REDENE 1342 - LA BATAILLE DE ROSCASQUEN
d’après les
CHRONIQUES DE JEAN FROISSART
René Balanec
Membre de la SAHPL
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I - Résumé du Manuscrit d'Amiens -Livre I, Tome II | ![]() |
II - La bataille fantôme | ||
III - Développement des arguments contre | ||
IV - Conclusion | ||
Lire aussi Jeanne la Flamme, la légende |
I– Résumé du manuscrit d’Amiens – Livre I , Tome II |
Louis d’Espagne arrive au port de Quimperlé et assez près de Quimper et Saint-Mathieu. Il pille tout le pays. Ces nouvelles arrivent à Hennebont à la Comtesse de Montfort. Gauthier de Mauny rassemble une troupe à bord de ses vaisseaux, cinq cents hommes d’armes et deux mille archers. Il arrivèrent droit au port de Quimperlé là où étaient les nefs de Louis d’Espagne. Gauthier de Mauny s’empare alors des vaisseaux et laisse trois cents archers et cent hommes d’armes pour les garder. Louis apprenant cela retourne vers l’île de Quimperlé, il aperçoit une partie de l’armée de Mauny et fait appeler son neveu Alphonse, et avant la bataille le fait chevalier. Louis se retire ensuite du champ de bataille où il a subi de grandes pertes dont son neveu Alphonse mort au combat. Poursuivi par les troupes de Mauny et par les paysans des environs, il voit son armée fondre littéralement : de trois mille hommes, il ne lui en resta plus que trois cents. Il trouva ses navires aux mains de l’ennemi, s’enfuit et finit par trouver une embarcation à voile et se dirigea alors vers la Vilaine qu’il remonta jusqu’à Redon, de là il gagna la ville de Rennes. |
. II – La bataille fantôme |
Cette bataille n’est qu’une invention de Froissart. Je vais donc vous donner les arguments en sa faveur et ensuite les arguments contre. A – Arguments « pour » -Le texte de Froissart -Un trésor monétaire du XIVe siècle fut trouvé à Keravéon non loin de Roscasquen -Roscasquen voudrait signifier « le tertre des casques » où des armes seront retrouvées au XIXème siècle. B – Arguments « contre » -Le texte de Froissart n’indique nullement le lieu de cette bataille mais seulement la région de Quimperlé -On ne sait à quelle date fut trouvé le trésor de Keravéon, sa composition, l’époque de son enfouissement, pas plus que l’endroit où il fut déposé. Ce qui n’apporte aucun élément positif en faveur d’une quelconque bataille en l’an 1342 -Personne n’a jamais vu les armes trouvées à Rédéné, des armes certainement mangées par la rouille au cours de plusieurs siècles passés sous terre, du mauvais fer de cette époque que l’on ne peut dater. |
III
– Développement des arguments contre cette
bataille dite de « Roscasquen » ![]() |
-Roscasquen est un lieu de passage depuis l’antiquité. La grande voie Nantes-Quimper passe à quelques centaines de mètres au sud.
-C’est probablement après 1354 qu’un chevalier nommé Jean Devereux et sa bande fortifièrent un vieux castel dit « La Motte-Maricot » à environ huit kilomètres de Quimperlé sur la vieille route d’Arzano. « De là ils pillèrent et tyrannisèrent le pays de telle sorte qu’on n’osait plus aller d’une ville à l’autre, et l’oppression devint si lourde que le peuple en fit sa complainte » dit Froissart. Il fallut un assaut en règle des partisans de Charles de Blois pour mettre fin à ce sac. Froissart a-t-il transposé ces événements en 1342 pour écrire sa bataille de Quimperlé ? Il avoue lui-même qu’il a copié son contemporain Jean Le Bel, du moins en ce qui concerne les événements en Bretagne de 1341 à 1361, et Jean Le Bel avoue qu’il n’a fait, lui, que rapporter les ouï-dire, les ballades, les complaintes, les chansons de gestes des troubadours et autres baladins. -Beaucoup d’historiens pensent que Froissart n’a jamais franchi les portes de Nantes bien qu’il se vante de connaître la Bretagne. Quant à Jean Le Bel, il n’a jamais mis les pieds en Bretagne car il l’avoue lui-même. Il composa sa chronique pour la partie bretonne vers 1352-1356. D’autres historiens ont dit que la bataille avait eu lieu dans les premiers jours de juillet, que parmi les morts de la bataille qui furent inhumés au tertre de Saint-Yhuel se trouvait Alphonse d’Espagne, neveu de Louis, enfin que d’autres seront enterrés sur place, en ce lieu qui porte le nom de Roscasquen. |
-Les archives anglaises disent que Gauthier de Maunay embarqua avec ses prisonniers vers le 7 juillet à destination de l’Angleterre mais du Conquet, le port et la cité étant aux mains des Anglais. -Il est fait mention de deux léproseries pour hommes à Quimperlé, mais l’une était dans le diocèse de Vannes –avant la Révolution, Rédéné était dans le Vannetais – or au lieu-dit Loveret se trouvait un ancien cimetière que l’on a appelé « le tertre de Saint-Yhuel » dont la chapelle attenante a disparu vers 1600. Ce lieu s’appelle aujourd’hui Bois-Joli. Plus loin se trouvait un lieu-dit « Les croix rouges » marquant certainement les limites d’un minihy, en l’occurrence le village des lépreux. Les maisons des lépreux devaient être peintes en rouge pour indiquer aux pèlerins et autres voyageurs de ne pas s’approcher de cet endroit. Il est donc certain que « le tertre de Saint-Yhuel » était le cimetière des lépreux, or jamais un chrétien, ennemi ou pas, n’a été enterré dans un tel cimetière. Jusque sous le règne de Louis XIV les descendants des lépreux, les cordiers, ne pouvaient être inhumés dans un cimetière chrétien. -Alphonse, soi-disant neveu de Louis d’Espagne, est un personnage qui n’existe que dans l’imagination de Froissart. Louis d’Espagne s’appelait en réalité Louis de La Cerda et n’avait qu’un frère, Charles. Or, celui-ci, beaucoup plus jeune que Louis, n‘a jamais eu d’enfant. Louis et Charles de La Cerda étant descendants directs de Louis IX étaient donc de la maison royale française, et leur généalogie bien connue, si bien qu’il n’y a pas lieu de polémiquer au sujet de ce neveu fantôme (voir tableau généalogique). -D’après
le récit de Froissart, il semble qu’il y ait eu au moins trois mille morts ce
jour-là et Roscasquen aurait été l’épicentre de la bataille, donc les
trouvailles auraient dû être nombreuses dans cette région, au fil des siècles,
comme sur tous les champs de batailles, ce qui n’est pas le cas. |
IV
– Conclusion ![]() |
La fameuse bataille de Roscasquen n’a jamais existé que dans l’imagination d’historiens à commencer par Froissart dont les motivations sont bien compréhensibles : il écrivait pour ses protecteurs et, à multiplier les versions d’un même récit, il a fini par jeter le doute sur l’authenticité de ses chroniques. La vérité historique est tout autre et ne peut être découverte que par un véritable travail de détective.
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