situation scolaire; la population s'accroît, de nombreux enfants ne sont pas scolarisés. Le projet de construction de l'école a pris beaucoup de retard.

La municipalité a loué un local à M. Avenel pour y installer l'école de garçons. C'est une solution provisoire ! La direction de cette école est confiée à M. Koséravoski. Au début, 40 enfants fréquentent cette école, puis 100 et 193 en 1878. L'effectif est trop élevé pour les locaux. Le maire donne les détails suivant : "193 enfants amoncelés dans deux pièces qui devraient d'après les règlements universitaires en contenir 90 à peine, il y a donc danger pour la santé des enfants et cela peut-être une cause d'infériorité dans l'instruction ! ...

M. Ratier affirme qu'il est impossible de maintenir cette situation même jusqu'au mois de septembre 1879 date à laquelle nous devons entrer en possession de la Nouvelle école.

La municipalité se voit contrainte, pour accueillir les enfants dans des conditions acceptables, de louer un local à M. Simon, à compter du 1er septembre 1878; la dépense sera prélevée sur les fonds d'entretien. Cette classe, bien que séparée de l'école de Merville formera la 3e classe de cette école et sera placée sous la surveillance de son directeur. Elle fonctionnera au Tourniquet.

 

Le maire  demande au CM de l'autoriser à traiter avec M. Simon pour la location de la maison d'école, à raison de 140 F pour une année à compter du 1er septembre 1878.

On nomme un deuxième instituteur adjoint, ses appointements sont fixés à 1.000 F, logement en sus.

En septembre 1879, les enfants ne peuvent être accueillis dans la nouvelle école de Merville car elle n'est pas encore achevée...

En effet dans la DM du 24 septembre 1879, le maire signale que M. Gueguen l'entrepreneur de l'école de garçons de Merville n'a pas terminé les travaux pour l'époque fixée par le cahier des charges. Les motifs du retard sont dus à la mauvaise saison, à quelques changements dans les plans et aux difficultés d'approvisionnement des matériaux.

L'entrepreneur demande que la municipalité lui accorde un sursis de quatre mois pour l'achèvement complet des travaux. Le maire demande au CM que l'entrepreneur ait une pénalité de 895 F pour le retard ; les travaux devront être terminés le 31 décembre 1879.

Le CM refuse la proposition du maire.

Le maire met aux voix une proposition formulée par M. Joubaud et modifiée par M. Floch : "Le CM reconnaît que le retard apporté par Mr Gueguen est dû au mauvais temps qui a sévi toute l'année. Il accorde à l'entrepreneur un sursis limité au 31 Décembre 1879 pour le complet achèvement de son entreprise. Il décide qu'une retenue de 450 F sera faite sur le montant des bordereaux".

"Si les travaux n'étaient pas terminés pour le 31 décembre 1879, les pénalités déterminées par l'art.45 du cahier des charges lui seraient appliquées sans déduction de la retenue dont il vient d'être question".

Le 23 février 1880, le CM invite l'administration à mettre M. Gueguen en demeure de livrer les travaux dont il est adjudicataire.

Au début de l'année 1880, l'école de Merville n'est pas terminée...

Cependant, dans la DM du 19 janvier 1880, le débat porte sur le retard de la construction de l'école des filles et constate la présence de "rocher" dans le sous-sol du terrain prévu pour cette école, c'est une difficulté imprévue qui ralentit le rythme du travail ! Il réclame une plus value pour l'extraction des roches.

Le prix du m³ de rocher serait de 7 F, ce rocher pourrait être réemployé dans la construction, il y a lieu de déduire le prix de 4 F portés au bordereau pour "moellon rendu à pied d'œuvre."  Après discussion, le conseil fixe à 3 F le prix du m³ de rocher employé dans la construction. Il accorde à l'entrepreneur une prolongation de deux mois, à partir de l'époque fixée au cahier des charges.

Un délai de six semaines est accordé à l'entrepreneur de l'école de garçons.

A la fin de l'année 1880, la construction des écoles de Merville est achevée. Dans la DM du 20 Décembre 1880, on fait état d'une réduction de dépense concernant l'école de garçon (1190 F de moins.)

On prévoit l'aspect financier du fonctionnement des écoles de Merville dans le budget de 1880. Des crédits sont prévus pour le traitement des directrices et adjointes de l'école de Merville. (Il est précisé qu'il s'agit des institutrices laïques de l'école de filles de Merville qui remplaceront les institutrices congréganistes au 1er septembre 1880).

 

Traitement de la directrice laïque………………….1200 F

Traitement des institutrices adjointes……………....600 F

 

Le maire, M. Ratier invite le CM à adopter les dépenses extraordinaires avec les chiffres portés au budget.

Les huit premiers articles concernent les remboursements des annuités et les paiements des intérêts concernant l'emprunt nécessité par la construction du groupe de Merville.

Le maire s'exprime ainsi : "grâce à la création de la caisse des écoles, nous avons eu la bonne fortune de pouvoir contracter cet emprunt à des conditions exceptionnelles."

La direction de l'école de garçons a été confiée à un maître laïque. Le Maire souhaite qu'il en soit  de même pour l'école de filles.

Cette question fait débat dans la délibération du 30 mars 1880

Le Maire, M. Ratier n'est pas présent au CM, il est très malade. Cependant, il fait porter une lettre très importante adressée au CM.

Le Président de séance, M.  Bachelot Villeneuve la lit aux conseillers municipaux.

Dans ce courrier, le Maire renouvelle son souhait de voir l'école de filles de Merville dirigée par une enseignante laïque. Il rappelle que "la loi de 1880 exige un vote du conseil municipal toutes les fois qu'il s'agit de substituer l'enseignement laïque à l'enseignement congréganiste; nos écoles de Merville: écoles de filles, salle d'asile ont été toutes construites dans l'intérêt de la laïcité. Aujourd'hui, le moment est venu de réaliser ce projet."  Il invite le CM à délibérer sur la question suivante : Est-ce que "l'école communale de filles confiée à la Congrégation de la Providence, sera, à partir des vacances confiée à une directrice et des adjointes laïques, et de délibérer également sur la direction nouvelle, à donner à la nouvelle salle d'asile, à partir de la même époque"?

Dans cette lettre, le maire Simon Ratier répond au conseiller Lucas qui ne souhaite pas que l'école de filles de Merville  soit dirigée par une enseignante laïque. Il est très conservateur…, il craint que la suppression de l'enseignement religieux dans les faubourgs de Lorient  "occasionne de nombreuses critiques…" Le mandat de la municipalité Ratier touchant à sa fin, il propose de laisser à la municipalité suivante la responsabilité de se prononcer sur la question de la direction de l'école des filles de Merville.

La lettre que M. Ratier adresse au Conseil Municipal est capitale car il y énonce avec clarté les principes de la société républicaine basés sur la liberté de conscience de chacun.

Il définit le rôle des enseignants : "nous voulons qu'ils donnent l'instruction et enseignent les principes de morale, mais qu'ils s'abstiennent d'empiéter sur les droits du père de famille, qui doit seul diriger, comme bon sui semble l'éducation religieuse de ses enfants"    

Il précise encore : "Je voudrais laisser à chacun sa tâche: Au maître d'école, l'instruction et le soin d'enseigner aux enfants les grands principes de la morale pure et de la loi.  Au père de famille, l'éducation.  Au prêtre, l'instruction religieuse".

 

Simon Ratier écrit encore: "Aujourd'hui, nous sommes loin de mon programme. L'instituteur qu'il soit laïque ou congréganiste est obligé d'enseigner aux enfants le catéchisme de la religion dominante, le catéchisme catholique."

Pour le certificat d'études, les enfants sont interrogés sur ce catéchisme.

La liberté n'existe pas dans ce système… Il signale les dangers de l'enseignement congréganiste.

Le maître "se considère comme chargé d'une mission divine et croit faire œuvre pieuse en cherchant à soustraire l'enfant à l'influence de l'éducation donnée par le père si cette éducation n'est pas conforme en tout point aux dogmes étroits du culte qu'il professe."

Le maître d'école, au lieu de chercher à faire de l'enfant un bon citoyen instruit, cherche avant tout à en faire un  défenseur de l'autel, le père de famille est obligé de laisser façonner l'esprit et le cœur de ses enfants au gré d'un homme dont il ne partage pas les idées religieuses et les espérances politiques, de supporter que cet homme apprenne à ses enfants à mépriser les doctrines qu'il professe et à exalter celle qu'il combat ou, de les priver de ce qu'il considère comme le plus précieux des biens : l'instruction".

 

Simon Ratier est un partisan de l'enseignement laïque, gratuit, et obligatoire.

Il est l'un des membres actifs de la loge franc-maçonne de Lorient "Nature et philanthropie": il y  côtoie Edouard Beauvais qui a négocié auprès de l'autorité supérieure le retour de l'école de garçons de Kérentrech dans le système républicain aux instituteurs laïques[1].

Ces deux hommes politiques, Ratier et Beauvais, ont réussi à convaincre les élus locaux et l'autorité supérieure qu'il fallait fonder des écoles laïques et gratuites à Lorient.

 

Revenons aux délibérations du 30 mars 1880. Après lecture de la lettre de M. Ratier au CM, le vœu suivant est proposé:

"A partir des vacances de 1880, la direction de l'école communale de filles, confiée actuellement à la congrégation de la Providence, le sera à une directrice et à des adjointes laïques".

"Et en outre la direction de la Salle d'Asile de Merville sera confiée à une laïque à partir de la même époque."

Le CM adopte !

 

En octobre 1880, le quartier de Merville est doté d'un groupe scolaire important comme le souhaitait le CM de Lorient en 1873.

Par la suite, la population de ce quartier populaire augmente rapidement car il se trouve à proximité du site des constructions navales. Les effectifs scolaires de l'école de Merville s'accroissent régulièrement, la municipalité doit créer de nouvelles classes.

Après 1880, les écoles de Merville peuvent recevoir les enfants des quartiers de Carnel et Nouvelle Ville.

La population de Merville est de 5.974 habitants en 1941; les classes sont surchargées… Dans la DM du 25 juillet 1882, on demande la création d'une classe à Merville on compte :

308 enfants dans les écoles communales de garçons,

207 enfants dans les écoles de filles,

208 enfants dans les salles d’asile.

 

Un conseiller signale que des enfants de Plœmeur fréquentent l'école de Merville, ce qui expliquerait les effectifs élevés. Pour répondre à cette surpopulation enfantine, la municipalité crée des classes quand cela est possible, en vérifiant que les besoins sont fondés. Dans le DM du jeudi 15 mai 1894, le CM est informé que l'école de garçons de Merville reçoit trop d'élèves (150 élèves pour une classe). Il y a six instituteurs pour 550 élèves. On constate que la population de Merville, Nouvelle-Ville a plus que doublé en dix ans, un agrandissement de quatre classes sera insuffisant !

En 1895, on demande deux instituteurs à l'école de garçons de Merville.

 

Au début du vingtième siècle, la municipalité doit toujours régler des problèmes d'école surchargée.

Dans la DM du 29 Mai 1903, l'école Maternelle de Merville est à l'ordre du jour. On signale que l'effectif est de 540 élèves. Les locaux sont insuffisants pour accueillir autant d'enfants. La Directrice propose la classe à mi-temps,  la moitié des élèves en classe l'autre moitié sur la cour.

Dans la DM de Juillet 1906, la création d'un cinquième poste  d'adjointe à la Maternelle de Merville. On prévoit un 11e poste d'adjointe à l'école de filles de Merville. Périodiquement, la municipalité essaie d'agrandir les écoles de Merville.

L'école fonctionnera  jusqu'à sa complète destruction au cours des bombardements de février 1943.

 

L’école de Merville est reconstruite après la guerre, elle est achevée en 1952. Elle est située à l’angle de l’avenue de la Marne (ancienne avenue de Carnel) et de la rue Jean-Jaurès.

 

   


[1] Cf Patrick Bollet, chapitre "Ecole de Kerentrech"

 

Sources: Archives municipales de Lorient - Registres des délibérations du Conseil municipal